Pour contracter un emprunt en France, les personnes qui ont vaincu le cancer doivent souvent payer d’importantes surprimes. Pour mettre fin à cette inégalité, le gouvernement veut réduire le délai après lequel une personne n’est plus tenue de déclarer une ancienne maladie à son banquier.
C’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron et une mesure très attendue par les associations de lutte contre le cancer : réduire de dix à cinq ans le délai du « droit à l’oubli » pour les prêts bancaires accordés aux anciens malades. L’évolution de la législation semble en bonne voie puisque députés et sénateurs sont parvenus, jeudi 3 février, à un compromis avec un texte validé en commission mixte paritaire. Ce texte doit encore être voté une dernière fois par les deux chambres, l’Assemblée nationale jeudi prochain et le Sénat le 17 février.
En plus de réduire le délai du droit à l’oubli, les parlementaires ont proposé de supprimer le questionnaire médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros et dont le terme intervient avant le 65e anniversaire de l’emprunteur.
Une excellente nouvelle pour les associations qui, hasard du calendrier, tombe la veille de la Journée mondiale de lutte contre le cancer. « C’est un vote historique. Cela permet aux personnes guéries d’accéder à l’emprunt dans des conditions normales », estime Isabelle Huet, directrice générale de l’association RoseUp, en pointe dans ce combat.
« C’est un grand pas vers l’inclusion des personnes ayant eu un cancer », confirme Catherine Simonin de la Ligue contre le cancer. « Avec le droit à l’oubli, on entre dans le droit commun et on n’est plus pénalisé par la maladie que l’on a subie ».
Le droit à l’oubli a été créé en 2017 en France. Parallèlement, la convention AERAS, (« s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé »), signée entre les professionnels de la banque, les associations et les pouvoirs publics, a permis de faciliter l’accès à l’emprunt aux anciens malades.
Malgré ces avancées, demander de l’argent pour un prêt immobilier ou un crédit à la consommation après un cancer relève du parcours du combattant. Si le prêt n’est pas refusé, les délais sont interminables et les tarifs imposés pour l’assurance emprunteur, calculés en fonction d’une grille de références qui répertorie les différents types de cancer, se révèlent prohibitifs.
La double peine pour les malades
Concrètement, si une personne ayant été touchée par un cancer ne fait pas de rechute cinq ans après son dernier traitement, elle n’aura plus à le notifier à sa banque. Et ainsi, éviter de payer des primes d’assurances supplémentaires en raison des risques.
« En moyenne, les surprimes atteignent 300 % », explique Isabelle Huet. « En plus, il arrive que ces assurances emprunteurs comportent des exclusions, c’est-à-dire que vous payez mais sans être couverts pour certains risques. Finalement, certaines personnes préfèrent renoncer à leurs projets ou sont conduits à mentir ».
Or, dissimuler des informations sur son passé médical lors de la souscription d’un emprunt comporte des risques. En cas de problème, l’assureur peut se dégager de toute responsabilité.
« C’est la double peine surtout pour les malades les plus jeunes qui se rendent compte qu’ils ne peuvent pas acheter leur résidence principale ou investir dans des locaux professionnels », rappelle Catherine Simonin.
« Casier judiciaire »
À ces difficultés d’accès à l’emprunt s’ajoute le traumatisme d’être sans cesse ramené à sa condition d’ancien malade.
« Un médecin vous dit que vous êtes guéri, mais quand vous voulez souscrire un emprunt, on vous dit que vous êtes encore à risque maximal comme si vous étiez toujours malade. C’est extrêmement violent », dénonce Isabelle Huet. « Le problème, c’est qu’il y a un décalage entre les progrès de la médecine et les calculs de risque par le secteur de l’assurance », ajoute la militante.
Avec ce droit à l’oubli renforcé, les personnes ayant été atteintes d’un cancer vont donc pouvoir envisager plus rapidement la reprise d’une vie normale. En France, on estime que près de quatre millions de personnes sont atteintes ou ont été touchées par un cancer.
« C’est un progrès essentiel pour retrouver une vie sociale normale », assure Catherine Simonin. « C’est cinq ans de gagné pour les anciens malades », résume Isabelle Huet. Ils pourront enfin se débarrasser de cette espèce de ‘casier judiciaire’ qui leur colle à la peau ».
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