En visite dans la préfecture de Béchar, dans le sud-ouest de l’Algérie, le 26 avril, le président algérien Abdelmadjid Tebboune s’est dit prêt à légaliser des travailleurs subsahariens sans papier employés dans des secteurs en manque de main-d’œuvre. Mais Alger multiplie aussi les expulsions de migrants illégaux dans le désert.
C’est une première en Algérie. Samedi 26 avril, alors qu’il se trouvait en visite dans la préfecture de Béchar, dans le sud-ouest de l’Algérie, le président Abdelmadjid Tebboune s’est dit prêt à légaliser des travailleurs subsahariens sans papier employés dans des secteurs en manque de main-d’œuvre.
« Nous n’avons pas de problèmes à ce que les migrants subsahariens travaillent en Algérie.
Les chantiers sont là et les gens ont besoin de main-d’œuvre, notamment dans l’agriculture. À condition que leur entrée sur le territoire soit organisée », a-t-il déclaré.
Selon le journal algérien El Watan, cela pourrait notamment concerner des familles maliennes qui vivent dans les zones frontalières et travaillent en Algérie.
Par ces mots, le président algérien a brisé un tabou car la présence de travailleurs subsahariens dans le pays n’a jusque-là jamais été officiellement régularisée, rappelle Le Monde.
El Watan souligne que « la loi algérienne autorise le travail des étrangers, mais à condition qu’ils séjournent légalement dans le pays ».
Les travailleurs subsahariens concernés devraient donc obtenir un permis de travail et être affiliés à l’un des trois régimes existant en Algérie : le régime général qui concerne les activités salariées de plus de trois mois, le régime temporaire qui concerne les activités salariées inférieures ou égales à trois mois et le régime exceptionnel qui couvre les travaux n’excédant pas 15 jours « et sans que le total cumulé des durées de présence n’excède trois mois dans l’année ».
Plus de 4 000 expulsions en avril
Mais les propos d’Abdelmadjid Tebboune surviennent alors que l’Algérie a toujours recours à des expulsions de migrants de très grande ampleur. Rien qu’au cours du mois d’avril 2025, plus de 4 000 personnes ont été expulsées d’Algérie, selon l’association Alarme Phone Sahara.
En 2024, le nombre de migrants expulsés s’élevait à au moins 31 404 personnes, selon la même source.
Un chiffre record qui a « dépass[é] toutes les données documentées des années précédentes », y compris celles de 2023 avec 26 031 refoulés, soulignait alors l’organisation.
Or, les dangers de ces opérations sont immenses.
Les exilés sont conduits jusqu’au Point zéro, au-delà de Tamanrasset, dans le sud du pays et livrés à eux-mêmes en plein désert. Sans eau ni nourriture, ils doivent parcourir à pied pendant des heures le chemin vers Assamaka, au Niger, où se trouve le centre de transit de l’Organisation internationale des migrations (OIM), le bras de l’ONU qui assiste les « retours volontaires » des migrants vers leur pays d’origine.
Ces expulsions, qui font courir un risque mortel aux exilés, mettent aussi en difficultés les structures d’accueil dans le nord du Niger.
À Agadez notamment, la tension est forte dans le camp du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) où des personnes expulsées d’Algérie attendent depuis années le traitement de leur dossier d’asile, et espèrent être réinstallés dans un pays tiers. Les migrants ont la sensation d’être bloqués dans ce lieu, éloigné de tout, et livrés à eux-mêmes.
Une étape sur la route de l’Europe
L’Algérie est bien souvent une étape sur la route migratoire des Subsahariens qui souhaitent ensuite rejoindre l’Europe. Ces derniers y passent quelques mois pour y travailler et rassembler de l’argent afin de poursuivre leur voyage.
Mais le séjour des migrants subsahariens dans ce pays du Maghreb est parfois émaillé de racisme et de violences. Dans les témoignages recueillis par InfoMigrants, la plupart des exilés racontent avoir subi des insultes et brimades.
Dans le pays, les arrestations de migrants se font aussi bien dans la rue que sur les chantiers ou les exilés sont employés. Les personnes sont ensuite entassées dans des bus et envoyées dans le désert.
Mamadou, un Sénégalais de 25 ans, avait raconté l’an dernier à InfoMigrants avoir été détenu et maltraité par des policiers algériens alors qu’il se trouvait dans un convoi de migrants arrivant de Mauritanie.
« [Quand nous sommes arrivés à la frontière algérienne], au début, les gardes étaient accueillants.
Ils nous ont donné des pommes. Et puis ils ont commencé à nous fouiller, et ont pris nos téléphones. Ils ont dit : ‘C’est confisqué !’ Certains de mes amis ont été frappés. Moi aussi. Les gardes nous disaient qu’on était des bandits, qu’on cachait des choses. Ils hurlaient », a-t-il raconté.
Le jeune homme a ensuite été emprisonné à Tindouf (ville proche de la frontière marocaine) pendant trois semaines puis envoyé en bus à Tamanrasset (dans le sud de l’Algérie), avant d’être expulsé dans le désert.
Cet itinéraire est pourtant extrêmement dangereux. En juillet 2024, l’ONU avait même estimé qu’elle était plus mortelle que la route de la Méditerranée.
« Ou bien les passeurs se débarrassent des migrants, ou bien, ils tombent des camions pendant le trajet – et ils ne les attendent pas », avait expliqué Vincent Cochetel, responsable au Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) de l’ONU qui a aujourd’hui quitté ses fonctions. « Parfois aussi quand ils sont malades, les passeurs les abandonnent dans le désert. Tous ceux qui ont traversé le Sahara connaissent quelqu’un qui est mort là-bas. »
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