« Mendicité sous-régionale » à Dakar, à qui profite le trafic ?

Malgré les efforts consentis par les autorités sénégalaises pour éradiquer ce fléau, la mendicité s’accroît de jour en jour à Dakar. Ils sont nombreux, hommes, femmes et enfants, à s’adonner à cette pratique dans la capitale sénégalaise. Certains en ont même fait un métier. Ce ne sont pas que des Sénégalais, mais aussi des Guinéens, des Mauritaniens, des Maliens ou des Bissau-guinéens. Mais, il y a également de nombreux élèves coraniques communément appelés « talibés », qui mendient dans la capitale sénégalaise.

Dakar est devenue une véritable plaque tournante de la mendicité, en Afrique de l’Ouest. Ils viennent presque de tous les horizons dans l’espoir d’avoir une vie meilleure. La mendicité a tellement inquiété que l’ancien Président du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, avait pris une décision radicale en 2010, afin de mettre fin à ce fléau. Premier ministre à l’époque, Souleymane Ndéné Ndiaye avait même décidé de l’application d’un article du code pénal, interdisant la mendicité dans les rues, qui existe pourtant depuis 1965. L’ancien chef du gouvernement avait également mis en application la loi de 2005 contre la traite des personnes, qui vise particulièrement les maîtres coraniques. Ces derniers envoient généralement mendier leurs très jeunes « talibés ». Certains imposent même à ces mineurs un montant quotidien à verser, allant de 1 000 à 1 500 FCFA.

Si le phénomène avait été freiné un moment, il a repris de fort belle manière. Du Centre-ville de Dakar au rond-point de l’avenue Habib Bourguiba, jusqu’aux allées du Front de Terre, handicapés physiques ou visuels, femmes et enfants continuent de se faufiler entre les voitures dans les embouteillages. Ils se montrent quasiment tous allergiques aux questions, évitant de parler à la presse et que cela pousse l’Etat à se pencher à nouveau sur leur cas. Ce qui pourrait déboucher sur d’éventuelles sanctions des autorités sénégalaises. Il fallait d’abord les rassurer, pour qu’ils acceptent de témoigner. Après plusieurs tentatives, une dame d’une cinquantaine d’années, qui se nomme Sayon Camara, originaire de Kourounnikoto, un village de Kita au Mali, accepte de se confier à AFRIK.COM. Elle assure ne détenir aucun document prouvant qu’elle vient du Mali, à part… la langue malinké

« Je suis venue au Sénégal dans l’espoir de trouver du travail. Cela fait deux mois que je suis à Dakar, mais je n’ai encore rien trouvé. Je m’assois parfois au bord de la route, espérant trouver quelque chose. Alors que j’ai laissé mon mari et mes enfants dans mon village, au Mali. Pourtant, ce sont des proches qui m’ont convaincue de venir ici, car j’allais facilement trouver du travail à Dakar », a-t-elle déclaré. Non loin d’elle, Marème Diao, qui vient de Bakel, une commune du Sénégal oriental frontalière avec la Mauritanie et le Mali. Avec une petite fille qui apprend à peine à s’asseoir, elle a indiqué qu’elle vit avec son mari à Dakar. Seulement, elle refuse de nous révéler le métier de son époux. Un mendiant comme elle ? Aucune idée. C’est l’omerta totale sur la question.

Une véritable traite humaine à Dakar

Pensant que nous étions venus leur fournir des offrandes, comme c’est souvent le cas, une dame s’approche avec ses jumelles d’au moins deux mois. Elle s’exprime en khassonké, une langue parlée dans certains villages entre Kayes au Mali et Tambacounda du côté du Sénégal. « Je suis venue promener mes jumelles, en même temps elles reçoivent des offrandes. On nous dit que si on ne le fait pas avec elles, cela peut leur porter préjudice », indique-t-elle, avant d’ajouter que c’est une tradition : « si on ne le fait pas, il y a de fortes chances que l’une d’entre elles meurt avant l’âge adulte ». Argument balayé par une dame d’une soixantaine d’années, qui a révélé être elle-même une jumelle, mais que ses parents n’ont jamais requis d’offrandes pour soi-disant éviter que l’une d’entre elles ne meurt. Elle et sa sœur jumelle, dit-elle, vivent toujours et ont même des petits-enfants.

C’est dans cette ambiance que baignent les mendiants à Dakar, avec la palme qui revient aux enfants dits talibés. Ils sont partout et tentent d’attirer la pitié sur les petits êtres qu’ils sont. Ils interpellent, supplient et ont souvent un comportement agressif, car ils n’abandonnent pas, quelle que soit la réticence de la personne dont ils sollicitent une aide financière. Par dizaines, ils arpentent les rues de Dakar, en quête de versements quotidiens. Ils viennent pour la plupart de la sous-région : Guinée, Guinée-Bissau, Mauritanie ou Mali. Ils doivent s’acquitter d’un versement quotidien, faute de quoi, ils seront punis par leur maître coranique. Ce dernier, souvent véritable collectionneur de femmes, envoie ses propres enfants à l’école française, tout en menant une vie aisée, à l’abri de tout besoin. Sa dépense quotidienne et ses besoins assurés par les quelque cents mendiants qu’il gère, à qui ils enseigne le coran certes, mais aussi et surtout des enfants qu’il exploite.

Une véritable traite humaine, dans la capitale sénégalaise et les autres régions de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Si ces talibés, une fois grands, deviennent des marchands ambulants, s’ils ne suivent pas tout bonnement les pas de leurs maîtres coraniques pour « importer » des enfants de la sous-région en vue de les faire mendier à leur tour, beaucoup d’anciennes mendiantes se reconvertissent en vendeuses sur les allées du Font de Terre. D’autres sont également devenues restauratrices et gagnent mieux leur vie, aujourd’hui. Quant aux handicapés physiques et visuels, qui n’ont pas d’autres issues, ils continuent de mendier dans les rues du Sénégal.

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