Interview exclusive avec Oumar Diawara l’homme qui a tenté de saisir un appareil d’Air Côte d’Ivoire …

L’homme d’affaires Oumar Diawara s’est invité dans le quotidien des ivoiriens quand récemment, par deux reprises, il a exercé une saisie conservatoire contre un appareil d’Air Côte d’Ivoire à Bamako et à Conakry. Fort de sa victoire judiciaire contre l’Etat de Côte d’Ivoire, sur la base d’un verdict prononcé par la Cour Commune de la CEDEAO, doublé d’une ordonnance d’exécution, le congolo-malien est confronté toutefois à une justice ivoirienne évoluant en contradiction avec la justice communautaire. Entretien.


Comment vous sentez-vous et comment appréciez-vous le verdict de la justice ivoirienne qui vous condamne à 20 ans de prison pour complicité d’abus de biens sociaux et de blanchiment après votre victoire devant les juges de la CEDEAO dans l’affaire qui vous oppose à la BNI Gestion ?

  Je voudrais tout d’abord vous dire merci de me donner l’opportunité de m’exprimer dans les colonnes de Financial-Afrik pour la toute première fois afin de vous livrer les dessous, les tenants et les aboutissants de l’affaire  BNI/Gestion avec sa filiale Perl invest objet du contentieux  qui m’oppose depuis plus de 4 ans avec cette entité et qui est devenue une affaire d’Etat car c’est avec l’Etat de Côte d’Ivoire que je me suis retrouvé devant les juges de la CEDEAO.   Bref, pour répondre à votre préoccupation et comme vous le dites, après une victoire devant la CEDEAO, juridiction supra nationale, qu’une juridiction de premier degré rende une décision me condamnant à une peine de privation de liberté et de confiscation de mes biens, tout en m’interdisant de fouler les sol ivoirien et tout ce que vous avez pu lire dans cette décision reste pour moi, un non évènement…

 Comptez-vous faire appel de la décision ?

Nous avons déjà fait appel de la décision inique pour la forme et pour l’histoire.

Pour vous c’est une forme de représailles ou tout simplement une fuite en avant ?

C’est pire qu’une forme de  représailles. C’est une représaille   teintée d’une fuite en avant avec un refus d’acceptation des engagements internationaux par simple ego. 

Revenons sur genèse de cette affaire: au départ, vous aviez acquis Perl Invest, filiale de BNI Gestion. Qu’est ce qui s’est réellement passé ?

Suite à une injonction du régulateur faite à Bni Gestion de céder sa filiale immobilière, j’ai acquis Perl Invest et son foncier de 96 hectares avec des fonds provenant de Bni banque en prêt pour la somme de 1.093 milliard  en plus du passif à Bgfi pour 15 milliards de FCFA.  Après vérification des volumes vendus, il n’y en avait en réalité que 48 hectares. La différence n’a jamais existé car après ma plainte contre la Bni Gestion et sa directrice, j’ai compris que je venais de me faire avoir par le détournement de 8 milliards qui correspondaient aux 48 hectares manquants.

La Bni gestion a elle-même porté plainte pour abus de biens sociaux contre sa directrice licenciée. Cette directrice a été arrêtée et envoyée en prison. Sauf qu’un mois plus tard, elle est libérée sous une caution d’environ 100 millions de FCFA. Par la suite, les choses ont changé. De victime, je suis devenu complice. L’ agent judiciaire du Trésor a porté plainte contre moi pour complicité d’abus de biens sociaux et blanchiment de capitaux. Le juge en charge du dossier est changé au profit de celle du 5e cabinet et la cabale commence. La juge en question m’inculpe en mon absence, place mes biens sous séquestre et en confie la garde au plaignant.

D’appel en appel,  je me tourne vers la cour de cassation qui la dessaisît mais elle refuse de se conformer. Au lieu de s’exécuter, la juge du cinquième cabinet demande et obtient, et-ce après son dessaisissement par un arrêt de la cour de cassation réunie en plénière, une simple ordonnance de la présidente de la cour de cassation lui enjoignant de poursuivre l’instruction du dossier. Cette juge ordonne ainsi la restitution de mes biens saisis au vendeur qui est Bni gestion et pas à l’Etat qui me poursuit…En quelques jours, les titres fonciers sont changés  et je saisis la Cedeao pour dire le droit…

C’est ainsi que le 22 octobre 2021, la Cedeao a reconnu la violation de mes droits, en demandant à la justice Ivoirienne, troisième pouvoir dans l’ordre  institutionnel de l’Etat de Côte d’Ivoire, de me rétablir dans mes droits violés…

 Au regard de tout ce qui précède, pensez-vous avoir été victime d’une spoliation ?

Bien évidement, sans aucun doute. Bni me prête de l’argent, je rachète une filiale. Je me retrouve ensuite du statut de victime à celui de blanchisseur de capitaux…L’Etat, par son agent judiciaire, s’implique sans apporter la preuve de l’appartenance de la filiale à l’Etat. Et la justice me refuse un procès équitable. Après 4 ans, j’obtiens devant la Cedeao la reconnaissance de mes droits.  Donc oui, je suis victime d’une escroquerie en bande avec en prime l’Etat par son agent judiciaire et sa machine judiciaire.

Pourquoi l’agent judiciaire du trésor vous attaque-t-il alors que nous étions dans une opération commerciale à première vue privée entre personnes morales privée, passez-nous le pléonasme ?

