Génocide au Rwanda – La justice française clôt sans condamnation deux dossiers sensibles

FRA : Tribunal de Grande Instance de Paris : Cour de Cassation. Juillet 2017, Paris, France.

La justice française veut solder les dossiers qui ont empoisonné les relations franco-rwandaises : elle a validé mardi définitivement le non-lieu dans l’enquête sur l’attentat qui a déclenché le génocide au Rwanda et annoncé la clôture des investigations visant Agathe Habyarimana.

Dans un arrêt consulté par l’AFP, la Cour de cassation a rejeté les pourvois déposés par les familles de victimes de l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, mettant un point final à ce dossier ultra-sensible.

Le même jour, la juge d’instruction chargée de l’enquête pour « complicité de génocide et de crimes contre l’humanité » visant sa veuve, Agathe Kanziga, a annoncé aux parties la clôture des investigations, prélude à un possible non-lieu, aucune mise en examen n’ayant été prononcée pendant l’instruction.

Le 6 avril 1994, l’avion transportant le président rwandais de l’époque Juvénal Habyarimana, un Hutu, et le président burundais Cyprien Ntaryamira avait été abattu en phase d’atterrissage vers Kigali par au moins un missile.

L’attentat est considéré comme le point de départ du génocide qui a fait plus de 800 000 morts selon l’ONU, principalement dans la minorité tutsie.

En 1998, la justice française, saisie par des familles de l’équipage, de nationalité française, ouvre une enquête pour identifier l’auteur du tir fatal sur le Falcon 50 présidentiel. Agathe Habyarimana s’est constituée partie civile.

Longtemps, les enquêteurs français ont privilégié la responsabilité des rebelles tutsis de Paul Kagame. Puis ils se sont orientés — sans davantage aboutir — vers l’implication d’extrémistes hutus, soucieux de se débarrasser d’un président trop modéré à leurs yeux.

Le 21 décembre 2018, les juges d’instruction avaient finalement décidé d’abandonner les poursuites contre neuf membres ou ex-membres de l’entourage de Paul Kagame, qui avaient suscité de fortes tensions dans les relations entre Paris et Kigali.

« En l’absence d’éléments matériels indiscutables », l’accusation reposait sur des témoignages « largement contradictoires ou non vérifiables », avaient-ils estimé.

Les magistrats avaient souligné par ailleurs le « climat délétère » de l’enquête, émaillée d’assassinats, de disparitions de témoins et de manipulations, et signé un non-lieu.

« Victoire judiciaire »

Dans son arrêt rendu mardi, la Cour de cassation a estimé que la cour d’appel de Paris, qui avait confirmé la décision des juges en juillet 2020, avait « exposé, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, que l’information était complète et qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les crimes reprochés ni toute autre infraction ».

Les avocats de la défense, Me Léon-Lef Forster et Me Bernard Maingain, ont salué dans un communiqué une « victoire judiciaire définitive des militaires rwandais injustement accusés par M. (Jean-Louis) Bruguière ».

Le juge d’instruction parisien avait signé des mandats d’arrêt à leur encontre et recommandé en 2006 des poursuites contre Paul Kagame devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

« Cette décision déçoit évidemment les parties civiles rwandaises, mais en réalité le mal est fait depuis longtemps », a réagi pour sa part Me Philippe Meilhac, l’avocat d’Agathe Habyarimana.

« Elles ne sont toutefois pas résignées, car elles savent très bien que ce dossier a été sacrifié pour des raisons purement diplomatiques », a souligné Me Meilhac. « La procédure pourra probablement reprendre quand la situation politico-diplomatique évoluera ».

L’avocat s’est en revanche réjoui de la clôture des investigations annoncée par une juge d’instruction dans un autre dossier visant sa cliente, accusée depuis 2008 de complicité de génocide et de crimes contre l’humanité.

Mme Habyarimana est présentée par ses accusateurs comme l’une des dirigeantes du premier cercle du pouvoir hutu qui aurait orchestré le génocide. Elle réfute ces allégations.

Les parties ont désormais trois mois pour faire des observations et des demandes d’actes avant les réquisitions du parquet, puis la décision finale des magistrats instructeurs.

Mme Habyarimana ayant été placée en 2016 sous le statut intermédiaire de témoin assisté, les juges devraient logiquement ordonner un non-lieu à son égard.

Aujourd’hui âgée de 79 ans, elle est installée en France depuis 1998 où elle vit sans statut légal, la France ayant refusé de lui accorder l’asile comme de l’extrader vers le Rwanda.

AFP

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