Début décembre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a enjoint à cinq sites pornographiques de couper leur accès aux mineurs d’ici au 28 décembre. Or, si des solutions de vérification d’identité existent, elles posent des questions en matière de protection des données. Faute de solution, leur blocage par la justice française, envisagé de longue date, pourrait rapidement devenir une réalité.
Quelles solutions envisagées par les sites?
Une option largement utilisée par les sites pornographiques est le recours à des « tiers vérificateurs », des sociétés spécialisées dans la vérification d’identité.
Ces prestataires proposent différents dispositifs pour vérifier si les internautes sont bien majeurs: scan de pièce d’identité, estimation de l’âge de l’utilisateur par un selfie ou analyse des informations postées sur les réseaux sociaux.
Pour garantir l’anonymat des internautes, les données personnelles collectées ne sont généralement pas envoyées sur des serveurs, ni conservées.
D’après Grégory Dorcel, directeur général du groupe Dorcel, interrogé au printemps par l’AFP, le coût de ces prestataires de services « est négligeable ».
« Globalement, à partir de 500 euros par an, vous pouvez protéger un site. Après, tout dépend des volumes traités », précise-t-il.
Les sites utilisent également la vérification par carte bancaire. Le webmaster du site Tukif, l’un de ceux mis en demeure par le CSA avec Pornhub, Xhamster, Xvideos et Xnxx, expliquait en mars dans un entretien à Next INpact, site d’information dédié au numérique, utiliser notamment cette solution, tout en relevant que des astuces permettraient aux internautes de contourner ces limites.
Blocage sur décision de justice
Michel Combot, directeur général de la Fédération française des télécoms, qui réunit les principaux fournisseurs d’accès à internet français (Orange, SFR, Bouygues Telecom…), rappelle que c’est avant tout aux sites eux-mêmes « de trouver des solutions » en amont et de « prouver qu’ils les ont mises en oeuvre » auprès du CSA.
Le code pénal interdit d’exposer les mineurs à des photos et vidéos pornographiques et la loi sur les violences conjugales du 30 juillet 2020 précise que les sociétés concernées ne peuvent s’exonérer de leurs responsabilités en se contentant de demander à un internaute s’il est majeur.
Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le CSA peut saisir la justice qui peut demander aux fournisseurs d’accès à internet le blocage des sites contrevenants.
« Si demain le CSA demande aux juges de bloquer les sites en question parce qu’ils ne se seront pas mis en conformité, et que le juge dit ‘il faut bloquer l’accès à ces sites’, nous le ferons », explique M. Combot à l’AFP.
« Comme nous le faisons déjà pour de nombreux contenus illégaux », ajoute-t-il, à l’image des sites faisant l’apologie du terrorisme ou proposant des contenus audiovisuels piratés.
Mises en garde de la Cnil
Pour la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), les dispositifs adoptés par les sites pornographiques doivent en tout cas respecter plusieurs principes comme une utilisation et une conservation limitées et adéquates des données personnelles.
En juin, la Cnil prévenait aussi que la mise en place d’un système de vérification ne pouvait mener à une « obligation d’identification générale » avant la consultation d’un tel site. La vérification de l’âge de l’internaute ne devait pas non plus permettre de « collecter des données directement identifiantes de leurs utilisateurs ».
En cause, selon la commission: une telle pratique présenterait « des risques importants » pour les utilisateurs, « dès lors que leur orientation sexuelle – réelle ou supposée – pourrait être déduite des contenus visualisés et directement rattachée à leur identité ».
Le régulateur dit donc préférer « le recours à des dispositifs consistant en la fourniture d’une preuve de la majorité d’âge » s’appuyant par exemple sur un « tiers de confiance ».
Ce dernier aurait à intégrer un mécanisme empêchant « d’identifier le site ou l’application à l’origine d’une demande de vérification » mais aussi de transmettre au service de contenus pornographiques des « données identifiantes » concernant l’utilisateur.
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