Lazza : « Quand Milan a remporté le Scudetto en 2022, j’étais fou !  »

Installé dans le top 3 (et pas troisième) des rappeurs italiens les plus écoutés depuis dix ans, Lazza a dépassé le milliard d’écoutes cumulées sur Spotify, s’apprête à remplir son premier San Siro cet été et est l’un des tifosis les plus connus de l’AC Milan à tout juste 30 ans. Avant le derby de ce mercredi (21h) qui oppose Milan à l’Inter en demi-finales retours de Coupe d’Italie, on avait quelques questions à lui poser.

Quels sont tes premiers souvenirs de foot ?Mes premiers souvenirs de foot, alors… Je me rappelle une fois quand j’étais gamin où mon père m’avait emmené au stade. C’était un match de Coppa Italia où l’AC Milan jouait. Attention, là, je te parle d’un temps où Oliver Bierhoff jouait encore chez nous.

Tu te souviens du match ?Non, je me souviens juste que des gens installés au niveau de la rangée de sièges juste en dessous de nous fumaient des joints et que ça m’avait fait dormir au bout d’un quart d’heure de jeu. J’avais donc demandé à mon père de rentrer à la maison. (Rires.) J’étais petit, je devais avoir 6, 7 ans.

Et sinon, tu tapais un peu le ballon quand même ?Je n’ai jamais été un bon joueur, en tout cas pas du tout au niveau de mon père ou de mon oncle qui, eux, sont des phénomènes. Mon père jouait en Serie D quand il était jeune, il a une lecture du jeu que je n’ai pas. J’aime jouer au foot comme ça, le regarder aussi, mais je n’ai jamais ambitionné de devenir footballeur et d’en faire mon métier. Moi, le foot, c’est principalement depuis le canapé. Ça n’a jamais été mon rêve de devenir footballeur.

Tu as un tatouage de Frédéric Chopin sur le mollet droit. Pourquoi ?Dans la musique, où j’ai tendance parfois à être rustre, je suis aussi l’un de ceux qui cherchent l’émotion. En Chopin, j’ai trouvé ça. Je ne sais pas comment le dire, mais dans ce qu’il a composé, il avait cette virtuosité en lui qui m’a fait m’émerveiller devant ces œuvres. Certaines de ses compositions m’impressionnent quand tu les vois être exécutées en live. C’est difficile à jouer et en même temps magnifique quand tu vois tes mains courir d’un bout à l’autre du piano.

Puis il y a aussi dans ce qu’il a pu faire et écrire certaines œuvres qui ont une dimension émotionnelle importante, la musicalité et la souffrance qu’il y a là-dedans te percutent en plein cœur. C’est pour tout ça que je suis fan de lui et qu’encore aujourd’hui, je réécoute ce qu’il a pu faire et que j’aime le jouer.

Qui serait le Chopin du foot ?Bonne question… Toi, tu dirais quoi ?

Ronaldinho quand il te rentre un petit pont, il rigole, il sourit. Cela tranche trop avec la période de musique dans laquelle évoluait Chopin qui n’était pas une période heureuse.

Pour l’aspect virtuose, peut-être Ronaldinho ?Oui, mais Ronaldinho quand il te rentre un petit pont, il rigole, il sourit. Cela tranche trop avec la période de musique dans laquelle évoluait Chopin qui n’était pas une période heureuse. Je crois d’ailleurs avoir lu à son sujet que Chopin lui-même n’était pas vraiment un gars très solaire. Ronnie, lui, incarne la joie. Ibrahimović, peut-être ? Quoique non, parce qu’Ibra semble avoir un humour infini, même si je ne le connais pas personnellement… Ce n’est pas facile !

Bon, alors on coupe la poire en deux : qui aurais-tu aimé voir au sommet et n’y est pas parvenu ?

Balotelli. Et je peux t’assurer que ça me rend un peu triste de le dire, mais il avait tout pour devenir un joueur incroyable. À mes yeux, Mario a toujours été incroyable, mais c’est triste que ces dernières années, nous n’ayons pas pu voir ce génie à l’œuvre. Mais je reste un grand fan de Balotelli. Je le connais, on s’est vus plusieurs fois. J’aimais le voir jouer, car ce qu’il faisait était beau et arrogant à la fois. Il poussait au défi, c’était du beau football ce qu’il faisait.

