Le Salon international de l’agriculture française a ouvert ses portes ce week-end à Paris. Après deux ans de suspension pour cause de Covid, cela devait être une fête. Mais la guerre en Ukraine plombe l’atmosphère, elle rappelle à quelle point cette activité aujourd’hui fragilisée par les concurrents de la mer noire est redevenue stratégique.
Sur le plan agricole, on associe volontiers Russie et Ukraine dans un même ensemble, celui des exportateurs émanant de la mer Noire, car c’est via les ports de la seconde que ces deux producteurs historiques de céréales expédient leur marchandise dans le monde. On les associe aussi pour leur avantage commun : les terres noires, un sol tellement riche en humus que les engrais en deviennent superflus. Leur potentiel a longtemps été soumis aux aléas de la météo et du gel et bridé par des modes de production hérité du système soviétique ; Mais depuis quelques années ces deux pays mettent les bouchées doubles pour doper leur récolte. L’agriculture représente 15% du PIB de l’Ukraine, 40% de ses exportations. Un secteur donc crucial, vital pour l’économie du pays. La Russie de son côté est devenue en 2016 le premier exportateur mondial de blé.
Ces deux pays sont des concurrents directs de la France ?
De la France, le premier exportateur européen, et des Européens en général. A eux deux, Russie et Ukraine produisent à peu près autant de blé que l’Europe entière mais ils en exportent deux fois plus dans le monde. Ils sont devenus des rivaux inquiétants dans les pays du pourtour méditerranéen comme l’Egypte ou l’Algérie, des clients traditionnels du blé français. Globalement la production française stagne alors que celle de ces deux pays s’envolent. Le réservoir de terres cultivables de l’Ukraine attire les investisseurs étrangers, ce pays est aujourd’hui le grenier de l’Europe, tandis que la Russie a considérablement revu ses méthodes pour doper sa production
Les sanctions prises en 2014 ont accéléré l’essor de l’agriculture russe ?
Elles ont effectivement précipité les choses, Moscou a voulu diversifier son approvisionnement pour échapper aux embargos. Par ailleurs la chute du rouble consécutive à la crise ukrainienne a bénéficié à ses exportations en les rendant plus compétitives par rapport aux blés de la zone euro. Mais l’agriculture est une priorité de longue date de Vladimir Poutine. Le concept de souveraineté alimentaire développé ce week-end par le président Macron est une obsession déjà ancienne du Kremlin. C’est à partir des années 2000 que la Russie relance son agriculture en s’inspirant du modèle européen. La Russie est devenue auto suffisante pour ses besoins en volaille et en porc, tandis que la France importe 25% de sa consommation et voit sa production stagner.
La France est-elle encore une grande puissance agricole ?
C’est toujours le premier pays producteur de l’Union Européenne, et ce sont encore ses exportations de vin et de céréales qui atténuent le déficit de sa balance commerciale. Mais l’excédent agricole s’effrite d’année en année. Par manque de compétitivité par rapports aux principaux acteurs du marché mondial, les Américains du nord et du sud, les Russes et les Ukrainiens mais aussi par rapport aux partenaires européens. Cet affaiblissement français intervient au moment où l’agriculture redevient un secteur stratégique. Depuis vingt ans la demande a explosé avec la hausse de la population mondiale et les nouveaux besoins des classes moyennes des pays émergents, dont bien sûr la Chine. L’agriculture redevient donc une arme géopolitique qu’il faut maîtriser pour rester souverain, comme l’est aujourd’hui l’énergie entre la Russie et les Européens.
La devise russe est fragilisée par les nouvelles sanctions occidentales cherchant à étrangler le financement de l’économie russe. Selon la Banque centrale européenne les filiales européennes de la première banque privée de Russie, la Sberbank, sont déjà en situation de faillite à cause des retraits massifs de cash des derniers jours.
Autre conséquence de la guerre en Ukraine : le renversement de la politique énergétique de l’Allemagne
Berlin veut maintenant allonger la durée de vie des centrales à charbon qui devaient fermer en 2030 et même des centrales nucléaires dont la fermeture définitive était prévue pour cette année. Pour s’affranchir du gaz russe, l’Allemagne annonce aussi la construction de deux terminaux de gaz naturel liquéfié. Au chapitre de l’énergie à noter le nouveau bond du pétrole : +6% ce matin pour le baril de brut américain.
rfi