La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, entend passer en revue les 474 niches fiscales et s’attaquer à celles qu’elle juge « inutiles » pour faire des économies. BFM Business en a recensées au moins 69 à date qui concernent moins de 100 contribuables.
Revoilà le serpent de mer des niches fiscales. Dans sa quête d’économies à hauteur de 40 milliards d’euros en 2026, le gouvernement envisage de s’attaquer à certains dispositifs qui permettent aux contribuables, particuliers comme entreprises, de réduire le montant de leurs impôts.
Selon la loi de finances 2025, il existe aujourd’hui 474 niches fiscales représentant un coût total d’un peu plus de 85 milliards d’euros pour l’État.
Mais parmi elles, certaines seraient « inutiles » selon Amélie de Montchalin qui entend lancer une revue complète pour les identifier. Car « si vous en avez 10% en moins, ça fait 8 milliards et demi » d’économies, a indiqué la ministre des Comptes publics, évoquant notamment « plusieurs dizaines » de niches qui « bénéficient à moins de 100 contribuables ».
Quelles sont ces niches presque confidentielles qui pourraient être dans le viseur du gouvernement?
Contacté, le ministère des Comptes publics dit ne pas donner « à ce stade d’exemples précis » mais assure que cela « fera l’objet d’une communication spécifique lorsque les travaux autour des niches dont parle la ministre seront terminés ».
Des niches difficiles à identifier
En attendant, un document annexe à la loi de finances 2025 permet d’y voir un peu plus clair. Sur les 474 niches fiscales recensées, au moins 69 bénéficient (à première vue) à moins de 100 contribuables.
Parmi elles figurent des dispositifs très divers comme la « déduction exceptionnelle en faveur des simulateurs d’apprentissage de la conduite » (26 entreprises bénéficiaires), l’exonération de CVAE (un impôt sur le chiffre d’affaires des entreprises) pour les « établissements exerçant une activité commerciale dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural » (12 entreprises), ou encore l’exonération d’impôt sur le revenu de « l’indemnité de départ volontaire versée dans le cadre d’une restructuration ou d’une réorganisation du ministère de la Défense » (51 ménages).
Même chose pour le crédit d’impôt pour les entreprises de création de jeux vidéo (84 entreprises), le « crédit d’impôt en faveur des représentations théâtrales d’œuvres dramatiques ou de cirques » (32 entreprises) ou l’exonération de TVA « des transports maritimes de personnes et de marchandises en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion » (59 entreprises).
Notons que 36 niches fiscales sur les 69 affichent un nombre de bénéficiaires égal à 0. Cela concerne par exemple l’exonération de droits de mutations octroyée aux contribuables qui font don à l’État d' »oeuvres d’art, livres, objets de collection ou document de haute valeur artistique ou historiques et agréés ». Une niche créée en 1968 et qui ne séduit visiblement personne.
Reste que les niches affichant « 0 bénéficiaire » sont pour beaucoup des dispositifs créés ou modifiés récemment et qui, par manque de recul, ne permettent pas d’estimer le nombre de contribuables qui en bénéficient. C’est par exemple le cas du taux de TVA réduit pour l’enseignement et la pratique de l’équitation (crée en 2024) ou de la déduction fiscale pour valorisation du cheptel des agriculteurs (2024).
Citons également la possibilité pour les médaillés olympiques d’étaler sur quatre ans le montant des primes versées par l’État. Les Jeux olympiques étant achevés depuis moins d’un an, difficile de savoir combien d’athlètes opteront pour ce dispositif.
Un nombre de bénéficiaires inconnu pour de nombreux dispositifs
Il est en réalité complexe d’identifier avec précision le nombre de niches fiscales qui concernent moins de 100 contribuables. Et pour cause, sur les 474 dispositifs, pas moins de 200 ont un nombre de bénéficiaires « inconnu », selon le document annexe à la loi de finances.
Des informations « incomplètes » que déplorait déjà la Cour des comptes en 2023.
Il est malgré tout fort probable que la plupart de ces niches aux nombre de bénéfiaires indéterminé concernent plus de 100 bénéficiaires (exonération d’impôt sur le revenu des « dividendes capitalisés sur un plan d’épargne en actions », exonération « des vacations horaires et des avantages retraite servis aux sapeurs-pompiers volontaires », taxes réduites « pour les gazoles et essences consommés pour les besoins de la propulsion des véhicules d’incendie et de secours »…).
Précisons que sur les 474 niches, 65 sont en cours d’extinction, dont 40 sont en réalité déjà éteintes mais ont encore un impact budgétaire. Le gouvernement devra déterminer parmi les dispositifs qui restent et qui concernent peu de contribuables ceux qu’il souhaite supprimer.
Sachant qu’une niche avec peu de bénéficiaires n’est pas nécessairement une niche « inutile ». On peut par exemple citer les avantages fiscaux favorisant l’investissement dans le logement social des territoires d’outre mer. D’autres répondent à des exigences morales sans doute largement partagées comme par exemple l’exonération de droits de mutation des successions des policiers et gendarmes décédés dans l’accomplissement de leur mission.
Surtout, ces avantages fiscaux ne sont par définition pas ceux qui vident le plus les caisses de l’État.
Selon la Cour des comptes, 149 niches fiscales n’ont pas ou quasi pas d’incidence sur le budget et 177 niches fiscales pesaient chacune entre 1 et 50 millions d’euros en 2022 pour un coût total de 2,4 milliards d’euros. 19 niches pesaient au contraire 49 milliards d’euros à elles seules soit 58% du total. Parmi elles, le crédit d’impôt recherche (7,7 milliards d’euros) ou le crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile (6,8 milliards d’euros).
bmftv