Où se cache la musicalité dans le football ?Regarder les virages chanter les chants de supporters est une chose extraordinaire. C’est la chose la plus musicale qui me vient en tête. La curva de Milan, celle de Boca ou même du Raja Casablanca. J’ai vu une vidéo du Raja où ils entonnent un chant tous ensemble, coordonnés, mamma mia, c’était impressionnant !

Quand tu étais enfant, tu rêvais de Shevchenko ?Dans quel sens je rêvais de Shevchenko ?

C’était un peu ton idole, non ?Idole non, mais je l’aimais bien, Sheva ! Je ne crois pas avoir déjà dit que Shevchenko était mon idole quand j’étais enfant. Mais c’était un joueur que j’appréciais énormément parce que c’était un « bomber ». Il y avait lui et Kaká. Kaká, au-delà de son génie, c’était aussi parce qu’il portait le 22. Un numéro auquel je suis immensément attaché, car c’est celui de ma date de naissance ainsi que celui de ma copine (Greta Orsingher, NDLR).

Le 22 me suit, en quelque sorte.

Comment as-tu vécu la mythique finale Liverpool-Milan de 2005 ? Tu avais 10 ans.Comment je l’ai vécue ? (Rires.) En pleurant de grosses larmes ! En l’espace de dix minutes, j’ai littéralement vu un rêve se désintégrer sous mes yeux. Je ne l’ai pas très bien vécu, à vrai dire, et là pour le coup, je me rappelle très bien le scénario de ce match.

Pourquoi ?Parce que j’ai vu mon père triste. Et cela n’arrivait pas souvent : ces 20 dernières années, cela doit se compter sur les doigts d’une main. Ce soir-là, de voir le Milan perdre la finale de la Ligue des champions de cette manière en a fait partie. La tension était telle qu’on avait regardé le match à la maison, chacun dans une pièce différente.

À l’inverse, quel est ton meilleur souvenir en tant que tifosi du Milan ?Quand Milan a remporté le Scudetto il y a trois ans, j’étais fou ! J’ai pris ma caisse et j’ai foncé vers le Duomo pour aller fêter ce titre. J’avais déjà à l’époque une voiture assez coûteuse, mais je m’en foutais : je voulais retrouver les autres tifosis pour partager ce triomphe avec eux.

Il y en a un autre ?Lorsque j’ai fait San Remo (le festival de la chanson italienne, NDLR) en 2023. Ou plutôt le premier match que je suis allé voir à San Siro après être passé là-bas. C’était un Milan-Tottenham, en Ligue des champions. Entendre la Curva Sud chanter « Cenere », le titre que j’avais interprété à San Remo, cela m’a donné des frissons. Je n’aurais jamais cru que cela se produise un jour.

En 2024, il paraît que tu as rencontré de façon fortuite Andrea Pirlo et Massimo Ambrosini. Raconte-nous.Je rentrais du studio et je me suis arrêté manger un panini. C’est là que je les ai croisés, ils se sont mis à fredonner « Cenere » quand ils m’ont vu. Il y avait des amis d’Ambrosini également ce jour-là – je veux pas dire de conneries hein, mais je crois que c’était son anniversaire. Je me suis assis avec eux, on a mangé et on a parlé de tout et de rien. Ambrosini, on s’appelle encore de temps en temps d’ailleurs.

Aujourd’hui, des joueurs comme Pirlo ou Ambrosini, il n’y en a plus au Milan. Ça te manque ?Bien sûr que ça me manque de ne plus voir ce Milan-là… Le Milan de Carletto, c’était quelque chose.

La seule chose que j’espère, c’est de revoir un jour l’équipe victorieuse dont je suis tombé amoureux lorsque j’étais enfant.

Comment tu expliques qu’aujourd’hui, ce soit compliqué pour Milan ?Il faut leur demander, à eux ! Moi, je ne suis pas dans le vestiaire, je ne sais pas ce qu’il se passe. Il doit y avoir un problème qui fait que les joueurs n’arrivent pas à se trouver sur le terrain, mais je n’ai pas envie de dire des trucs dont je n’ai pas connaissance ou que je ne maîtrise pas totalement. La seule chose que j’espère, c’est de revoir un jour l’équipe victorieuse dont je suis tombé amoureux lorsque j’étais enfant.

