Allemagne : les demandeurs d’asile ayant obtenu une protection en Grèce peuvent être renvoyés dans le pays, selon la justice allemande

La plus haute juridiction allemande, la Cour administrative fédérale, autorise les autorités à renvoyer vers Athènes les demandeurs d’asile ayant déjà obtenu le statut de réfugié statutaire en Grèce. Mais le gouvernement grec a déjà annoncé qu’il n’accepterait aucun retour.

La Cour administrative fédérale a tranché : les exilés ayant obtenu une protection internationale en Grèce peuvent être renvoyés vers Athènes, en vertu du règlement Dublin – selon lequel les dossiers d’asile doivent être traités par le premier pays d’arrivée en Union européenne (UE), qui a ensuite la charge de l’accueil et de l’intégration.

La plus haute juridiction allemande, basée à Liepzig, considère ainsi dans sa décision datée du 16 avril que les réfugiés statutaires en Grèce n’ont pas de motifs valables pour redéposer une nouvelle demande d’asile en Allemagne. Ils ne seraient pas, contrairement aux dires des réfugiés, confrontés à des conditions d’accueil inhumaines ou dégradantes en Grèce.

Les plaignants, un Gazaoui de 34 ans et un Somalien de 32 ans, avaient saisi la Cour administrative fédérale après avoir été déboutés de leur demande d’asile en Allemagne en première instance, puis en appel. Les autorités avaient rejeté leur dossier car ils avaient déjà tous deux obtenu le statut de réfugié en Grèce.

Accès à du « pain, un lit et du savon » en Grèce
Tout au long de la procédure, les deux hommes avaient mis en avant les difficiles conditions de vie et d’intégration en Grèce, notamment le peu d’aides financières accordés aux réfugiés qui les contraint de vivre dans la précarité.

Des demandeurs d'asile dans le centre de Samos, en Grèce (archives). Crédit : Picture alliance

Après un examen de leur situation (évaluation de l’âge, état de santé…), le juge président Robert Keller a estimé que les conditions de vie en Grèce répondent aux besoins fondamentaux mentionnés dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE, comme la nourriture, le logement et l’hygiène. Le critère principal étant de s’assurer que les migrants en Grèce ont bien accès à du « pain, un lit et du savon », a rappelé Robert Keller, tout en reconnaissant que ce « n’est pas grand chose ». « [Les exilés] peuvent probablement (…) trouver un logement au moins dans des abris temporaires ou des hébergements d’urgence dotés d’installations sanitaires de base, gérés, entre autres, au niveau municipal et par des organisations d’aide non gouvernementales », indique la Cour dans un communiqué.

« La Grèce n’acceptera aucun retour »
Cette décision risque de faire jurisprudence dans des affaires similaires. Les autorités allemandes évaluent à environ 45 000 le nombre de personnes reconnues réfugiées en Grèce qui demandent à nouveau une protection en Allemagne. Selon l’association allemande de défense des droits Pro Asyl, environ 25 000 personnes auparavant reconnues comme réfugiées en Grèce ont demandé l’asile en Allemagne pour la seule année 2024. Pro Asyl accuse par ailleurs le gouvernement grec de mener une « politique d’appauvrissement » délibérée des exilés.

Mais ce verdict ne va pas pour autant provoquer une hausse des expulsions vers la Grèce, estiment les spécialistes.

Pour chaque personne renvoyée vers un pays tiers, l’Allemagne doit disposer de l’accord de cet État. Or le gouvernement grec n’a pas manqué de réagir en avertissant que le pays ne reprendra pas ces personnes.

« La Grèce est actuellement le deuxième pays en termes de pression migratoire par habitant, en raison de son statut de pays d’accueil, et en termes de demandes d’asile, on ne peut plus parler de retours.

Quels retours ? Cela remet en cause le principe de répartition équitable dans le cadre de la solidarité européenne », a déclaré le 25 avril le ministre grec des Migrations lors d’une interview à la chaîne d’information Skai. « Tant qu’il n’y aura pas de répartition équitable des charges au sein de l’Union européenne, la Grèce n’acceptera aucun retour », a-t-il martelé.

L’Allemagne n’est pas le seul pays européen concerné par les arrivées de personnes déjà réfugiées statutaires en Grèce.

La Belgique aussi. « Nous avons de plus en plus de dossiers qui viennent de Grèce (…) », détaillait Me Armelle Philippe, avocate belge, spécialiste du droit des étrangers, jointe par InfoMigrants l’année dernière. « On parle de personnes qui, malgré des papiers en règle, sont SDF là-bas, ont été bastonnées par la police grecque, ou encore n’ont pas été soignées malgré des pathologies sérieuses ». Mais les autorités belges – via le Conseil de contentieux des étrangers (CCE, équivalent de la CNDA française) – se montrent elles aussi inflexibles et rappellent que l’asile n’est pas déplaçable d’un pays à un autre.

infomigrants

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