Organisé tous les jours successivement dans différents quartiers de la capitale sénégalaise, le marché hebdomadaire peut-il être une alternative pour freiner l’immigration clandestine ? C’est du moins ce que pensent certains jeunes commerçants que nous avons rencontrés ce samedi, au marché hebdomadaire sur la route Front de Terre, à Dakar. Les étals sont installés à perte de vue, de la Zone de Captage jusqu’au rond-point Liberté 6, sur une distance d’environ 2,4 kilomètres. Plusieurs centaines de commerçants y exposent leurs marchandises, de 8 heures à 18 heures, dans une ambiance mouvementée.
C’est devenu une tradition à Dakar, les marchés hebdomadaires s’installent et se désinstallent chaque semaine, à travers certains quartiers et des milliers de commerçants viennent y vendre leurs articles. On y vend presque tout : des jouets d’enfants, des habits de tout âge, des montres, bracelets, lunettes, des fournitures scolaires, des livres, des chapelets, des ustensiles de cuisine, de la nourriture, des parfums, des chaussures ou encore des astuces féminines. On les retrouve chaque dimanche à Pikine, lundi aux Parcelles Assainies Unité 3, mardi à Rufisque, mercredi à la Gueule Tapée, jeudi à Guédiawaye, vendredi à Dalifort et samedi à Front de Terre. L’ambiance est infernale, ça chante et ça danse partout, tout en marchandant dans la joie et l’allégresse. Pourtant, les commerçants, en majorité des jeunes, rencontrent également d’énormes difficultés.
Vendeur d’habits, Cheikh Mané, la quarantaine révolue, estime que leur métier est informel, mais ils gagnent avec dignité leur pain quotidien. « Nous n’avons pas beaucoup de problème ici au marché hebdomadaire du Front de Terre, grâce au soutien indéfectible de Cheikh Guèye, Maire de la commune de Dieuppeul-Derklé. Il nous a toujours soutenus, même durant la période Covid-19. Dans les marchés hebdomadaires, ce sont de braves jeunes qui y travaillent. Ils sont aujourd’hui plus de trois cent mille. Vous voyez, nous sommes installés sur plus de 2 kilomètres de long. Imaginez donc combien de familles trouvent leur moyens de subsistance ici. Beaucoup familles, n’est ce pas ? Nous méritons une considération de la part nos autorités, car ce secteur contribue également à la lutte contre le chômage. Parmi nous, il y a des jeunes diplômés sans emploi et d’autres qui ont quitté leurs villages, pour venir travailler dans la capitale. Il y a plus de jeunes dans ce marché que de personnes âgées », a indiqué Cheikh Mané, débout au milieu de son étal.
« Même si le marché est relativement difficile, une chose qui est d’ailleurs due à la situation précaire des populations, nous arrivons à gagner le minimum, pour subvenir aux besoins de nos familles respectives. Pour le moment, nous ne payons rien à la Mairie pour nous installer, mais nous louons les tentes à 10 000 FCFA par jour. Nous demandons aux autorités sénégalaises d’aider la jeunesse à s’épanouir dans le travail, pour véritablement mettre un frein à l’immigration clandestine. Nous sommes là, nous travaillons et nous ne pensons même pas prendre un jour une pirogue pour l’Europe. Nous investissons dans notre petit commerce et nous gagnons notre vie à la sueur de notre front. Même si nous gagnions seulement 100 à 200 FCFA par jour, nous sommes toujours fiers, car c’est le fruit de notre travail. Nous sommes dans un secteur informel, mais si l’État appuyait un peu les marchés hebdomadaires, j’en suis sûr qu’on ne verra plus aucun jeune Sénégalais prendre le risque d’aller mourir en pleine mer », rassure-t-il.
Astou Diop, vendeuse d’habits pour enfants, confie qu’ils rencontrent d’énormes difficultés, liées aux nombreuses dépenses effectuées à longueur de journée, notamment la location de la tente, de chaises, le transport et même la nourriture. « Le marché est très laborieux, mais on se débrouille comme on peut. Nous dépensons beaucoup d’argent pour les tentes, les chaises, le transport. Nous louons la chaise à 100 FCFA l’unité par jour, la tente à 10 000 FCFA et le transport entre 3 000 et 5000 FCFA, en fonction de la quantité de marchandises. Personnellement, je fais le tour de tous les marchés hebdomadaires de Dakar. Dieu merci, car nous gagnons dignement notre vie », lance-t-elle, avec un petit sourire.
Tout autour de la jeune dame Astou Diop, on entend des battements de mains, raisonnant sous des cris et des chants, pour attirer l’attention des visiteurs. « Tous ces jeunes hommes et femmes qui marchandent dans ce marché sont très braves. Ils sont là du matin au soir et tous les samedis. Je pense qu’ils contribuent au développement économique du pays. c’est un marché qui se trouve à proximité, qui nous permet d’acheter tout près les différents articles dont nous avons besoin. Je trouve quand-même que les vendeurs sont relativement jeunes, c’est ce qui doit nous préoccuper, surtout en ce moment où beaucoup de jeunes Africains, fuyant la misère dans leur pays, vont mourir en mer », alerte Martine Goudiaby, une cliente qui vient visiter les stands chaque semaine.
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