Aux Tonga, après l’éruption volcanique, la peur du Covid-19

Après l’éruption volcanique et le tsunami qui ont touché les îles Tonga le 15 janvier, l’aide internationale s’organise. Ce soutien inquiète les autorités de l’archipel qui craignent de voir arriver avec les étrangers une vague de Covid-19 alors que le territoire était jusque-là épargné.

Cinq jours après l’éruption volcanique et le tsunami dévastateurs aux îles Tonga, l’aide internationale s’organise. Mercredi 19 janvier, la principale piste d’atterrissage du pays, qui avait été recouverte d’un amas de cendres, a été dégagée. Les premiers avions apportant des produits de première nécessité sont arrivés jeudi. Mais face à l’arrivée prochaine de cette aide étrangère, une nouvelle crainte émerge au sein des autorités : voir le Covid-19 se propager dans l’État insulaire.

Jusqu’alors, les quelque 100 000 habitants des 170 îles des Tonga semblaient vivre dans une bulle, à l’abri du Covid-19. Depuis le début de la pandémie, une seule contamination a été recensée. Un exploit dû à l’isolement géographique de l’archipel, mais aussi à une stratégie « Zéro Covid » : chaque personne arrivant dans le pays doit être entièrement vaccinée et se soumettre à une stricte quarantaine de 21 jours. Le gouvernement peut, par ailleurs, se vanter de voir 60 % de sa population entièrement vaccinée, selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). 

Pour l’heure, les autorités refusent de revenir sur cette politique. Interrogé sur la chaîne australienne ABC, Curtis Tuihalangingie, diplomate à l’ambassade des Tonga à Canberra, a assuré que « maintenir le Covid-19 hors du pays restait une priorité afin de protéger la population d’un ‘tsunami de Covid' », ajoutant que toute aide – matérielle ou humaine – envoyée dans l’archipel devrait subir une quarantaine.

Pourtant, les besoins se font pressants. Mardi, le gouvernement a qualifié de « sans précédent » la catastrophe, précisant que des vagues allant jusqu’à 15 mètres de hauteur avaient détruit toutes les habitations sur certaines îles. Les réserves d’eau ont, par ailleurs, été contaminées par les cendres volcaniques, a-t-il alerté. « Nous avons entendu que des magasins sont désormais à court de vivres », a, de son côté, annoncé Jonathan Veitch, coordinateur de l’Unicef dans la région, lors d’une conférence de presse le même jour. 

« Amener le Covid-19 aurait des conséquences désastreuses »

« L’arrivée du Covid-19 dans l’archipel aurait des conséquences désastreuses pour la population », explique auprès de France 24 Sarah Mohamed-Gaillard, spécialiste de l’histoire de l’Océanie à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). « Si l’aide humanitaire amenait le virus, ce serait rajouter une grande difficulté aux dégâts de l’éruption », assure-t-elle. 

Pour cause, « la population des Tonga est particulièrement vulnérable face au Covid-19. Elle compte beaucoup d’enfants – dont les parents sont parfois partis travailler à l’étranger – et de personnes âgées. C’est aussi un territoire touché par l’obésité et le diabète », poursuit la spécialiste. « Sans compter que, dans ces territoires, la structure hospitalière est souvent réduite et située sur l’île la plus habitée. Elle peut donc être difficile d’accès pour de nombreux habitants. »

Au-delà de la crise sanitaire, l’inquiétude du gouvernement tongien s’explique par l’histoire du pays. « Cette peur fait aussi écho à des traumatismes anciens », analyse Sarah Mohamed-Gaillard. « Dès la fin du XVIIIe siècle, des maladies comme la rougeole, les oreillons ou encore la grippe, ont été apportées par des étrangers dans tout le Pacifique, décimant parfois des communautés entières », rappelle-t-elle.

Selon une étude parue en 2016, et relayée par le New York Times, une épidémie de rougeole aurait ainsi été responsable de la mort d’un quart de la population totale de Hawaï, des îles Fidji, Tonga, Samoa et Rotuma au début du XIXe siècle. 

Aux Tonga spécifiquement, en novembre 1918, de nombreuses personnes seraient mortes de la grippe espagnole après que des marins navigants sur un bateau venu de Nouvelle-Zélande l’ont apportée, raconte encore le média américain.

Une aide sans contact direct

Face à la situation, ONG, associations et gouvernements travaillent de concert pour rassurer les Tonga et apporter leur aide malgré la fermeture des frontières. En première ligne : l’Australie et la Nouvelle-Zélande, où vit une grande communauté originaire des Tonga. « Nous allons travailler avec les autorités sur le terrain pour nous assurer que nous respectons leurs attentes et leurs restrictions sanitaires », a assuré la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, dès dimanche.

« Tous les efforts humanitaires déployés pour aider ce petit royaume respecteront les protocoles sanitaires stricts du pays pour le garder à l’écart de la pandémie », a de son côté abondé l’ONU.

Depuis cette annonce, les Tonga ont donné leur feu vert pour commencer à acheminer de l’aide. Outre des avions transportant des produits de première nécessité, qui sont arrivés jeudi, le navire HMAS Adelaïde, de la flotte australienne, est en route vers les Tonga avec du matériel de secours à son bord. Il devrait arriver à destination dans cinq jours, après 2 380 km de mer dans l’océan Pacifique. 

Deux navires néo-zélandais sont également partis pour l’archipel et devraient l’atteindre dans environ trois jours. Ils transportent notamment de l’eau potable ainsi qu’une unité de dessalement pouvant fournir 70 000 litres par jour. 

Pendant ce temps, les discussions se poursuivent pour déterminer le protocole à suivre pour protéger au maximum l’archipel. Selon le Washington Post, le scénario avancé est celui de livraisons sans contact direct. « La pandémie de Covid-19 a au moins eu un avantage : ces deux dernières années, nous avons déjà fait un grand nombre de livraisons sans contact », a salué le ministre de la Défense néo-zélandais, Peeni Henare.

De leur côté, les quelques ONG internationales déjà présentes sur le terrain apportent leur aide aux sinistrés. Parmi elles, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) compte 70 bénévoles aux Tonga. Ils ont réussi à distribuer des fournitures, notamment des bâches et de l’eau à 1 200 familles. « Nous n’enverrons pas d’équipes supplémentaires, sauf si nous avons une demande explicite », explique cependant Katie Greenwood, responsable de la Croix-Rouge pour la région Pacifique, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. 

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