Grâce aux rançons faramineuses payées par certains pays pour la libération des otages, les activités d’orpaillage et les taxes prélevées indument sur les populations, les terroristes parviennent à accumuler un arsenal financier colossal et recrutent chez les sociétés de pasteurs paupérisées par les changements climatiques.
C’est par une comparaison entre les mouvements terroristes du Sahel et les organisations qui menaient les guérillas en Amérique latine, dans les années 1960-1970, que le président nigérien a démarré sa communication, hier, au Centre international de conférences Abdou Diouf de Diamniadio. ‘’Le terrorisme d’aujourd’hui, a-t-il déclaré devant ses homologues et les participants au Forum de Dakar sur la paix et la sécurité, se caractérise par une forme d’organisation qui s’apparente à celle observée dans les guérillas en Amérique latine dans les années 1960-1970. Il est étonnant que ce modèle de guerre réapparaisse 50 ans après et ait un succès technique sans commune mesure’’.
D’ailleurs, pense Mohamed Bazoum, ‘’dans le Sahel, il y a surtout une jihadisation des bandits et une banditisation des djihadistes’’.
En effet, les organisations terroristes, estime-t-il, bénéficient certes d’un encadrement intellectuel de faible consistance, mais sont parvenues à des résultats nettement plus importants que leurs devanciers d’Amérique latine. S’il en est ainsi, souligne le président nigérien, c’est aussi et surtout parce qu’ils ont su profiter d’un contexte beaucoup plus favorable, avec notamment le développement technologique. ‘’Les avancées de la technologie, affirme M. Bazoum, permettent aujourd’hui aux groupes rebelles d’accéder à bon nombre de moyens qui, à l’époque, étaient l’apanage des forces étatiques. Ils utilisent le téléphone mobile, le satellite et peuvent se permettre parfois de détruire les antennes de télécommunications pour saboter la communication de nos armées…’’.
Et pour ne rien arranger, la crise libyenne est venue rendre davantage complexe la situation, en rendant davantage accessibles les armes pour les groupes terroristes. ‘’… Les circonstances de la chute du régime de Kadhafi ont mis ces armes nombreuses à la portée des groupes criminels. Ce trop-plein d’armes sert depuis lors à augmenter les foyers terroristes. Le résultat est que les groupes criminels ont accès aux mêmes armes que les forces étatiques. Ils sont même parfois mieux équipés avec les lance-roquettes, les RPG, les mitrailleuses, entre autres armes vedettes. Ils se distinguent par leurs armes sophistiquées acquises à faible coût, auprès des groupes libyens’’, analyse le président nigérien.
En sus de ces avantages comparatifs, les groupes terroristes peuvent également profiter de leur mode de vie pastoral ainsi que de leur parfaite connaissance du terrain. ‘’Leurs victoires sur les forces étatiques, soutient Bazoum, leur ont permis de prendre une ascendance psychologique. Et cela, malheureusement, produit parfois des effets sur l’opinion. Cela a contribué aux manifestations de colère qui avaient précipité le départ d’Amadou Toumani Touré en 2012, de même que celles qui ont précédé le départ d’Ibrahim Boubacar Keita. Il y a, en effet, une sorte de psychose qui peut déboucher sur ces genres de situations’’.
S’y ajoute, dans un contexte de pauvreté et de crises multiformes qui frappe de plein fouet les populations autochtones, en particulier les sociétés de pasteurs, les groupes terroristes accumulent les richesses et deviennent de plus en plus des refuges pour les jeunes désespérés. Mohamed Bazoum : ‘’Le nord du Mali est devenu un espace de non-droit où se développe une économie criminelle avec le développement des succursales d’Al Qaida et de Daesh. Les rançons faramineuses payées par certains pays pour la libération des otages et les activités d’orpaillage contribuent également à l’augmentation de leurs moyens financiers. Ainsi, le nombre de jeunes pasteurs qui rejoignent ces troupes ne cesse de croître’’.
Aussi, face à l’absence totale d’Etat, les groupes terroristes dictent leurs lois, grâce aux menaces, aux massacres, mais aussi en prélevant indument des taxes au nom de la zakat. Ce qui ne devrait pas laisser croire qu’il y a un quelconque ancrage religieux de ces groupes maléfiques, de l’avis de Mohamed Bazoum.
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FLORENCE PARLY, MINISTRE FRANÇAISE DES ARMEES
‘’Tous ceux qui attisent le discours anti-français jouent pour un autre camp…’’
Prenant part au Forum de Dakar sur la paix et la sécurité dans le Sahel, la ministre française des Armées, Florence Parly, a tenté de mettre en garde les pays du Sahel contre ce qu’elle considère comme des mirages.
Sur la question Wagner, la France ne compte pas transiger. Hier encore à Dakar, la ministre française des Armées a réaffirmé la position de son pays. ‘’… Il ne faut pas succomber au mirage. Je pense ici à un sujet d’actualité, aux mercenaires du groupe Wagner. Si la France et ses partenaires s’opposent à Wagner, c’est parce qu’ils ont vu en RCA leur potentiel déstabilisateur, les exactions contre les populations, la perte de souveraineté de l’Etat, la prédation des ressources, l’échec sur le plan opérationnel’’, a dit Florence Parly.
De l’avis de la ministre française, être en partenariat avec ce groupe russe, c’est privilégier les intérêts particuliers et pécuniaires sur ceux des populations et ne correspond pas à leur vision. Et de fulminer à l’intention de ses détracteurs : ‘’La France n’a pas d’agenda caché au Sahel. Prétendre le contraire, c’est faire le lit du terrorisme. Tous ceux qui attisent le discours anti-français jouent pour un autre camp, dont les intérêts semblent profondément diverger de ceux des Etats sahéliens et des populations qui, rappelons-le, sont les premières victimes du terrorisme.’’
Pour remporter le combat contre le terrorisme, soutient la ministre, il faut une mobilisation de tous les instants. Pour elle, la transformation par la France de son dispositif militaire au Sahel ne veut pas dire un retrait. ‘’Notre but, ce n’est pas d’agir à la place des Etats sahéliens. C’est d’agir avec eux. Car plus les armées des pays du Sahel seront fortes, plus nous serons efficaces dans la lutte contre le terrorisme, plus les Etats eux-mêmes seront en capacité de répondre aux besoins de leurs populations, plus nous pouvons durablement mettre en échec les projets mortifères de ces groupes terroristes’’.
Selon Mme Parly, l’Europe et l’Afrique ont une communauté de destins. Les deux continents, plaide-t-elle, doivent agir ensemble de manière plus intégré, face aux défis sécuritaires. ‘’Une fois de plus, fulmine la ministre française, ce forum sera l’occasion de parler collectivement, avec courage, sans tomber dans le piège de la division. Car j’en suis convaincue. Divisés, nous tombons. Unis, nous tenons bon’’.
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