Dans le foot, il y a beaucoup de footballeurs qui se mettent au rap comme ton pote Rafael Leão, Moise Kean, Memphis Depay… Tu en penses quoi, sincèrement ?

Oui, j’essaye d’écouter ce qu’ils font quand je peux ! Notamment ceux de Rafa, j’ai écouté plusieurs de ses projets. Je ne comprends rien à ce qu’il dit parce qu’il chante en portugais, mais j’aime bien. Moise Kean, pareil on se connaît, lui c’est mi-italien mi-anglais ce qu’il fait.

Il y en a un qui t’a surpris ?Kevin-Prince Boateng. C’était plus hip-hop, lui. Ce qui est amusant avec les footballeurs, c’est qu’ils sont encore plus rappeurs que les rappeurs eux-mêmes. Ils rappent avec les codes des mecs qui sont tout en haut. Je te donne un exemple : dans l’un des clips vidéo de Boateng (« King », NDLR), tu le vois debout sur un billard tapant avec ses pieds dans les boules avec ses chaussures Louis Vuitton, dans le clip il y a 4-5 décors différents… Des trucs qu’on fait nous, rappeurs, quand on est au sommet.

Tu vas remplir San Siro cet été pour la première fois. Pourquoi ce stade est si particulier ?Faire San Siro, c’est le désir de n’importe quel chanteur. Pour quelqu’un comme moi qui fait ce que je fais, c’était encore plus difficile à imaginer. Je ne pense qu’au moment où je vais rentrer dans l’arène, sur la scène, pour donner le maximum. Je travaille beaucoup pour proposer quelque chose de mémorable dont on se souviendra encore dans quelques années. J’aime bien laisser une trace.

Mais pour toi qui viens de Milan, fan de l’AC Milan, ça doit être gigantesque non ?C’est symbolique, c’est énorme, ça me rend fier. Je suis fier de moi, de la constance que j’ai eue, de mon entêtement et de mon travail qui m’ont permis d’en arriver là.

Après, le jour J, il y aura une atmosphère forcément particulière, même si finalement face à moi, ce sera et ça restera mon public.

Si tu devais te retrouver dans un joueur, ce serait Ibrahimović ?Je dirais Zlatan ou Cristiano Ronaldo, oui. Pour leur attachement au perfectionnisme, à la discipline, ne jamais se contenter de ce qu’ils ont. Mais au niveau de la communication avec les fans et le reste du monde, je mets encore une fois Ibra devant les autres.

Ibra réussit à dire des choses qui, dans la bouche d’un autre, apparaîtraient comme arrogantes. Mais si lui le dit, c’est marrant, car il te balance le missile avec le sourire.

Pourquoi ?Parce lui comme moi certaines fois, on est tous les deux dans une forme « d’arrogance » sympathique. Ibra réussit à dire des choses qui, dans la bouche d’un autre, apparaîtraient comme arrogantes. Mais si lui le dit, c’est marrant, car il te balance le missile avec le sourire. Je me rappelle une fois, à San Remo où il était invité. Il avait remarqué dans la salle où se trouvait la meilleure place. Elle était réservée au président de la République.

Il s’est adressé à un humoriste et a dit: « Moi, je veux m’asseoir là. » Il lui a alors répondu que c’était pour le président. Puis Ibra a dit: « Mais le président, il a marqué combien de buts pour être ici ? » (Rires.) C’est toujours fait de manière intelligente, pour moi c’est la meilleure façon de communiquer, car au-delà de ses gestes sur le terrain, c’est ça qui te fait aimer Ibra.

Tu penses quoi du foot actuel ?Je ne le vis plus autant qu’avant, car je vais être honnête : je ne le regarde pas beaucoup, entre la musique et mon fils. Je regarde quand j’ai du temps, et surtout je ne regarde pas le foot en général. Je regarde seulement le Milan.

Ce serait quoi ton rêve dans le foot ?Mon rêve, ce serait qu’Ancelotti revienne à la tête de mon club. Ou bien un autre entraîneur que j’adore : Guardiola. J’aimerais beaucoup voir le Milan être prochainement entraîné par l’un de ces deux coachs. Pep, je l’aime bien. J’ai l’impression qu’il s’est fait tout seul en suivant son truc. Pour moi, un mec qui entraîne Milan doit être un gars comme lui, un point de référence auquel tout le monde peut se fier.

sofoot

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