Dans le sud-ouest de l’Ukraine, le port d’Odessa est une cible de choix pour la Russie en raison de son histoire et de sa position stratégique sur la Mer noire. Militaires comme simples volontaires se préparent pour défendre la ville face à l’imminence de l’assaut russe, et sont même rejoints dans cette « union sacrée » par plusieurs figures locales liées à la pègre. Reportage.
Une chaîne humaine s’est formée sur cette plage d’Odessa balayée par un vent glacial. Une trentaine d’hommes s’activent pour pelleter le sable fin dans des sacs de toile blancs, puis pour faire passer ces sacs de bras en bras jusqu’à la remorque d’un camion garé au Yacht Club d’Odessa. Les bateaux de plaisance en cale sèche évoquent les jours heureux des sorties ensoleillées sur la mer Noire. Mais en ce jeudi 10 mars, c’est la guerre qui occupe tous les esprits. Ces milliers de sacs de sable iront barricader le centre-ville d’Odessa, qui se prépare dans le calme à un assaut russe.
Sur la plage, Roman Brig reprend son souffle entre deux pelletées, tout en scrutant l’horizon marin. Les navires de guerre russes sont trop loin pour être visibles, mais leur arrivée n’est qu’une question de temps, selon lui.
« C’est juste du bon sens. Leurs bateaux ne s’approcheront que quand les forces terrestres russes auront pris Mykolaïv (cité verrou à 130 km à l’est) et qu’elles seront aux portes de la ville. Je pense que des combattants sont déjà infiltrés dans Odessa, et qu’ils se montreront eux aussi à ce moment là », affirme à France 24 l’ingénieur en informatique. « On doit donc être prêts à se battre sur trois fronts en même temps. »
Le volontaire de 45 ans a déjà mis sa famille en sécurité en Roumanie. Il n’a pas d’expérience militaire mais veut se rendre utile de quelque manière que ce soit pour défendre sa ville. « Si les Russes pensent qu’on va les accueillir avec des roses, ils vont avoir une sacrée surprise. On a vu la résistance héroïque de villes comme Kharkiv, c’est une véritable source d’inspiration pour nous. » Odessa, fondée à la fin du XVIIIe siècle par l’impératrice russe Catherine II, toujours très largement russophone, ne souhaite manifestement pas retourner dans le giron de Moscou.
Camp retranché
Depuis le Yacht Club, les grues du port d’Odessa sont visibles à quelques kilomètres plus au nord. Impossible de s’approcher de cette infrastructure stratégique, à l’arrêt depuis le début du conflit. La zone de l’hypercentre d’Odessa, adjacente au port, a été barricadée et interdite à la circulation. Une bonne partie des sacs de sable ont été utilisés dans cette zone. Des images circulant sur les réseaux sociaux ont ainsi montré la statue du duc de Richelieu, un noble français devenu gouverneur d’Odessa après avoir été chassé par la révolution de 1789, recouverte par des dizaines de sacs de toile.
france24
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