D’une taille comparable à celle de la Grande-Bretagne, le glacier Thwaites se détériore de plus en plus vite sous l’effet du réchauffement climatique. Sa disparition totale entraînerait à elle seule une augmentation de 65 centimètres du niveau des mers.
C’est un colosse de glace aux pieds d’argile : 120 km de large, 600 km de long et 3 km de profondeur, le glacier Thwaites en Antarctique, surnommé « le glacier de l’Apocalypse », se fissure de plus en plus vite, ouvrant la voie à un scénario catastrophe pour la planète.
Une récente étude combinant données satellites, radars souterrains et mesures GPS a montré l’existence de cassures inquiétantes sur la plateforme de glace qui maintient le glacier.
« Dans ce cas, c’est la partie flottante du glacier qui est attaquée par la chaleur océanique. Or, c’est cette partie flottante qui freine le glacier situé au-dessus. Elle sert en quelque sorte de ‘bouchon' », explique à France 24 Catherine Ritz, directrice de recherche à l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble. « On sait depuis longtemps que ce glacier pose un réel problème de fragilité à cause de sa géométrie et de la façon dont est configuré le socle rocheux sous la calotte glaciaire », ajoute la climatologue.
À cela s’ajoute un autre phénomène révélé par les mesures d’un robot plongeur : la glace se creuse sous le glacier, fragilisant encore un peu plus l’édifice.
Thwaites déverse déjà en moyenne 50 milliards de tonnes de glace dans l’océan tous les ans. Un rythme d’écoulement de l’eau qui n’a cessé de s’accélérer lors des dernières décennies sous l’effet du réchauffement climatique et de la modification de la circulation des courants océaniques.
Le « talon d’Achille » de l’Antarctique
Selon les glaciologues qui surveillent l’évolution de Thwaites, la zone flottante du glacier est susceptible de fondre d’ici cinq ans, un point de non-retour qui pourrait entraîner sa disparition totale.
Interrogée par la BBC, la Dre Erin Pettit, principale coordinatrice du projet d’étude du glacier, livre une métaphore saisissante pour comprendre le phénomène : « Je le visualise un peu comme cette vitre de voiture où vous avez quelques fissures qui se propagent lentement, puis soudain vous passez sur une bosse dans votre voiture et tout commence à se briser dans toutes les directions. »
Si tout le glacier venait à disparaître, le niveau de la mer monterait de 65 centimètres, alertent les scientifiques. À plus long terme, c’est même une élévation de 3 mètres qui se profile dans les siècles à venir.
Situé dans l’ouest de l’Antarctique, le gigantesque bloc de glace, aussi grand que la Grande-Bretagne ou l’État de Floride, occupe en effet une position stratégique, à l’entrée d’une série de vallées qui se trouvent en dessous du niveau de la mer.
Thwaites Glacier – the lynchpin of West Antarctica. The size of Florida, Thwaites rests on reverse-sloping bedrock and is retreating rapidly, thought to be the result of marine ice sheet instability. It could trigger a 50cm sea level rise https://t.co/aD8LebbEun map @pritheworld pic.twitter.com/y4Sv00JupZ
— The Antarctic Report (@AntarcticReport) July 10, 2019
Si Thwaites se disloque, c’est donc une série de glaciers qui suivra immanquablement, entraînant une montée des eaux phénoménale avec des conséquences catastrophiques pour des centaines de millions de personnes vivant dans les zones côtières et des états insulaires.
« C’est le talon d’Achille de l’Antarctique », résume Catherine Ritz, « car il gouverne une énorme masse de glace. Il y a d’autres points faibles dans l’est du continent mais c’est bien ce glacier qui est crucial pour le siècle à venir. »
Un géant sous surveillance
Devant cet enjeu climatique colossal, la surveillance du glacier Thwaites s’est resserrée ces dernières années avec le projet américano-britannique ITGC (International Thwaites Glacier Collaboration).
Chaque saison d’été en Antarctique, des équipes de scientifiques étudient le comportement du glacier dans cette région très difficile d’accès.
Cette année, une nouvelle campagne doit faire intervenir un sous-marin, qui plongera sous la glace flottante de Thwaites pour recueillir des données sur la température de l’eau ainsi que sur la direction des courants marins. De quoi affiner les différents scénarios élaborés par les scientifiques à partir de modélisations 3D.
#Robots are going under #ThwaitesGlacier to collect data about the impact of #ClimateChange on the ice shelf. @a_wahlin
Listen to @bbcworldservice @digitalplanet today (Weds 12 Jan) to find out more…!https://t.co/9Gblq78hzZ pic.twitter.com/otHqc3Xn6w
— International Thwaites Glacier Collaboration (@GlacierThwaites) January 12, 2022
« Pour le moment, peu de simulations montrent une désintégration complète de Thwaites d’ici la fin du siècle », précise Catherine Ritz. « Cependant, il est certain que le glacier va continuer à reculer. À quelle vitesse ? Nous ne sommes pas tous d’accord. Cela dépend de choses que l’on connaît encore mal, notamment la façon dont la glace glisse sur le socle rocheux », note la scientifique.
Selon les experts du Giec, la plus grande source potentielle d’élévation du niveau des eaux au cours du prochain siècle se situe en Antarctique. Le continent pourrait ajouter entre 14 et 114 centimètres au niveau de la mer d’ici 2100. Une variation énorme qui dépendra en grande partie de l’avenir de l’Antarctique occidental et de son « glacier de l’Apocalypse ».
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