Maroc, Kosovo, Bangladesh, Colombie, Egypte, Inde et Tunisie : ces pays sont considérés comme des Etats « sûrs » par Bruxelles. Concrètement, leurs ressortissants n’auraient a priori pas le profil pour être éligibles à l’asile. Cette proposition devra encore être approuvée par le Parlement européen et les Vingt-Sept.
Afin d’accélérer le traitement des demandes d’asile, la Commission européenne a publié, mercredi 16 avril, une liste des pays d’origine dits « sûrs » qui englobe le Kosovo, le Bangladesh, la Colombie, l’Egypte, l’Inde, le Maroc et la Tunisie. Concrètement, les ressortissants de ces pays qui déposeraient une demande d’asile en Europe n’auraient a priori pas le profil pour être éligibles à une protection internationale – puisqu’ils viendraient de ces États considérés comme « sûrs ».
Afin de se mettre en conformité avec la Convention de Genève, qui régit le droit des réfugiés, la Commission affirme dans le même temps que, malgré la liste, les demandes d’asile devront toujours « procéder à une évaluation individuelle » indépendamment du fait que la personne provienne ou non d’un pays d’origine sûr. »
Une liste avant l’arrivée du Pacte asile mi-2026
Si elle est adoptée par le Parlement européen et les Vingt-Sept, cette liste serait la première à voir le jour de manière harmonisée à l’échelle européenne : tous les pays de l’UE seront censés la respecter.
Car à l’heure actuelle, plusieurs pays dont la France, la Grèce, ou encore l’Italie, ont déjà leur propre liste de pays sûrs. Selon des responsables européens, ces différentes listes encouragent les demandeurs d’asile, à viser tel ou tel pays d’accueil, avec des critères plus flexibles, plutôt qu’un autre.
La Commission espère la validation de cette proposition avant la « mise en œuvre de certains aspects du pacte sur les migrations et l’asile, adopté l’année dernière et qui doit entrer en application en juin 2026. »
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Le Pacte asile met déjà en place une procédure de « filtrage » des migrants aux frontières de l’UE.
Le but : distinguer plus rapidement ceux qui ont des chances d’obtenir l’asile de ceux qui ont statistiquement le moins de chances d’obtenir une protection : il s’agit généralement des ressortissants des pays pour lequel le taux de reconnaissance du statut de réfugié est inférieur à 20% en moyenne dans l’UE. C’est le cas des Marocains, des Tunisiens et des Bangladais.
Les ONG vent debout
Reste que l’adoption de cette liste de sept pays « sûrs » ne va pas de soi. Le sujet est sensible sur le plan politique et risque de provoquer des désaccords parmi les Vingt-Sept.
De plus, cette liste est déjà vivement critiquée par les ONG de protection des migrants. La Tunisie, l’Egypte ou encore le Maroc, sont régulièrement ciblés par les associations de défense de droits humains et les médias rapportent régulièrement des atteintes aux droits.
En Tunisie par exemple, les procès se multiplient contre les voix dissidentes, avec parfois de lourdes peines prononcées.
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme s’est alarmé en février, dans un communiqué, des pressions politiques croissantes du régime tunisien contre les opposants politiques, les journalistes et autres minorités.
Considérer ces sept pays comme « sûrs » est « trompeur et dangereux », s’est insurgé EuroMed Rights sur X.
« Succès », selon Rome
Cette liste, si elle est adoptée, n’est pas immuable. « Elle peut être étendue ou révisée au fil du temps. Les pays peuvent également être suspendus ou retirés de la liste s’ils ne remplissent plus les critères pour être désignés comme pays d’origine sûrs », explique encore le communiqué de la Commission.
L’accouchement de cette liste est « un succès du gouvernement italien », a salué Rome qui a œuvré pour. La France est elle plutôt restée en retrait des tractations, préférant juger la proposition de l’exécutif européen sur pièce.
La Commission avait déjà présenté une liste du même type en 2015. Mais ce projet avait finalement été abandonné en raison de vifs débats sur l’idée d’inclure, ou non, la Turquie, avec son bilan mitigé en matière d’indépendance de la justice, de droits des minorités et de liberté de la presse.
Bruxelles est sous pression pour durcir sa politique migratoire, face à la poussée de la droite et de l’extrême droite à travers le continent.
Mi-mars, l’exécutif européen avait déjà dévoilé des mesures pour accélérer les expulsions d’étrangers en situation irrégulière. La Commission avait notamment proposé un cadre légal à la création de centres pour migrants en dehors de ses frontières, les fameux « hubs de retour ».
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