Seul grand marché de viande de porc dans Dakar, Bignona sis Grand-Yoff, est d’habitude festif. Mais, à moins de deux semaines de la fête de Noël, les commerçants craignent déjà une rupture de la viande de porc. Certains se disent convaincus que beaucoup de familles chrétiennes au Sénégal pourraient passer les fêtes de fin d’année, sans viande de porc. La denrée se fait de plus en plus rares et très chères. D’autres accusent même les Bissau-guinéens, qui viennent acheter les animaux au pays de la Téranga, d’être à l’origine de cette tension.
« Un décembre sans porc, n’est pas un mois de décembre », avance l’éleveur François, qui prédit d’ailleurs une pénurie de porc, cette année, au Sénégal. Accompagné par le jeune Antoine au marché Bignona, nous trouvons, assis auprès de son étal, Jean Robert Diatta, responsable moral dudit marché. Il a accepté de nous parler du secteur porcin au Sénégal, qui n’est pas sans difficultés. « Nous nous approvisionnons à partir des éleveurs, qui sont un peu partout au Sénégal, dans les régions de Fatick, Kaolack, Diourbel, Louga, et même jusqu’à Tambacounda. Mais, aussi dans la région de Thiès ou même Saint-Louis, à partir de Richard-Toll. c’est notre métier : acheter le porc et le vendre abattu ou vivant, en gros ou en détail », a indiqué Jean Robert Diatta.
Le sage du marché de Bignona a également confié que le prix de porc varie selon la taille de l’animal, de 20 000 jusqu’à 200 000 FCFA. « Pour Noël, les familles achètent généralement en entier, mais c’est très souvent des petits porcs, qu’on appelle « porcelins ». C’est pour les mettre au four », a-t-il fait savoir, avant d’énumérer les difficultés du secteur : « nous rencontrons d’énormes difficultés, parce qu’il y a une conjoncture qui ne nous permet pas d’avoir suffisamment de porcs. Si nous avions l’occasion de rencontrer le ministre de l’Elevage, nous allions lui expliquer comment travailler, pour que nous puissions avoir suffisamment de porcs dans nos marchés ».
Grande commerçante, Madame Gomis née Correa Nicole estime que le secteur est jonché difficultés en raison de la rareté et de la cherté du porc au Sénégal, à cause de l’infiltration des Bissau-guinéens. « Nous avons de sérieux problèmes pour satisfaire nos clients, parce que les porcs sont de plus en plus chers. Nos fournisseurs n font que monter les prix. la conséquence est là : avant, on nettoyait en enlevant la graisse et la peau, mais maintenant puisque les bêtes nous reviennent trop chères, on ne peut se le permettre. Dès lors, nous vendons le tout. On pèse la viande telle quelle, avec peau et graisse. On vend actuellement le kilogramme à 2 500 FCFA et les clients ont tendance à se plaindre du prix et de la qualité. Mais, nous n’avons pas le choix, car tout est devenu cher. C’est comme si le cochon est en voie de disparition au Sénégal », a-t-elle alerté.
« Notre problème actuellement, ce sont les Bissau-guinéens, qui nous empêchent de progresser. C’est au Sénégal qu’ils viennent se ravitailler en porc. Ils vont d’ailleurs partout dans le Sénégal, maintenant. Nous avons du mal à disposer de ces animaux, car de plus en plus les éleveurs préfèrent vendre aux Bissau-guinéens, qui mettent plus d’argent que nous. Les réalités diffèrent, parce que moi je connais la Guinée-Bissau et je sais comment ils vendent leur produit par rapport à nous. Eux ils commercialisent tout le porc, alors que nous on nettoie d’abord avant de proposer aux clients. Ces Bissau-guinéens ont complètement gâché le marché sénégalais de porc», déplore Mme Gomis.
« Regardez par exemple, la semaine dernière, j’ai été à Tambacounda (Est du Sénégal). J’ai passé une semaine là-bas, je ne peux pas vous dire combien j’ai galéré là-bas. Le transport Tamba – Dakar coûte excessivement cher. On était quatre et nous n’avons pu mettre la main que sur 52 porcs. Nous avons casqué plus de 300 000 FCFA pour acheminer ces bêtes sur Dakar. Aller jusqu’à Tamba et revenir avec seulement une cinquantaine de porcs ! Vous voyez ce que ça fait . Tu as ton argent, mais on préfère plus vendre à un étranger. C’est une fierté de voir des étrangers venir acheter des porcs chez nous, mais lorsque l’offre est inférieure à la demande, je pense que les règles du jeu doivent changer », estime Correa Nicolle Gomis.
Pour faire face à cette situation, elle demande à l’État sénégalais de fermer les frontières pour un an, en ce qui concerne les exportations de porc, pour que l’espèce puisse se reproduire convenablement. « Je crains que les familles sénégalaises ne pourront pas avoir assez de porc pour la fête de Noël à venir. Je ne pense pas que ce sera comme les autres fêtes de Noël. Nous les vendeurs de Bignona et Pikine, nous sommes incapables de solutionner ce problème. Seul l’Etat peut régler ce problème et mettant fin à l’exportation de porc, pour un moment bien déterminé », suggère-t-elle.
Nathalie Mendy, qui vend des brochettes, des jambons et de la viande braisés de porc, ne se plaint pas contrairement aux autres. Elle parvient à subvenir aux besoins de sa famille, même si elle reconnaît également rencontrer quelques difficultés. Derrière elle sont debout des clients qui attendent d’être servis, avec de la grillade bien dorée. « Nous faisons des brochettes, des jambons et de la viande braisée de porc… Les prix varient entre 250 et 1 000 FCFA. Nous rendons grâce à Dieu, on se débrouille pour parvenir à joindre les deux bouts », lance-t-elle.
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