Ces dernières semaines, dans les préfectures françaises, des circulaires internes font couler beaucoup d’encre. Ces documents demanderaient aux policiers de signaler les étrangers en situation régulière qui auraient été placés en garde à vue. Cette forme de « fichage » dans le département de Seine-Saint-Denis a été révélée la semaine dernière par les médias les Jours et le Parisien.
Quatre organisations, dont la Ligue des droits de l’Homme, ont introduit une requête vendredi 18 avril devant le tribunal administratif de Montreuil.
C’est une des mises en application de la circulaire Retailleau : une procédure de signalement qui ne concerne pas des étrangers condamnés par la justice, mais de simples suspects mis en garde à vue. Les agents sont alors priés de noter la date et le lieu de soupçons de faits, l’infraction soupçonnée, les suites judiciaires, les antécédents judiciaires de la personne mise en cause, ainsi que « toute information utile pour caractériser la menace pour l’ordre public que constitue la présence de l’intéressé en France », rapporte Les Jours.
Le média en ligne ajoute que les empreintes digitales, la copie de la carte de séjour et des documents d’identité du pays d’origine sont aussi consignés par « le bureau du séjour de Bobigny ».
« Il y a une criminalisation des étrangers »
« Sur un simple soupçon qui n’a absolument débouché sur rien – ce qui veut dire qu’on n’a pas considéré qu’il y avait une infraction – il y a un risque de non-renouvellement du titre de séjour de personnes qui sont parfaitement insérées dans la société, explique Nathalie Teillaud, présidente de la Ligue des droits de l’homme (LDH). Sur le simple motif de suspicion d’une infraction. Ce qui encourage aussi toutes les dérives, c’est-à-dire de policiers qui pourraient cibler de façon parfaitement raciale, parce qu’elles sont encouragées dans la mesure où cela a un débouché procédural. »
Selon la LDH, ces signalements remettent en cause le secret de l’instruction et la présomption d’innocence.
Au-delà de cette seule procédure, la LDH s’inquiète d’un climat de dérive xénophobe : « Depuis la loi Darmanin, on voit bien qu’on dérive vers une stigmatisation des étrangers. C’est parfaitement xénophobe. On voit qu’il y a une criminalisation des étrangers qui est directement issue de l’extrême droite, il y a un projet de faire que la société soit scindée par rapport à la couleur de la peau. Il y a quelque chose de cet ordre-là. »
« Infamant », selon la préfecture de Seine-Saint-Denis
Le préfet de Seine-Saint-Denis dément tout « fichage » des étrangers. Accusée par des députés insoumis, la préfecture de Seine-Saint-Denis a contesté vendredi 11 avril cette « notion infamante » et évoqué « des fiches de procédure » pour « expliciter les conditions de mise en œuvre de la loi ».
Pour y faire face, quatre organisations, dont la Ligue des droits de l’Homme, ont introduit une requête vendredi 18 avril devant le tribunal administratif de Montreuil, selon Le Parisien.
Elles se basent sur une procédure similaire introduite par la LDH en Loire-Atlantique : l’ONG avait alors obtenu le 4 avril gain de cause contre un document similaire. Le tribunal administratif de Nantes a suspendu un document similaire qui constituait un « traitement de données personnelles » non autorisé.
Le directeur interdépartemental de la police demandait dans une note interne en novembre la mise en place d’une « fiche navette complétée par les services interpellateurs puis communiquée à la préfecture de Loire-Atlantique ». Quarante fiches avaient été transmises par les services de police à la préfecture depuis et une personne avait fait l’objet d’une procédure pour le retrait de son titre de séjour, d’après la préfecture.
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