Le Premier ministre François Bayrou a fait part, samedi 3 mai, de la possibilité de demander aux Français de se prononcer sur un projet de budget par la voie d’un référendum. L’idée laisse les politiques plus que sceptiques.
L’idée avancée par François Bayrou d’un référendum sur « un plan d’ensemble » de réduction des déficits, alors que son gouvernement cherche 40 milliards d’euros d’économie à réaliser pour l’année prochaine, a été accueillie avec scepticisme dimanche par la classe politique, à gauche comme à droite.
« Il n’y a pas besoin de référendum pour savoir que les Français en ont assez des augmentations d’impôts.
Et la seule chose qu’on demande au Premier ministre, c’est d’avoir enfin le courage de s’attaquer au gaspillage de l’argent public », a taclé sur France 3 Laurent Wauquiez, le patron des députés Les Républicains, force qui participe pourtant à la coalition gouvernementale de François Bayrou.
« C’est un plan d’ensemble que je veux soumettre, il demandera des efforts à tout le monde, et par l’ampleur qui doit être la sienne, il ne peut réussir si le peuple français ne le soutient pas », a justifié le Premier ministre dans une interview accordée au Journal du Dimanche et parue samedi soir.
Le gouvernement, qui est parvenu à faire adopter les budgets 2025 de l’Etat et de la sécurité sociale en début d’année, en échappant à une série de motions de censure, est désormais engagé dans la préparation du budget pour 2026.
Il estime qu’il lui faut trouver 40 milliards d’euros pour respecter ses objectifs de réduction du déficit public de 5,4% du Produit intérieur brut (PIB) cette année à 4,6% l’an prochain.
Pour le Premier ministre, si son plan de réduction des déficits et de réforme de l’Etat était approuvé par référendum, cela lui conférerait une forme de légitimité. Suffisant, espère-t-il, pour faire adopter plus facilement par le Parlement les budgets de l’Etat et de la sécurité sociale.
« Quand on réforme par les voies classiques, par le passage en force, que se passe-t-il ? Le pays entre en grève, les manifestations s’enchaînent », a-t-il plaidé dans les colonnes du JDD.
Idée « loufoque »
Peu de chance cependant que cela convainque la gauche, massivement opposée à une réduction des dépenses et qui préférerait augmenter les recettes, notamment en taxant les grandes fortunes et les grosses entreprises.
Pour le coordinateur national de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard, interrogé dimanche sur LCI, l’idée du Premier ministre est « loufoque ».
« Quelle question allez-vous poser aux gens? Vous allez leur soumettre un projet de budget, vous allez leur demander s’ils sont pour ou contre? Mais alors qui va avoir élaboré ce projet de budget, François Bayrou lui-même? Vous voyez bien que ça n’a rien de démocratique de manière générale », a-t-il dénoncé.
Coup de gueule sur LCI !
📺 Retrouvez l’intégralité de mon passage dans l'Événement du dimanche sur LCI du dimanche 4 mai 2025.https://t.co/CZSG6UcFp6 pic.twitter.com/PU4CpwSagm
— Manuel Bompard (@mbompard) May 4, 2025
Aurore Bergé, la ministre chargée de l’Egalité femmes-hommes, membre du parti présidentiel Renaissance, n’y voit pas « forcément une façon de contourner le Parlement ». « Ça dépendrait de la question qui serait posée », a-t-elle défendu sur RTL et M6.
A gauche, tous les groupes parlementaires ont voté la censure de François Bayrou l’hiver dernier, sauf les socialistes qui ont ainsi permis au gouvernement de se maintenir. Et sur cette idée d’un référendum, leur soutien semble encore loin d’être acquis.
Le patron du PS Olivier Faure a ainsi dénoncé une idée « assez farfelue » appelant, plutôt, à un référendum sur les retraites.
« Je crains que ce soit un écran de fumée et que ce soit très difficile de voter par oui ou par non à un projet de budget qui engage l’ensemble des secteurs, de la défense jusqu’à l’éducation, en passant par tout ce que comprend un budget, c’est-à-dire la vie de la nation », a-t-il argumenté sur BFMTV.
Un projet juridiquement compromis?
Reste que la prérogative de demander leur avis aux Français par référendum appartient seulement au président de la République, qui avait été prévenu de la sortie de cette interview.
Le référendum tel qu’esquissé par François Bayrou serait le premier de la Cinquième République à porter sur des questions budgétaires. Il apparaîtrait politiquement risqué pour un exécutif au plus bas dans les sondages de popularité.
Les Français ont été consultés pour la dernière fois en 2005, sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le « non » l’avait emporté.