Jungle, la première ferme verticale de France

La start-up établie dans l’Aisne approvisionne les grandes marques de produits frais grâce à une technique agricole révolutionnaire.

C’est une drôle de ferme qui a poussé, du côté de Château-Thierry, non pas sur les terres fertiles des Hauts-de-France, mais dans les airs… ou, plus précisément, au sein d’une tour, opaque, qui s’élève sur 10 mètres de haut. À l’intérieur, on se croirait dans un film de science-fiction : sur des étagères, des pots de basilic, de coriandre, de persil, de ciboulette alignés et empilés jusqu’au plafond, dont les graines – à 80 % d’origine française – ont été semées par des robots, également chargés des récoltes.

Dans les allées, pas d’agriculteurs aux bottes couvertes de boue, mais des ingénieurs agronomes vêtus de blouses blanches. Un prototype de la ferme du futur ? Un laboratoire de recherche ? Pas tout à fait. « Ici, pas moins de 400 000 plantes sont produites chaque année », assure Gilles Dreyfus, son créateur. Même production attendue dans la tour voisine, construite en mai. Bienvenue chez Jungle, la première ferme agricole verticale de France. Il en existe en Allemagne, aux États-Unis, au Japon, et, si le concept reste peu répandu, le marché s’annonce, lui, prometteur : « Il devrait atteindre 20 milliards d’euros en 2025 », assure l’homme d’affaires de 38 ans, qui a levé 42 millions d’euros pour créer, entre autres, une vingtaine de tours et produire 8 millions de plantes d’ici à 2022.

Autant dire que cet ex-requin de la finance, passé chez Carmignac Gestion, a eu du flair. C’est en lisant un article du « Financial Times » en 2015 qu’il a eu la « révélation » : « Alertant sur une prochaine crise alimentaire, avec 9 milliards d’humains à nourrir en 2050, il évoquait l’agriculture verticale comme possible solution », se souvient-il. Intrigué, il réalise des recherches, tombe sur les travaux d’un professeur américain de Columbia, précurseur de la « vertical farming », qu’il contacte. Et le voilà invité à un colloque à Vegas, au milieu de spécialistes venus du monde entier. « Pour la première fois, j’avais le sentiment d’être au bon endroit au bon moment », confie-t-il. De retour à Paris, il décide de « tout plaquer », rencontre son associé, un « ex de la mode », et lance sa première ferme au Portugal en 2016, attirant bientôt l’attention de l’enseigne Auchan. Il s’installe en France fin 2019, séduit Intermarché, Monoprix, Grand Frais…

Le marché devrait atteindre 20 milliards d’euros en 2025

Sa force ? Ce sont les rendements trois fois plus élevés qu’ailleurs, sur une surface réduite, avec des économies en eau de 98 %, grâce à l’hydroponie et à un système de récupération des eaux de pluie. Son secret ? Cette technologie de pointe qu’il a développée, capable de reproduire à l’intérieur les éléments extérieurs : l’eau qui, mélangée aux nutriments, irrigue les racines, sans terre ; la lumière, grâce à des LED reproduisant les cycles du soleil et même le climat, avec des variations de température, de CO2… Ici, tout est sous contrôle. « Nos ingénieurs agronomes jouent sur des spectres lumineux, agissant sur le goût des plantes, les taux de concentration en vitamines. » L’intérêt ? Tendre vers la souveraineté alimentaire, si précieuse en temps de crise.

« Non soumises aux aléas climatiques, nos récoltes sont assurées toute l’année, avec des plantes ultra-fraîches, cultivées sans pesticides et distribuées en circuit court dans un rayon de 100 kilomètres », souligne-t-il. Sa technologie, il compte la déployer dans d’autres secteurs, comme la santé et les cosmétiques. « Nous destinons 30 % de notre production à la parfumerie, qui utilise les extraits de nos fleurs. » À commencer par le numéro un suisse Firmenich, avec qui il a développé « Muguet Firgood », « un ingrédient 100 % naturel, avec des notes fraîches et authentiques jamais obtenues auparavant », promet l’industriel.

1 Commentaire

Laisser un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

You may like