Zimbabwe: le business des passeurs de farine contre la hausse des prix

L’arrivée du camion est accueillie avec soulagement dans ce quartier déshérité d’Harare. Les enfants accourent pour décharger farine, huile, lessive: tout vient d’Afrique du Sud, par des livreurs qui profitent d’un juteux business informel encore nourri par la récente hausse des prix.

Au Zimbabwe, l’indispensable manque et tout est cher: nourriture, carburant, électricité. L’économie est plongée dans une crise profonde depuis plus de vingt ans, les bailleurs internationaux se sont retirés en raison d’une dette insoutenable. L’inflation est galopante et avec l’invasion russe en Ukraine, les prix des produits de base ont encore grimpé.

L’essence a augmenté deux fois en l’espace d’une semaine. Le cours des céréales s’est envolé, la Russie étant le principal fournisseur de blé du Zimbabwe. Résultat, une inflation à 66% en février.

« Nous devons nous préparer à une vague d’augmentation des prix », a déclaré à l’AFP le président de la Confédération des détaillants (CZR), Denford Mutashu, présageant que les Zimbabwéens feront encore davantage leurs courses chez le grand voisin sud-africain pour y échapper.

Dans les échoppes, la bouteille de deux litres d’huile coûte 4,50 dollars, un dollar de moins si elle est livrée depuis l’Afrique du Sud.

Les « malayitsha », transporteurs en langue ndebele, passent la frontière le plus souvent de nuit entre les deux pays d’Afrique australe. Beitbridge est un des poste-frontières les plus fréquentés du continent, et aussi un des plus poreux, le trafic de produits de contrebande y est monnaie courante.

Rations
Mais ces livreurs informels, souvent en cheville avec les gardes-frontières, ne font pas dans le trafic d’alcool ou de cigarettes. Ils passent du « mealie meal », la farine de maïs qui est le plat de base, et amènent les courses sur le pas de la porte des clients au Zimbabwe.

Le système fonctionne via le bouche-à-oreille et les messageries mobiles. Les marchandises parcourent jusqu’à 600 km. La route est mauvaise mais chaque traversée peut rapporter beaucoup.

Mason Mapuranga, Zimbabwéen de 44 ans, fait ce boulot depuis deux ans. Il dit gagner plus de 600 euros par voyage (10.000 rands).

« Les clients entrent en contact via WhatsApp, choisissent les produits, paient sur un compte sud-africain et ensuite je livre. C’est simple », explique-t-il à l’AFP. Et cela lui permet aussi d’éviter les incertitudes des fluctuations de la monnaie locale.

« A chaque livraison, nous sommes accueillis par des sourires: cela montre le niveau de gratitude, car ces gens, s’ils ne recevaient pas cette nourriture, auraient faim », assure cet ancien chauffeur routier. Lui-même a perdu son emploi pendant la pandémie.

Clever Murape, 35 ans, vivote de la vente de ferraille et surtout de l’aide envoyée par sa sœur, employée comme bonne en Afrique du Sud. « Ma grande sœur envoie de l’alimentation via des +malayitsha+ tous les mois », raconte-t-il. Et entre les livraisons, la famille de dix se « rationne ».

Avec environ trois millions de Zimbabwéens vivant en Afrique du Sud et une importante diaspora éparpillée à travers le monde, les proches installés à l’étranger sont depuis longtemps une planche de salut pour ceux restés au pays.

Dans la capitale Harare, les files s’allongent tous les jours devant les bureaux de transferts internationaux. Selon la Banque mondiale, 1,6 milliard d’euros sont envoyés chaque année dans le pays, soit plus de 10% du PIB.

Mais depuis le Covid, qui a encore aggravé la pauvreté, la demande pour envoyer directement de la nourriture ou tout autre bien de première nécessité s’est développée et sur un marché jusqu’ici informel, des supermarchés en ligne ont même lancé des applications pour organiser des livraisons transfrontalières.

 AFP

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