Depuis plusieurs semaines, les États-Unis multiplient les menaces de sanctions pour faire reculer la Russie, qui a massé ses troupes à la frontière ukrainienne, laissant craindre une invasion. France 24 fait le point sur l’arsenal de mesures envisagées par Washington et ses conséquences, notamment en Europe.
Après des semaines de tensions entre Occidentaux et Russes autour de la crise ukrainienne, le Sénat américain est sur le point de finaliser une série de sanctions contre Moscou. Le texte, censé servir d’outil pour faire pression et éviter une invasion russe de l’Ukraine, comprend des mesures financières, des mesures de contrôle des exportations, ainsi que de nouvelles sanctions contre les élites russes, a expliqué, dimanche 30 janvier, la sous-secrétaire d’État aux affaires politiques américaines Victoria Nuland lors d’une interview sur CBS.
« Les sanctions graduées du passé sont révolues », affirmait le porte-parole du département d’État Ned Price, le 25 janvier, en référence aux mesures américaines imposées à la Russie lors de la crise de 2014. »Cette fois, nous commencerons au sommet de l’échelle de l’escalade et nous y resterons. » Comment les États-Unis comptent-ils concrétiser cette stratégie de pression maximum à l’égard de Moscou ? Explications.
Sanctions contre les élites russes : le président russe Vladimir Poutine pourrait-il bientôt faire l’objet de sanctions américaines ciblées ? C’est ce qu’a laissé entendre Joe Biden mardi dernier, estimant que la question devait être envisagée, sans donner plus de détails. Une petite phrase qui a fait bondir le Kremlin, dénonçant des mesures « destructives » pour les relations entre Moscou et les Occidentaux.
Washington applique déjà ce type de sanctions, comprenant habituellement le gel des avoirs et des restrictions de visas, à l’encontre de plusieurs oligarques et officiels russes, mais s’est jusqu’ici gardé de l’étendre au chef de l’État. Des membres de l’administration Biden ont par ailleurs confirmé qu’une liste avait été constituée pour étendre les sanctions américaines au sein de l’entourage proche du président russe, sans laisser entendre que celui-ci serait directement visé.
Sanctions financières : outre les sanctions ciblées, le Congrès américain planche sur une série de mesures financières visant à isoler l’économie russe. Les États-Unis pourraient imposer des sanctions contre les grandes banques du pays, interdire à Moscou les transactions en dollars ou bien encore lui bloquer l’accès au réseau interbancaire Swift.
Cet outil de paiement international est utilisé par la quasi-totalité des institutions financières du monde pour le transfert de sommes d’argent. Quelle que soit la formule, ce type de sanctions devrait affecter lourdement les échanges commerciaux russes et se répercuter sur le cours du rouble, dont la valeur vacille déjà face au dollar depuis le début de la crise.
Sanctions industrielles et énergétiques : Washington envisage également d’interdire l’export de produits, notamment de composants électroniques, utilisés dans des domaines-clés tels que l’aéronautique, l’intelligence artificielle ou la défense. Cette mesure concernerait les exportations américaines mais pourrait aussi inclure certains produits fabriqués à l’étranger qui relèvent de la réglementation américaine sur les exportations.
Enfin, Washington envisage de cibler les exportations d’hydrocarbures en imposant des sanctions sur Gazprom, premier producteur et exportateur de gaz au monde. Les États-Unis ont par ailleurs promis de bloquer la mise en service de Nord Stream 2 en cas d’invasion russe de l’Ukraine, le pipeline reliant la Russie à l’Allemagne et qui devrait permettre à Moscou de doubler ses exportations de gaz vers l’Europe.
Mesures préventives ou punitives ?
Dimanche, plusieurs sénateurs américains ont indiqué être très proches d’un accord sur des sanctions contre la Russie pour ses actions en Ukraine, estimant qu’il pourrait faire l’objet d’une annonce dans le courant de la semaine. Mais si les législateurs s’entendent sur la nécessité d’accentuer la pression sur la Russie, les débats continuent quant aux modalités d’application de telles mesures.
Alors que certains sénateurs comme le républicain Ted Cruz se sont prononcés pour l’application de mesures économiques préventives, notamment sur le pipeline Nord Stream 2, la Maison Blanche estime qu’il est plus efficace de faire planer la menace de sanctions punitives pour faire reculer Moscou. Le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, le démocrate Bob Menendez, a pour sa part prévenu que certaines pénalités pourraient être imposées dès la signature du texte pour des actions que la Russie a déjà entreprises en Ukraine, notamment des cyberattaques.
Éviter l’effet boomerang sur l’Europe
Alors que Londres a suggéré dimanche de sanctionner la Russie par le biais des « entreprises présentant un intérêt pour le Kremlin », plusieurs pays européens s’inquiètent de devenir les victimes collatérales des mesures drastiques contre Moscou. Bien que la France soutienne l’idée de maintenir la pression sur la Russie, l’Élysée a adopté une position prudente, affirmant que « les sanctions ne sont pas l’alpha et l’oméga de la réponse » et qu’elles ne « doivent pas entraîner des répliques qui auraient un coût pour nous en boomerang ».
Car en plus d’affecter durement la vie quotidienne des Russes, ces mesures représentent un coût économique certain pour l’Union européenne. Alors que les échanges commerciaux entre la Russie et les États-Unis demeurent relativement faibles, 40 % des exportations russes se font vers les pays de l’UE, son premier client international.
« Les principales victimes des sanctions prises contre la Russie sont les pays européens » souligne Thierry de Montbrial, président de l’Institut français des relations internationales (Ifri) sur Franceinfo, estimant que ce type de mesures a pour conséquence de détourner la Russie vers d’autres partenaires commerciaux. « Les Américains attendent le moment propice pour convertir l’alliance atlantique en une alliance anti-Chine, Russie et Iran (…) nous deviendrons alors être encore plus dépendants des décisions des États-Unis », analyse-t-il.
Consciente du lourd impact sur l’Europe des sanctions contre la Russie, la Maison Blanche tente de son côté de rassurer ses alliés. Dimanche, la sous-secrétaire d’État Victoria Nuland a affirmé travailler » en étroite collaboration avec le Sénat » mais également avec les « alliés et partenaires de l’Otan » pour que les mesures de sanctions « soient très bien alignées ».
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