Les Sénégalais sont appelés aux urnes dimanche pour élire leurs maires et les présidents de conseil départemental lors d’un scrutin qui a valeur de test pour le président Macky Sall et ses adversaires.
Ces élections sont les premières depuis la présidentielle de 2019 qui a reconduit Macky Sall à la tête de ce pays considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest et traité à ce titre avec égard par ses partenaires étrangers. Ce sont aussi les premières depuis les troubles qui ont secoué le pouvoir en mars 2021 et revigoré l’opposition.
Au terme d’une campagne émaillée de heurts fréquents mais relativement mineurs, la consultation permettra de jauger la popularité de la coalition qui gouverne depuis 2012, cinq mois avant les législatives et deux ans avant la fin du second mandat de M. Sall.
M. Sall, élu en 2012, réélu en 2019, dirigeant écouté par la communauté internationale sur la crise au Sahel ou la dette, maintient le flou sur ses intentions en 2024.
Une révision constitutionnelle approuvée en 2016 limite à deux le nombre des mandats présidentiels. Des voix sussurent que la révision constitutionnelle pourrait avoir remis les compteurs à zéro, comme elle est considérée l’avoir fait en Côte d’Ivoire au profit d’Alassane Ouattara en 2020. Le refus d’un troisième mandat a été l’un des slogans de la contestation de 2021.
Des propos attribués au directeur de cabinet politique de M. Sall en octobre faisaient des élections locales un point de passage décisif.
Ces élections ne « seront locales que de nom », avait dit Mahmoud Saleh selon la presse, déclarations abondamment reproduites. « Les résultats seront déterminants pour les élections législatives qui se tiendront cinq mois après. Nos résultats vont trancher le débat sur la candidature de Macky Sall à la présidentielle de 2024 ».
M. Sall avait assuré ensuite qu’il n’y avait « aucun lien » et avait parlé de « grosse maladresse », selon RFI.
Il a beaucoup occupé le terrain ces dernières semaines, lançant la mise en service du nouveau tramway de Dakar ou posant la première pierre d’un port en eau profonde au sud de la capitale. Plusieurs de ses ministres sont candidats dimanche.
M. Sall a été élu sur la promesse de mettre son pays, pauvre, sur la voie de l’émergence. Ses détracteurs l’accusent de servir les riches et l’étranger, dont le partenaire français, de pratiquer un exercice solitaire et autoritaire du pouvoir et de manipuler la justice.
– « Second souffle » –
Les émeutes de 2021 « ont fortement secoué » le régime et « redistribué les cartes », dit l’analyste Barka Ba.
Les élections seront « un bon baromètre avant les législatives pour voir si la mainmise du pouvoir sur les collectivités locales va s’éroder et entamer la toute puissance de la coalition au pouvoir, dont le moteur reste l’APR », l’Alliance pour la République, le parti du président, dit-il.
A Dakar, la plus grande circonscription du pays, la responsabilité de défendre la coalition présidentielle Bennoo Bokk Yaakaar revient au ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr. Il fait face à cinq autres candidats, dont la sortante Soham El Wardini et l’ancien maire Pape Diop.
Il affronte aussi Barthélémy Dias, de la coalition Yewwi Askan Wi, mise en place par l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall et par Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle de 2019, pressenti comme un des principaux concurrents en 2024 et figure centrale des manifestations de 2021.
L’opposition pourra aussi mesurer ses forces. Beaucoup de ses leaders sont engagés dans la bataille. Ousmane Sonko dirige la liste Yewwi Askan Wi (Libérer le peuple, en wolof), candidate à la mairie de Ziguinchor, la plus grande ville de Casamance (sud).
Ousmane Sonko avait enregistré à Ziguinchor son meilleur score à la présidentielle (57,25%), devançant largement Macky Sall (38,72%).
Le scrutin mettra à l’épreuve la solidité des différentes coalitions de l’opposition en vue des échéances ultérieures.
L’ascension d’Ousmane Sonko a donné « un second souffle » à l’opposition, dit l’analyste Barka Ba. Les alliances conclues « semblent être dictées plus par la realpolitik que les convergences idéologiques », dit-il. Elles s’expliquent d’abord par un mode de scrutin particulier, panachant proportionnel et majoritaire. Mais, dans les grandes villes surtout, « cela pourrait permettre de tenir face à la machine électorale de la mouvance présidentielle », anticipe-t-il.
Plus de 6,8 millions d’électeurs sont appelés à départager 3.200 listes dans plus de 500 mairies et 46 départements.
afp
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