Ce vendredi soir, l’Orange Vélodrome accueille un match « des légendes » afin de célébrer dignement les 125 ans de l’Olympique de Marseille. Quelles que soient ses opinions envers le club phocéen, il demeure indéniablement l’un des piliers du football tricolore. En un sens, son histoire raconte aussi celle de la France.
L’OM est un OVNI dans le paysage du ballon rond hexagonal. Peu de clubs en France ont su s’identifier aussi profondément à leur ville, et réciproquement. L’unanimité et le consensus autour de ses couleurs parviennent même, les soirs de match, à rendre invisibles les tensions politiques, notamment la montée du vote FN puis RN. Politiquement, l’OM et ses supporters pèsent localement, ce qui reste rare, voire exceptionnel, ailleurs. Ces 125 ans représentent donc bien plus qu’un simple palmarès. Cet anniversaire est surtout l’occasion de rappeler que depuis plus d’un siècle, l’histoire du club se confond avec celle de la cité phocéenne.
Des vagues d’immigration (italienne, arménienne, algérienne…) ont façonné la richesse de sa population et rempli les rangs des équipes comme des tribunes.
L’influence est telle qu’elle imprègne jusqu’aux rappeurs marseillais, d’IAM à Jul, ce dernier étant même passé par le centre de formation de la Commanderie. Et comment oublier le rapport conflictuel, historique, avec l’ennemi centralisateur : Paris.
L’OM au-delà des frontières de Marseille
Cette soirée commémorative sera évidemment marquée par la présence « des héros du doublé de 1972 à ceux du début des années 1990, des acteurs du centenaire ou du titre de champion 2010, en passant par les protagonistes des épopées européennes de 2004 ou 2018 ». Ces noms prestigieux sont une source légitime de fierté : Robert Pirès, Samir Nasri, Didier Drogba, Djibril Cissé, Josip Skoblar… Voici pour le Hall of Fame. Mais la longue chronique de l’OM dépasse les frontières de sa ville. Que l’on aime ou déteste ce club, il a inscrit ses initiales dans les grandes pages – et parfois les déboires – du football français.
Une épopée qui débute avec les balbutiements du professionnalisme, passe par le sacre de Munich, les tifos légendaires ou encore les drames nationaux (Furiani).
𝟏𝟐𝟓𝐭𝐡 𝐀𝐍𝐍𝐈𝐕𝐄𝐑𝐒𝐀𝐑𝐘 𝐌𝐀𝐓𝐂𝐇𝐃𝐀𝐘 🌟🎂
Ce soir, l'@orangevelodrome accueillera 𝐬𝐭𝐚𝐫𝐬 𝐝'𝐚𝐧𝐭𝐚𝐧 et 𝐬𝐮𝐩𝐩𝐨𝐫𝐭𝐞𝐫𝐬 𝐝𝐞 𝐭𝐨𝐮𝐬 𝐚̂𝐠𝐞𝐬 pour un moment d'histoire et de communion unique autour d'une passion commune : 𝐥'𝐎𝐥𝐲𝐦𝐩𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐝𝐞… pic.twitter.com/ZpUbpYyM5D
— Olympique de Marseille (@OM_Officiel) May 2, 2025
La naissance officielle, le 8 janvier 1900, s’inscrit dans les premiers pas du « football association », ainsi nommé par les journalistes pour le distinguer du rugby.
Ce sport venu d’Angleterre s’implante d’abord au Havre puis à Paris. Le public initial est issu de la bourgeoisie urbaine (lycéens, notables, commerçants), et les sports pratiqués reflètent ce statut social (escrime, cricket).
Le maillot devient rapidement blanc, et une devise s’impose : « Droit au but. » Le véritable essor survient après la Première Guerre mondiale. Le football s’émancipe des fédérations olympiques ou catholiques, et les grandes compétitions nationales sont lancées, dont la Coupe de France en 1918. L’OM la remporte pour la première fois en 1925 (après trois victoires du Red Star), marquant ainsi la fin d’un monopole parisien. Première revanche.
