En Birmanie, un séisme meurtrier équivalent à un « bang supersonique »

L’événement meurtrier de magnitude 7,7 pourrait être de type super-cisaillement, selon les premières analyses de sismologues européens. Un phénomène rare qui expliquerait l’importance des destructions et ses répercussions jusqu’en Thaïlande.

Plus de 3350 morts et des milliers de blessés : le séisme qui a frappé la Birmanie le 28 mars 2025 a libéré une puissance colossale en à peine 80 secondes.

D’une magnitude 7,7, cet événement retient l’attention des scientifiques car il pourrait s’agir d’un séisme à supercisaillement (« supershear » en anglais), un phénomène rare au cours duquel la rupture se propage plus vite que la vitesse des ondes sismiques elles-mêmes de façon analogue à un avion supersonique (qui dépasse la vitesse du son).

La vitesse de propagation aurait atteint 5 kilomètres par seconde
Dans le cas du séisme birman, la rupture semble avoir parcouru plus de 400 kilomètres le long de la faille de Sagaing, une faille coulissante de type décrochant déjà à l’origine de séismes dans le passé.

Pour établir l’hypothèse d’un phénomène de supercisaillement, les chercheurs se sont appuyés sur une technique appelée « rétroprojection en réseau », qui consiste à repérer l’endroit où la rupture émet la plus forte énergie sismique à chaque instant en utilisant les données d’un réseau de capteurs.

« Nous estimons très simplement la vitesse de rupture en divisant la distance entre l’épicentre et le point d’émission d’énergie par le temps écoulé depuis le début de la rupture », explique Frederik Tilmann, sismologue au GFZ de Potsdam (Allemagne). Selon les calculs, la vitesse de propagation a atteint 5 kilomètres par seconde (km/s) durant le dernier tiers de la rupture.

Or,   »les vitesses des ondes de cisaillement dans la croûte terrestre sont inférieures à 3,8 km/s, et certainement inférieures à 4 km/s. 5 km/s est donc clairement au-dessus  », insiste-t-il. Ces travaux préliminaires ont été menés par Felipe Vera, doctorant au GFZ, et s’appuient sur une méthodologie récemment publiée dans le Journal of Geophysical Research: Solid Earth.

Une énergie comprimée, des dégâts étendus
Pourquoi ces séismes sont-ils redoutés ?

Parce qu’ils concentrent l’énergie sismique dans une onde très localisée, un peu à la manière d’un bang supersonique : « Pour les événements normaux (sous-cisaillement), quel que soit l’endroit où se trouve l’observateur, les ondes émises au début de la rupture arrivent en premier, et celles émises à la fin de la rupture arrivent en dernier.

Mais lorsque la vitesse de propagation de la rupture atteint ou dépasse la vitesse de l’onde de cisaillement, les ondes de cisaillement émises par la faille ne peuvent suivre la propagation de la rupture, explique le sismologue. Un observateur placé sur la trajectoire de la faille reçoit alors toutes les ondes émises (sur 80 secondes de rupture) en un temps très court.

Cela se traduit par des secousses plus violentes ».

C’est ce qui pourrait expliquer que ce séisme particulier a engendré des dégâts importants, et ce même à des distances plus lointaines qu’habituellement, comme l’effondrement d’un immeuble en construction à Bangkok, une ville située à 1000 kilomètres de l’épicentre. Un article, publié en 2010 dans la revue Tectonophysics, identifiait déjà la faille de Sagaing comme candidate probable à ce type de séisme.

« Ainsi cet évènement n’est pas totalement une surprise », ajoute Frederik Tilmann.

Néanmoins, les modèles sismiques actuels ne prennent pas toujours en compte l’aléa dû aux failles identifiées comme susceptibles d’être à l’origine de ruptures de supercisaillement.

Car les scientifiques n’ont pas encore réussi à mettre au point des simulations suffisamment efficientes.

Les résultats présentés par le chercheur sont encore préliminaires et, dans les prochains jours, de nouvelles données permettront sans doute de mieux caractériser cet évènement.

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