Comme je l’ai dit précédemment, c’est une escroquerie en bande organisée et il fallait bien des dirigeants…qui ont obtenu l’aide d’un pôle pénal économique dirigé par une magistrate aux ordres de sa hiérarchie.

 Dans cette affaire, vous dites être passé du statut de victime au statut d’accusé ?

Sans aucun doute. La Cedeao a, dans son arrêt du 22 octobre 2021, précisément en ses articles 118 et 119 suivants, dit que les ordonnances rendues par les juridictions nationales ivoiriennes sont nulles et de nul effet. Ce sont ces mêmes ordonnances nulles qui ont permis aux juges ivoiriens de me condamner.  Donc, naturellement, nous allons repartir devant cette juridiction indépendante qui devra, à nouveau, se prononcer sur les violations de mes droits primaires d’accès à la justice.

 Pourquoi faire saisir l’avion d’air Côte d’Ivoire, et pas un autre bien ? Il est d’ailleurs reparti et vous avez vécu cet épisode comme un camouflet … un échec à Bamako et à Conakry ?

J’ai saisi l’avion car l’agent judiciaire dit qu’il est dans le dossier au nom de l’actionnariat de l’Etat dans Bni gestion à hauteur de 55%. Au regard de leur raisonnement, il m’est donc possible de procéder à la saisie de l’actif de l’Etat dans ses entreprises notamment celle de Air Côte d’Ivoire à 57%. Donc je dirai non, il n’y a pas eu de tentative de saisie. Il y a eu une saisie d’avion. Donc je n’ai pas essuyé d’échec. Si aujourd’hui cette affaire a ce retentissement c’est justement à cause de ce qu’ils appellent tentative.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vos conseils parlent de restitution de terres saisies ?

Mes conseils ne parlent pas de restitution de terres..La cour de la Cedeao parle de restitution de mes terres. La Cour commune stipule que toutes les ordonnances me dépossédant sont nulles et ne peuvent produire d’effet en droit. Cette cour reconnaît la Violation de mes droits. Une chose qui ne produit pas d’effet (me déposseder) alors n’existe pas. Mes terres doivent m’être restituées simplement.  Mieux, on parle de terrains. Il y a des programmes immobiliers de près de 100 maisons et appartements qui y sont érigés. Comment ne pas me les rendre ?

Comment appréciez-vous l’attitude du régulateur des marchés financiers (CREPMF) qui a demandé à la BNI Gestion de céder son pôle immobilier?

Une attitude de mauvaise foi. Un régulateur qui demande la cession d’une activité illégale depuis 2017. Et qui se rend compte que la société sanctionnée a été dans une opération de détournements de fonds des souscripteurs.

 A aucun moment, le CREPMF ne s’en est  préoccupé. Il n’a engagé aucune investigation pour tirer au clair la situation. Au contraire, le CREPMF s’est laissé influencé par des décideurs politiques et attend que les mêmes terres, objet de leur sanction, reviennent dans le patrimoine, sans qu’il se demande par quelle alchimie… Ils sont complices de par  leur attitude et bien-sûr, leur responsabilité sera engagée devant les juridictions de l’Uemoa dont ils sont membres.

Vous savez, l’attitude du régulateur est d’autant plus curieuse que les terres cédées n’existent pas dans leur intégralité car amputée de moitié.  Ils le savent et nous les avons informés.

Ce qui est encore plus grave, sur ces terres, nous avons bâti des villas et immeubles qui, par ordonnance de juge, reviennent dans le patrimoine de Bni gestion.  Et le  régulateur accepte une restructuration de ladite entreprise avec des fonds et un patrimoine volé.

Sur la question des 8 milliards détournés par Bni gestion et sa direction, le régulateur fait l’autruche afin que cette perte soit compensée par les constructions que nous avons effectuées sur les terres pour près de 100 maisons entre 2017 et 2021. Est- ce un régulateur ou un autre complice ? la question reste posée !

Comment pensez pouvoir gagner face à  un Etat qui vous a par ailleurs condamné pour complicité et qui vous interdit de mettre les pieds en Côte d’Ivoire ? 

Cela nous ramène à l’organisation en bande de ma spoliation. La cour de la Cedeao a dit le droit. Je me ferai payer par tous les moyens de droit. La surprise de la saisie de l’avion en cachera d’autres.  Un Etat qui accepte de ratifier des textes, les respecte. En ce qui concerne la condamnation de représailles, on attendra la réponse de la Cedeao que nous allons ressaisir.

Aujourd’hui qu’est-ce que vous attendez ?

J’attends que l’Etat ivoirien respecte les traités. Et quand on perd un procès, on exécute la décision qui en découle. Ce n’est pas aussi compliqué. Je veux juste que l’Etat de Côte d’Ivoire me rétablisse dans mes droits.

 Cette affaire peut-elle se régler à l’amiable ? 

Je n’ai aucune raison de ne pas accepter un règlement à l’amiable. Ce sont eux qui ont abandonné cette option initiée courant 2017-2018 puis 2019-2020 par le ministre des finances sortant. Mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès, comme le dit-on. Toutefois, la démarche entreprise par l’Etat de me condamner ne laisse pas beaucoup d’option sur cet angle. Ce qui m’oblige à poursuivre les actions judiciaires en attendant la résolution à l’amiable ou judiciaire de cette affaire.

6 Commentaires
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