L’autre évolution majeure intervient avec l’adoption tardive du professionnalisme, en 1932. En 1937, le club s’installe au Vélodrome, construit par la ville.
Ce stade deviendra l’un des plus mythiques de l’Hexagone. Déjà, Marseille, port ouvert sur la Méditerranée et l’Empire colonial français, aligne dans ses rangs des joueurs étrangers, tel le Hongrois József Eisenhoffer. L’histoire avec un grand H s’invite même parfois : en 1940, en pleine « drôle de guerre », l’OM recrute un jeune officier « indigène », Ahmed Ben Bella, en garnison dans la région. Il marque un but le 21 avril 1940 contre le FC Antibes. Le futur premier président de l’Algérie indépendante est un buteur phocéen.
Une longue histoire commune
La montée en puissance de l’OM accompagne la reconstruction d’après-guerre, dans laquelle le port de Marseille joue un rôle central. En 1948, le club remporte son premier titre de champion de France, lors de la dixième édition. Il faudra attendre les doublés de 1971 et 1972 pour voir éclore une véritable épopée, portée par l’attaquant Josip Skoblar, emblème de la filière yougoslave. Le football français traverse alors une période terne, tant sur le plan national qu’européen.
Le 4 juin 1972, dans un Parc des Princes rénové, l’OM remporte sa huitième Coupe de France contre Bastia, signant un doublé. Ironie du sort, ce stade deviendra plus tard l’antre de son pire ennemi.
Le football francilien est alors quasi inexistant, laissant place à des confrontations « provinciales » comme OM-Bordeaux. L’émergence erratique du PSG fera naître une rivalité en partie « construite », mais dont la persistance prouve qu’elle répondait à une véritable attente populaire.
Les années 1980 marquent une révolution dans les tribunes, avec l’émergence du mouvement ultra (Commando Ultra, South Winners). Inspirés par leurs homologues italiens, ces groupes redéfinissent l’ambiance du Vélodrome et prennent une place croissante dans la vie du club et de la ville. Une influence unique en France, même à l’ère de l’ultra généralisé. Les débuts des années 1990 ouvrent une grande décennie pour le football français. L’OM y prend toute sa part : le Ballon d’or de Jean-Pierre Papin, l’ère Tapie qui transforme le visage du football français.
Et surtout, la consécration : Marseille, toujours mal aimée, offre à la France sa première et unique Ligue des champions, que tout le monde attendait depuis les échecs de Reims et Saint-Étienne.
Ce soir-là, une large part du pays a le cœur marseillais. Même à Paris, on célèbre.
L’OM est alors le club le plus soutenu au-delà de ses frontières, y compris en banlieue parisienne et jusqu’en Afrique, avant que le Barça ou le Real ne prennent le relais. Il est le produit d’appel du football français. Un court instant, Marseille tient sa revanche. Elle devient le centre de gravité du football français… et du pays. Même Zinédine Zidane, enfant d’Endoume, est revendiqué, sans avoir jamais porté le maillot blanc.
Les ambitions politiques de Tapie gonflent alors les espoirs. L’affaire OM-VA, suivie d’une relégation, viendra briser le rêve.
Il faudra attendre 2010, après une décennie dominée par l’OL de Jean-Michel Aulas, pour que l’équipe de Didier Deschamps, avec Souleymane Diawara ou Lucho González, décroche un nouveau titre de champion, le dernier en date. Depuis, l’OM évolue dans un championnat où, sauf accident, le Paris du QSI est quasiment assuré de l’emporter.
Marseille ne peut plus guère viser que les podiums.
L’OM ne rivalise plus au niveau de la C1, mais ses trois finales (perdues) en C3 lui confèrent encore une certaine aura européenne. L’OM a marqué l’histoire du football français, notamment parce que Marseille est une ville à part. Cette longue histoire commune explique pourquoi, ce soir, c’est aussi une partie de notre mémoire collective qui est convoquée.
sofoot