À moins de deux semaines de l’élection présidentielle, prévue le 24 décembre, la Libye reste plongée dans l’incertitude. Alors que la liste définitive des candidats n’a toujours pas été publiée, le calendrier électoral semble intenable, la campagne n’ayant même pas commencé. Décryptage.
La campagne électorale de l’élection présidentielle en Libye n’a toujours pas débuté, alors que 2,5 millions d’électeurs sont censés se rendre aux urnes dans neuf jours, le 24 décembre. Pis, la liste définitive et officielle des candidats n’a toujours pas été dévoilée par la Haute commission nationale électorale (HNEC), alors qu’elle devait être annoncée au plus tard quinze jours avant la date du scrutin. Sa publication a même été reportée sine die, le 11 décembre, par la HNEC, qui est sous le feu des critiques.
Un scrutin censé être l’aboutissement d’un interminable processus politique parrainé par l’ONU, après la décennie de chaos qui avait suivi la chute du régime du colonel Kadhafi en 2011, et de luttes fratricides entre deux camps rivaux, l’un dans l’Ouest et l’autre dans l’Est.
Ce n’est pas tout, puisqu’à quelques jours du scrutin, la loi électorale ne fait toujours pas l’unanimité dans le pays. Un texte qui n’a pas été voté par le Parlement, mais directement ratifié par son chef, Aguila Saleh, un allié de l’un des principaux candidats, le maréchal Khalifa Haftar qui contrôle de facto l’est et une partie du sud de la Libye.
La loi électorale est notamment rejetée par plusieurs forces politiques qui l’accusent d’être taillée sur mesure pour le maréchal, car elle lui permet d’être candidat à la présidentielle mais aussi de pouvoir retrouver son poste de militaire s’il n’était pas élu.
L’ensemble de ces facteurs entretiennent la confusion dans le pays alors que tout porte à croire que le calendrier électoral, qui prévoit également des législatives en janvier (initialement prévues en décembre), risque fort de ne pas être respecté. Le scénario d’un report est même désormais plus qu’envisageable, alors même que le gouvernement libyen s’est déclaré dimanche « prêt » pour l’organiser.
« Le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens et les efforts pour soutenir la HNEC. Nous avons l’opportunité de faire du 24 décembre un jour historique », a affirmé Ramadan Abou Jnah, qui assure l’intérim à la tête du gouvernement depuis que le Premier ministre, Abdelhamid Dbeibah, s’est porté candidat à la présidentielle.
« Le climat n’est pas rationnellement propice pour organiser des élections »
« Il est évident que ces élections sont très compromises au vu de la situation politique, légale et sécuritaire en Libye, constate Hafed al-Ghwell, spécialiste de la Libye et chercheur auprès du Foreign Policy Institute (FPI) de l’Université Johns Hopkins, à Baltimore, interrogé par France 24. Le climat n’est pas rationnellement propice pour organiser des élections de ce type, et les principaux candidats ne semblent pas prêts à participer à un scrutin d’une manière sérieuse et loyale. »
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Et de souligner : « La communauté internationale fait mine de traiter avec ce pays comme s’il s’agissait d’un État stable, or c’est une illusion car il n’y a même pas d’État en Libye, il n’y a pas d’institutions, il n’y a que des camps rivaux et des milices qui se font face. »
Pour Hafed al-Ghwell, aucun camp n’est prêt à reconnaître les résultats du scrutin. « Vous avez d’un côté un maréchal qui est à la tête d’un État dans l’État, Khalifa Haftar, qui ne semble pas prêt d’accepter un autre résultat que sa propre victoire, poursuit-il. En face, d’autres parties ont prévenu qu’elles ne le reconnaîtraient pas s’il l’emporte. »
Outre le maréchal Khalifa Haftar et le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, Seif al-Islam Kadhafi, le fils de l’ancien dictateur Mouammar Kadhafi, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes contre l’humanité », fait également partie des dizaines de candidats à la présidentielle. Sa candidature avait été rejetée dans un premier temps, pour non-conformité avec la loi électorale, avant d’être finalement acceptée.
Hafed al-Ghwell estime même que le maintien dans les conditions actuelles de l’élection en décembre pourrait replonger la Libye dans la violence, alors que l’émissaire de l’ONU pour la Libye, Jan Kubis, a jeté l’éponge un mois avant la présidentielle.
« La communauté internationale a fait pression ces derniers mois pour que le scrutin se déroule à la date prévue sans prendre en compte la réalité sur le terrain, conclut-il. Je pense que si jamais l’élection est organisée dans un tel contexte, il ne faudra pas s’attendre à qu’elle apporte de la stabilité, mais bien au contraire, elle risque de compliquer encore plus la situation dans le pays. »
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