Trois mois après l’annonce de l’alliance Aukus, négocié dans le dos de Paris, les autorités françaises espèrent que Canberra réalise que l’achat de bâtiments à propulsion nucléaire s’avère trop complexe à réaliser.
Vœu pieux ou possible rebondissement ? Trois mois après la gifle infligée par l’annonce de l’alliance Aukus, négociée en secret dans le dos de Paris, les autorités françaises et Naval Group cultivent un secret espoir : que l’Australie revienne un jour sur la rupture du contrat de sous-marins conventionnels français, en se rendant compte que le projet au cœur de sa toute récente alliance avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, l’achat de bâtiments à propulsion nucléaire, s’avère trop complexe à réaliser.
« Les Australiens nous ont montré qu’il ne fallait rien exclure et être prêts à tout avec eux », confie un industriel proche du dossier, allant même jusqu’à imaginer « une nouvelle volte-face ». D’après lui, deux paramètres peuvent entrer en ligne de compte, qui incitent les Français à rester sur leurs gardes dans cette affaire. D’une part, d’éventuels changements politiques australiens, où la décision mi-septembre du premier ministre actuel Scott Morrison, au détriment du partenariat avec la France, a été contestée au sein même de son parti libéral. Son prédécesseur, Malcolm Turnbull, ne s’est pas privé de critiquer son choix, dénonçant l’abandon du contrat signé avec Naval Group, et le mauvais coup fait à la France. Des élections législatives doivent se tenir l’an prochain en Australie, au plus tard en juin 2022. « Si Scott Morisson devait ne pas être en mesure de faire un nouveau mandat, le jeu pourrait se rouvrir », veut croire cette source.
Autre échéance délicate : la fin en mai 2023 de la période de dix-huit mois annoncée par l’alliance Aukus afin d’examiner les modalités de construction des sous-marins à propulsion nucléaire promis à l’Australie par ses alliés anglo-saxons. « Le projet est éminemment complexe pour un Etat non nucléaire. Il ne s’agit pas simplement de changer le combustible une fois tous les dix ans aux Etats-Unis. Il n’est pas exclu que l’affaire échoue à l’issue de cette phase d’études », dit notre industriel. A l’en croire, dans cette hypothèse, les Français, sans jamais le dire ouvertement, imagineraient bien sûr de sauver ce qui peut l’être de feu le « contrat du siècle », si possible en accord, cette fois, avec les Etats-Unis.
Relations glaciales
Sans surprise, les dirigeants français restent muets sur la question. Leur colère s’est apaisée vis-à-vis de Washington après la rencontre entre le président américain, Joe Biden, et Emmanuel Macron, en marge du G20 de Rome, début novembre. Cependant, ils ne ratent pas une occasion de souligner les fragilités du pacte de défense Aukus, censé répondre à la rapide montée en puissance de la Chine, et de mettre en cause M. Morrison. A l’issue du G20, interrogé sur le fait de savoir s’il pensait que le premier ministre australien était « un menteur », Emmanuel Macron a cinglé : « Je ne le pense pas, je le sais. » Les officiels français avaient dénoncé, au plus fort de la crise, la « duplicité » de leur allié australien, qui n’a averti Paris que le jour de l’annonce d’Aukus.