Salah Abdeslam affirme avoir renoncé à “enclencher” sa ceinture explosive

Salah Abdeslam, le seul membre encore en vie des commandos du 13-Novembre, a affirmé mercredi au procès de ces attaques avoir renoncé à enclencher sa ceinture d’explosifs le soir des attentats qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis.

“Les personnes qui n’ont tué personne, on ne peut pas les condamner comme si on avait les têtes de l’État islamique, ce n’est pas possible”, a-t-il déclaré, “en réalité, on se dit ‘j’aurais dû l’enclencher ce truc’ (..), on se dit ‘est-ce que j’ai bien fait de faire marche arrière ou j’aurais dû aller jusqu’au bout’?”

“Je n’ai tué personne”
“Je n’ai tué personne et je n’ai blessé personne”, a affirmé Salah Abdeslam. En outre, le seul survivant du commando terroriste du 13-Novembre a qualifié les attentats commis en Europe au nom du groupe terroriste État islamique “d’opérations militaires”.

“Même une égratignure, je ne l’ai pas faite”, a ajouté le Français de 32 ans, dans une déclaration spontanée à la cour d’assises spéciale de Paris, avant que celle-ci n’entame son interrogatoire.

“Depuis le début de cette affaire, on a cessé de me calomnier”, a également déploré le seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015, qui a de nouveau revendiqué son adhésion au groupe Etat islamique (EI).

Dès le début de son interrogatoire, Salah Abdeslam s’est dit “pour (le groupe) Etat islamique”: “je vois comment Bachar El-Assad, traite son peuple, tue des enfants, des innocents. Moi, l’État islamique, je les soutiens, je les aime”, a-t-il déclaré, chemise blanche, les mains croisées devant lui.

“Opérations militaires”
Salah Abdeslam a qualifié les attentats commis en Europe au nom du groupe terroriste État islamique “d’opérations militaires”, rapportent des médias français. Interrogé par le président de la Cour, Jean-Marie Périès, sur ses motivations à s’impliquer dans les activités du groupe terroriste, l’accusé a expliqué avoir été choqué par des vidéos de frappes aériennes menées en Syrie par la Coalition internationale.

“Quand l’EI décide de faire des attentats, des opérations militaires sur le sol européen, ce n’est pas dans le but de voir des drapeaux noirs se lever sur l’Occident”, a-t-il poursuivi. “Il y a deux types d’opération militaires : le djihad offensif pour conquérir des terres et le djihad défensif pour défendre le territoire de l’État islamique. C’était pour se défendre de la coalition qui bombardait l’EI.”

Le terroriste a été repris par le président de la Cour sur la terminologie employée pour décrire les attentats. “C’est une opération militaire de s’en prendre à une salle de concert ou à des restaurants?”, s’est interrogé Jean-Marie Périès. “Ils ont travaillé avec les moyens du bord. (…) S’ils ont touché des civils, c’était pour marquer les esprits”, s’est défendu l’accusé.

“Les peines dans les affaires de terrorisme sont extrêmement sévères”
Dans les affaires de terrorisme, “les peines prononcées sont extrêmement sévères”, a estimé Salah Abdeslam. “Je comprends que la justice veuille faire des exemples”, mais elle envoie ainsi un “message”, a-t-il poursuivi.

“À l’avenir, quand un individu montera dans un métro ou un bus avec une valise remplie de 50 kg d’explosifs et qu’au dernier moment, il va se dire ‘je vais faire marche arrière’, il saura qu’il n’a pas le droit, sinon on va l’enfermer ou le tuer”, a encore déclaré le principal accusé.

Un interrogatoire sur deux jours
Son interrogatoire, dans une salle d’audience bondée, est prévu pour durer deux jours. Il ne sera questionné que sur la période antérieure à septembre 2015.

La mère, la soeur et l’ex-petite amie de Salah Abdeslam qui devaient témoigner mercredi “ne viendront pas”, a indiqué le président de la cour d’assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès.

Basculement dans la radicalité
Pour ce premier interrogatoire, la cour va s’intéresser au basculement dans la radicalité du Français de 32 ans, lui qui avait une réputation de “fêtard”, adepte des casinos et des boîtes de nuit.

Salah Abdeslam doit aussi être interrogé sur le séjour en Syrie de son frère Brahim – futur tueur des terrasses parisiennes – début 2015, et sur son ami Abdelhamid Abaaoud, qui deviendra le coordinateur des attentats parisiens. Un “chouette gars” avec qui il avait perdu contact, avait-il assuré aux policiers belges en février 2015.

La cour doit enfin tenter de faire la lumière sur un mystérieux voyage qu’il a lui-même fait en Grèce l’été suivant, avec l’un de ses coaccusés.

À ces premières séries de questions, Salah Abdeslam apportera-t-il des éléments de réponse?

Depuis mi-janvier et le début des interrogatoires des 14 accusés présents devant la cour, deux d’entre eux ont exercé leur droit au silence.

Le Suédois Osama Krayem d’abord, pour qui “ce procès est une illusion” et qui refuse d’assister aux audiences, puis le Belgo-marocain Mohamed Bakkali. “Ma parole est toujours suspecte, elle n’a pas de valeur”, a-t-il expliqué, résigné, à la cour.

“Soldat”
Salah Abdeslam avait gardé le silence pendant l’enquête, de manière quasi constante. Il avait parlé une fois pour dédouaner un coaccusé, une autre pour se lancer dans une tirade religieuse.

Mais depuis le début du procès, il a largement fait connaître sa position : le premier jour, en se présentant comme un “soldat” de l’Etat islamique, puis plus tard, en déclarant que “le 13-Novembre était inévitable”, à cause des interventions françaises en Syrie. Avant d’en appeler au “dialogue” pour éviter d’autres attaques, sous le regard atterré des parties civiles.

Pas de maladie mentale
Début novembre, pendant son interrogatoire dit “de personnalité”, il avait accepté de répondre à la plupart de questions, et décrit sa vie “simple” d’avant, sans pour autant s’épancher.

Une expertise psychiatrique réalisée peu après – et sur laquelle la cour reviendra ultérieurement – a estimé qu’il convenait “d’éliminer formellement toute maladie mentale” chez Salah Abdeslam.

S’il “n’a exprimé aucun regret” et récite “comme un perroquet” les mêmes arguments que tous les “sujets radicalisés”, sa “personnalité antérieure ne semble pas avoir été totalement enfouie”, ont jugé les experts.

Absence du box pendant plusieurs semaines
Parfois virulent au début, Salah Abdeslam a ensuite “joué le jeu” du procès, s’accordent à dire les parties civiles. Avec pour exception une absence du box pendant plusieurs semaines – avec certains de ses coaccusés – pour protester contre l’absence physique à la barre des enquêteurs belges.

À l’audience, autant son “pote” Mohamed Abrini (“l’homme au chapeau des attentats de Bruxelles”) est expressif dans le box, autant Salah Abdeslam ne laisse rien transparaître quand on parle de lui.

Tout juste avait-il baissé la tête quand la femme d’un de ses coaccusés avait fondu en larmes pendant son audition. “Cette personne-là (Salah Abdeslam), elle m’a aussi volé une partie de ma vie”, avait craqué la femme de Mohammed Amri, l’ami qui a pris sa voiture la nuit des attentats pour ramener le “dernier homme” du commando à Bruxelles.

afp

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