Énergies renouvelables : la France veut combler son retard sur l’éolien en mer

Lors de son discours sur l’avenir énergétique de la France prononcé jeudi à Belfort, Emmanuel Macron a annoncé vouloir miser sur l’éolien en mer, un domaine dans lequel le pays veut rattraper le retard accumulé depuis une décennie.

C’est un paradoxe français. Malgré ses 3 500 km de côtes balayées par des vents réguliers, la France est à la traîne dans le domaine de l’éolien offshore. Actuellement, le pays ne compte qu’une seule éolienne en service, un prototype au large du Croisic (Loire-Atlantique) dont l’énergie produite équivaut à la consommation annuelle électrique de 5 000 habitants.

Par rapport à ses voisins, le retard français est considérable puisque 5 700 éoliennes offshore ont été construites en Europe sur les dix dernières années. Champion mondial, le Royaume-Uni dispose de plus de 2 300 turbines, suivi par l’Allemagne avec 1 500 éoliennes construites en mer du Nord.

Recours de riverains inquiets pour le paysage, actions en justice menées par des associations environnementales, critiques des pêcheurs, les éoliennes sont loin de faire l’unanimité en France.

Dernier exemple en date, une plainte déposée, mardi 8 février, par deux associations de défense de l’environnement auprès de la Commission européenne contre un projet en baie de Saint-Brieuc, en Bretagne. Lancée en 2011 par le gouvernement, la construction de ce parc éolien fait l’objet de nombreuses critiques de la part des écologistes qui lui reprochent notamment sa proximité avec un site Natura 2000 qui héberge une faune animale et végétale exceptionnelle.

Mais selon l’économiste des énergies marines, Sylvain Roche, joint par France 24, l’explication de ce retard tient surtout à la place du nucléaire en France. « Lors du premier appel d’offre de l’éolien en mer en 2003-2004, la France lançait le projet EPR de Flamanville. Finalement, ces deux industries vont être mises en concurrence et la France va rater l’apprentissage de l’éolien en mer », explique le chercheur associé à Sciences Po Bordeaux.

Changement de méthode
Malgré ce retard abyssal et les réticences de la population, Emmanuel Macron a voulu fixer un nouveau cap, jeudi 10 février, pour l’éolien en mer à 40 GW produits en 2040. À titre de comparaison, le Royaume-Uni possède déjà 10 GW de capacité de production d’éolien offshore.

Pour gagner son pari, la France devra construire une cinquantaine de parcs. « Nous réussirons en associant largement tous les acteurs de la mer, en particulier les pêcheurs », a promis le chef de l’État, en estimant que « la lutte pour le climat ne devait jamais se faire au détriment de la préservation de la biodiversité et notamment des écosystèmes marins et de la ressource halieutique ».

Pour accélérer la cadence, Emmanuel Macron veut supprimer certaines « barrières réglementaires » mais également consacrer un changement de méthode avec une planification à long terme des projets. Réclamée de longue date par la filière, cette planification doit permettre de déterminer précisément l’emplacement des futurs parcs et de mener en amont des concertations pour éviter les blocages.

« On constate que dans tous les pays européens qui ont développé l’éolien offshore, les entreprises ont été choisies après que l’ensemble des recours aient été purgés. En France, on a d’abord désigné des lauréats et ensuite il a fallu faire des études complémentaires, des concertations, purger les recours. Cela a pris beaucoup plus de temps « , explique Michel Gioria, le délégué général de France énergie éolienne (FEE), joint par France 24.

« C’est un objectif très ambitieux », estime Sylvain Roche, selon qui la France pourrait opter pour la construction d’éoliennes flottantes à proximité de parcs d’éoliennes posées, en cours de construction. « Ce serait une manière de mutualiser et de faire des économies en termes de câblage entre les parcs et les littoraux. Les évolutions technologiques permettront également de mettre en service des éoliennes plus puissantes », précise le chercheur.

L’éolien offshore, qui peine depuis 10 ans à sortir la tête de l’eau, serait donc en passe de rattraper une partie de son retard. « Il n’y aucune raison juridique, technique ou industriel que la France n’y arrive pas », espère Michel Gioria.

« Effet domino »
D’autant plus que plusieurs parcs, dont la construction a été lancée il y a plusieurs années, vont bientôt voir le jour, comme celui de Saint-Nazaire qui devrait commencer à alimenter le réseau électrique d’ici la fin de l’année.

« La construction (de ce parc) peut enclencher un effet domino. L’éolien est un symbole de la transition énergétique qui est aussi une transition paysagère », analyse Sylvain Roche. « Tous les gens disent que ces champs d’éoliennes sont moches mais peu de gens sont allés les voir au large des côtes écossaises ou d’Hambourg. Ce sera l’occasion pour la population française de voir à quoi cela ressemble et aussi aux autorités d’avoir enfin un retour d’expérience sur un parc français en Atlantique ».

En revanche, le président de la République a révisé à la baisse les ambitions de l’éolien terrestre, en prévoyant un doublement des capacités sur 30 ans plutôt qu’en 10 ans. « Personne ne souhaite voir des paysages remarquables ou des sites classés abîmés par des grandes pales blanches », a-t-il justifié.

Un gros bémol pour l’avenir énergétique de la France, estime Michel Gioria. « Les rapports de RTE [le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France] montrent qu’à court terme, pour satisfaire les besoins en électricité, la sécurité énergétique et le pouvoir d’achat des Français, l’éolien terrestre est la solution la plus efficace », explique le délégué général de FEE.

La filière des énergies renouvelables assure qu’elle remettra sur la table la question de l’éolien terrestre lors de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en 2023.

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