Portrait de Donald Trump : quand Poutine flatte l’égo du président américain avec un tableau

Le mystère entretenu ces dernières semaines autour du portrait offert par la Russie à Donald Trump a été levé mardi. Le tableau, peint par l’un des plus célèbres portraitistes russes, met en scène le président américain juste après l’attentat raté dont il a été la cible en juillet 2024. Une manière pour Vladimir Poutine de flatter l’égo du locataire de la Maison Blanche, qui nourrit une obsession pour les toiles ou photographies le représentant.

Vladimir Poutine a attiré Donald Trump dans une toile à son image. Un portrait de du milliardaire républicain dans une posture héroïque, réalisé par le peintre russe Nikas Safronov et offert par le président russe à son homologue américain en mars, a été dévoilé par CNN et l’agence de presse russe RIA Novosti mardi 22 avril.

Ce tableau vient compléter la très large collection de portraits le représentant que possède et exhibe le locataire de la Maison Blanche.

Ce présent russe est une représentation picturale de la fameuse photographie de Donald Trump – alors encore candidat – poing levé et visage ensanglanté, quelques instants après la tentative d’assassinat dont il a été victime en juillet 2024, lors d’un meeting de campagne à Butler, en Pennsylvanie.

Portraitiste de Vladimir Poutine
Depuis plus d’un mois, le plus grand mystère entourait ce portrait remis par Vladimir Poutine à l’envoyé spécial de Washington, Steve Witkoff. Personne ne savait comment l’artiste russe avait croqué le 47e président des États-Unis.

Même la présidence américaine avait préféré en dire le moins possible. Tout juste savait-on que Donald Trump avait trouvé l’œuvre « magnifique » et avait « été touché par l’attention », selon Steve Wtikoff.

C’est finalement CNN qui a pu rencontrer le peintre pour en apprendre plus sur ce mystérieux tableau, jalousement gardé secret par un président américain pourtant peu avare en autopromotion.

Donald Trump a dû être satisfait par le choix du portraitise russe.

Nikas Safronov « a la réputation d’être l’un des peintres les plus célèbres en Russie, surtout en matière de portraits. Il en a déjà fait de Vladimir Poutine », précise Natasha Lindstaedt, spécialiste des régimes autoritaires à l’université d’Essex, au Royaume-Uni. Il a également immortalisé sur ses toiles d’autres célébrités, comme Robert de Niro, Alain Delon, Sophia Loren, ou encore Madonna.

Avec Nikas Safronov au pinceau, Donald Trump peut donc se dire qu’il a eu droit à un traitement réservé aux stars de la part de l’un des artistes officiels de la cour du maître du Kremlin. De quoi flatter l’égo du président américain.

Le portrait du « survivant »
Le portrait possède tous les ingrédients pour combler « le penchant narcissique de Donald Trump », estime Jérôme Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine et auteur du livre « Les mots de Trump ». « C’est une version quasi-caricaturale du ‘super-Américain’, celui qui, au premier plan, protège les États-Unis, représentés par la Statue de la Liberté, le drapeau américain et la silhouette de New York en arrière-plan », détaille Natasha Lindstaedt.

Ce n’est pas non plus un hasard si Nikas Safronov a pris comme modèle un Donald Trump venant tout juste d’échapper à l’attentat le visant.

« C’est un moment important pour lui, car il est alors apparu à ses militants comme tout-puissant, capable de braver la mort. Il est ainsi devenu pour son camp un homme que rien ne peut arrêter dans sa mission de devenir président pour protéger les États-Unis », décrypte Jérôme Viala-Gaudefroy.

Ce portrait inspiré de la photo iconique de Butler met aussi en avant « les valeurs masculinistes, représentées par les traces de sang sur le visage et le poing levé. Deux détails censés démontrer qu’il incarne l’homme-patriote par excellence, prêt à la violence pour défendre son pays », note Joanna Szostek, spécialiste de la propagande russe à l’université de Glasgow, en Écosse.

Pour cette experte de la Russie, cette représentation très virile de Donald Trump permet aussi de créer un lien entre lui et Vladimir Poutine.

Le président russe ne rate pas une occasion de glorifier la « force masculine » et de se mettre en scène, par exemple, torse nu à cheval dans les plaines de Sibérie. « Ce portrait doit permettre de renforcer la ‘bromance’ [amitié virile, NDLR] entre les deux chefs d’État en créant cette proximité », ajoute Natasha Lindstaedt.

Des portraits partout
Vladimir Poutine sait aussi qu’il a de fortes chances de taper juste avec ce portrait. Donald Trump semble en mettre partout à la Maison Blanche ces derniers temps. Un autre tableau le représentant après la tentative d’assassinat à Butler a remplacé début avril, dans l’entrée de la Maison Blanche, un portrait de l’ex-président démocrate Barack Obama.

Il en a accroché un autre, sur lequel son visage se confond avec le drapeau des États-Unis, juste à côté de celui d’Hillary Clinton, sa rivale malheureuse en 2016.

« Ces portraits sont pour lui une manière de remplacer physiquement ses principaux rivaux à la Maison Blanche. Surtout Barack Obama, dont la popularité l’a toujours rendu jaloux », souligne Natasha Lindstaedt.

Donald Trump a en outre un penchant pour le portrait peint, qui permet plus facilement de s’arranger avec la réalité qu’une photo. « Sur le portrait offert par la Russie, Donald Trump a clairement perdu 15 kilos par rapport à la réalité. On a l’impression d’être à la cour du roi Louis XIV, lorsqu’on arrangeait les portraits pour faire plaisir aux nobles », note Jérôme Viala-Gaudefroy.

Faire durer la « bromance »
D’après les experts interrogés par France 24, offrir une représentation picturale à Donald Trump est aussi une manière pour Vladimir Poutine de lui dire qu’il le reconnaît comme un membre à part entière du club des (aspirants) autocrates, qui partagent tous la même obsession pour leur image. « En Chine, par exemple, on est passé d’un régime de parti unique à un régime où les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un seul homme, et le culte de la personnalité que Xi Jinping a mis en place passe notamment par des portraits de lui partout », souligne Natasha Lindstaedt.

Une idée fixe qui amène Donald Trump à inspecter minutieusement la qualité des toiles à sa gloire.

Ainsi, lorsqu’il a découvert, fin mars, un portrait de lui qui ne lui plaît pas au Capitole de l’État du Colorado, « ça l’a obsédé à tel point qu’il prenait du temps pour poster des messages à ce sujet sur les réseaux sociaux, et qu’il a fait en sorte de remplacer le tableau alors qu’il y avait des urgences économiques à régler », souligne Natasha Lindstaedt.

Ce présent de Vladimir Poutine était-il aussi un geste intéressé à l’heure où Donald Trump met la pression sur l’Ukraine et la Russie pour mettre un terme à la guerre entre les deux pays ?

« C’est sûr que les Russes espèrent avoir plus de chance d’obtenir des concessions en flattant Donald Trump. Mais un portrait n’est qu’un élément d’une stratégie plus globale de rapprochement avec l’administration de Donald Trump », estime Joanna Szostek.

Pour cette experte de la Russie, ce qui est frappant dans cette démarche, c’est avant tout que le Kremlin ait commandé un tableau mettant en avant la bannière étoilée et le leader d’une Amérique triomphante, « alors même que les médias officiels continuent régulièrement de critiquer les États-Unis », note-t-elle.

Pour Joanna Szostek, c’est là la preuve que le Kremlin perçoit « l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche comme une chance, et que les autorités russes sont prêtes à faire beaucoup d’efforts pour en profiter ».

france24

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