Le Royaume-Uni envisage des « centres de retour » pour migrants hors de ses frontières

En déplacement en Albanie, le Premier ministre britannique Keir Starmer a évoqué avoir entamé des discussions pour créer, hors du Royaume-Uni, des « centres de retour » pour les demandeurs d’asile déboutés. Depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2024, le gouvernement travailliste multiplie les annonces visant à lutter contre l’immigration irrégulière.

Quelques jours après avoir annoncé un nouveau tour de vis contre l’immigration légale, le Premier ministre britannique a annoncé jeudi 15 mai avoir entamé des discussions pour la mise en place hors du Royaume-Uni de « centres de retour » pour les demandeurs d’asile déboutés.

« Nous sommes en discussions avec un certain nombre de pays à propos de centres de retour, je les considère comme une innovation vraiment importante », a déclaré Keir Starmer en déplacement à Tirana, lors d’une conférence de presse avec son homologue albanais Edi Rama.

Il n’a toutefois pas donné de détails sur la façon dont ces « hubs » fonctionneraient ni avec quels pays ces pourparlers étaient menés.

Il a simplement précisé vouloir rendre plus efficaces les expulsions des personnes n’ayant pas le droit de rester dans le pays. « Cela s’appliquera essentiellement aux personnes qui ont épuisé toutes les voies légales pour rester au Royaume-Uni », a précisé un porte-parole de Keir Starmer.

De son côté, le Premier ministre albanais a déclaré que son pays n’avait pas vocation à accueillir un « centre de retour » britannique. L’Albanie accueille déjà deux centres de rétention italiens dans son pays, gérés par Rome, pour des migrants en situation irrégulière.

« C’est un modèle qui demande du temps pour être testé. S’il fonctionne, [il) pourra être repris, non en Albanie, mais dans les autres pays de la région », a ajouté Edi Rama alors que ces structures sont quasiment vides suite à de nombreux revers judiciaires en Italie depuis leur ouverture.

Un « modèle » pour toute l’Europe
Avec ces déclarations, le Premier ministre ouvre la voie à une politique similaire à celle avancée par l’Union européenne (UE). Le 11 mars dernier, la Commission européenne a présenté des mesures pour accélérer les expulsions de migrants en situation irrégulière sur le Vieux continent.

Et parmi elles figuraient celle d’offrir un cadre légal à la création de « hubs de retour » en dehors de ses frontières. Une proposition réclamée avec force par certains États membres.

Le centre pour demandeurs d'asile à Shengjin, en Albanie, le 4 juin 2024. Crédit : Reuters

Ces « centres de retours » sont très critiqués par les ONG, qui redoutent de les voir se transformer en zones de non-droit, et soulèvent de nombreuses questions. L’exemple italien montre d’ailleurs qu’il s’agit d’un système difficile à mettre en place.

Ce projet d’externalisation du traitement de l’immigration dans un pays tiers, présenté comme un « modèle » pour toute l’Europe, par Giorgia Meloni affiche aujourd’hui un bilan plus que mitigé.

Seulement une quarantaine de personnes ont été envoyées dans les centres albanais pour l’instant pour un coût de « plusieurs centaines de millions d’euros », avait dénoncé l’opposition italienne.

Pour Enver Salomon, directeur général du Refugee Council, une ONG d’aide aux réfugiés, ces « centres de retour » sont « inhumains » et « impraticables ». Le renvoi de personnes qui n’ont pas le droit de rester au Royaume-Uni doit se faire de manière « ordonnée et humaine » pour être efficace, a-t-il ajouté.

Durcissement de la politique migratoire
Londres avait également tenté d’externaliser le traitement des demandes d’asile en envoyant les migrants arrivés illégalement, notamment par « small boats », vers le Rwanda. Un projet de l’ancien gouvernement de Rishi Sunak, abandonné par Keir Starmer à son arrivée au pouvoir en juillet 2024.

Le Premier ministre s’est toutefois engagé à réduire l’immigration – régulière comme irrégulière – dans le pays.

Lundi, il a annoncé de nouvelles mesures pour réduire l’immigration légale, notamment en restreignant les conditions d’accès à la nationalité et en empêchant le recrutement à l’étranger pour le secteur des soins aux personnes âgées.

Il s’est aussi engagé à combattre les réseaux de passeurs et l’immigration irrégulière.

Malgré toutes ces annonces, les chiffres d’arrivées de migrants traversant la Manche sur de petits bateaux ne cessent d’augmenter. Quelque 36 800 migrants ont atteint l’Angleterre l’an dernier et près de 13 000 depuis janvier, plus que l’an dernier sur la même période. Les demandes d’asile, elles, ont triplé au Royaume-Uni ces dernières années avec 84 200 en 2024, contre une moyenne de 27 500 entre 2011 et 2020, selon les chiffres officiels.

infomigrants

You may like