C’est l’heure du bilan pour ce sixième sommet Union européenne-Union africaine. Une rencontre inhabituelle par sa forme et exceptionnelle par son ambition : l’UE a promis de débloquer le montant colossal de 150 milliards d’euros pour le développement des infrastructures sur le continent. Européens et Africains affichent leur satisfaction, mais le défi est désormais de faire en sorte que les déclarations ne restent pas lettre morte.
« Il constitue une occasion historique de poser, par les actes, un partenariat repensé », estime le président de l’UA Macky Sall à l’issue de la rencontre. Un sommet ambitieux et enthousiasmant qui pourrait changer la donne, c’était un peu la tonalité des conclusions des dirigeants ce vendredi après-midi à Bruxelles. Enthousiasmant par l’adhésion qu’il a suscitée, quelque 80 participants, par la qualité de sa préparation, comme l’ont souligné les dirigeants, et par ses résultats.
Concernant les annonces : il y a d’abord ce paquet d’investissements d’au moins 150 milliards d’euros d’ici 2030. Celui-ci encouragera les investissements durables à grande échelle, dit la déclaration conjointe, en tenant dûment compte des priorités et des besoins des pays africains. On comprend ainsi qu’une grande partie de cet argent devrait ainsi être consacrée à de grands projets touchants les secteurs de l’énergie, des transports et des infrastructures numériques. Ces investissements seront complétés, ajoute le communiqué, par des paquets spécifiques visant à soutenir les systèmes de santé et d’éducation. Sans qu’on ait là plus de détails sur leurs montants.
Ces 150 milliards, c’est l’annonce concrète de ce sommet. La déclaration conjointe contient une litanie d’engagements, mais ceux-ci sont souvent très évasifs. Les promesses d’œuvrer ensemble, de renforcer ou d’approfondir tel ou tel point, sont répétées à de multiples reprises, mais sans plus de détail. Il y a également ces promesses qui sont formulées comme la réallocation accrue en faveur de l’Afrique des droits de tirage spéciaux du FMI. Mais il n’y a pas là d’engagement ferme. On notera d’ailleurs que les Européens n’ont pour l’heure réalloué que 13 milliards de dollars au continent, très loin des 100 milliards réclamés par l’Union africaine.
Avancée sur les vaccins
Sur les vaccins aussi, l’Europe a fait des avancées. La première, c’est de fournir d’ici à l’été au moins 450 millions de doses de vaccins. L’UE annonce en parallèle son intention de mobiliser 425 millions d’euros pour accélérer les campagnes de vaccination, en soutenant à la fois la distribution de doses et la formation des équipes médicales. À côté de cela, les Européens se sont également engagés à aider le continent à produire sur leur sol des vaccins à ARN messager, une demande forte des Africains. Dans ce cadre, six pays africains ont ainsi été choisis pour développer ces programmes de production. Mais le problème, c’est qu’il n’y a toujours pas de levée des brevets des vaccins. Les dirigeants européens y sont opposés.
Les déclarations ne suffisent pas. Le suivi des décisions du sommet a donc été renforcé. Avec une nouveauté, la société civile aura un droit de regard sur les projets concrets qui ont été actés, à travers la fondation Afrique-Europe qui pourra interpeller les dirigeants sur ce qui n’avance pas, ou pas comme prévu. Autre exemple de la volonté de résultats concrets : l’épineuse question de la levée des brevets sur les vaccins n’a pas été tranchée, mais les deux commissions ont pris date, un compromis doit être prêt au printemps.
Le Mali, l’absent omniprésent
L’annonce d’un retrait militaire des partenaires français et européens, quelques heures avant le début des discussions, a bien évidemment percuté l’agenda. Aucun représentant malien n’était présent à Bruxelles puisque le pays est suspendu de l’Union africaine. Ce qui n’a pas empêché la diplomatie d’agir en coulisses.
Le ministre des Affaires étrangères du Nigeria confiait que la situation dans le pays avait été largement abordée lors des tables rondes. Certains pays comme la Libye et le Tchad ont fait part de leur préoccupation, explique une source régionale. Le président sénégalais, actuel président en exercice de l’UA, Macky Sall a déclaré avoir demandé à l’Algérie de travailler au rapprochement des positions entre la junte et la Cédéao. Alors qu’une autre source sahélienne évoque une situation compliquée dans la zone des trois frontières, où la présence militaire malienne serait en diminution. Ce qui provoque un peu plus l’irritation des pays voisins.
Et forcément, impossible de ne pas évoquer le Mali en conférence de presse finale qui eu lieu quasiment en même temps que la déclaration de la junte demandant une accélération du retrait militaire. « Je ne transigerai pas avec la sécurité », a aussitôt répondu le président français. Une sécurité aussi au cœur des préoccupations de Macky Sall, qui s’est même interrogé sur l’avenir de la mission des Nations unies, les casques bleus de la Minusma.
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