Acquittement requis pour Diendéré : qui a alors exécuté Sankara ?

A picture taken on December 10, 2011 shows General Gilbert Diendere in Ouagadougou. Diendere, a one-time powerful aide to deposed Burkina Faso president Blaise Compaore, was appointed head of a new ruling authority set up on September 17, 2015 after the country's presidential guard declared a coup. AFP PHOTO / AHMED OUOBA / AFP / AHMED OUOBA

Comme les avocats des autres prévenus, les conseils de Gilbert Diendéré ont commencé leur plaidoirie, ce jeudi. Au total, aucun des quatre chefs d’accusation retenus contre l’homme – attentat à la sûreté de l’État, complicité d’assassinat, recel de cadavres et subornation de témoins – n’est constitué, selon les trois premiers avocats passés à la barre.

Trois des cinq avocats chargés de la défense du général Gilbert Diendéré ont fait leur plaidoirie, ce jeudi 24 mars 2022. Pour eux, leur client ne mérite rien moins qu’un « acquittement sans peine ni dépens ». De leurs propos, il ressort que l’ex-chef de la sécurité du Conseil de l’entente n’est coupable de rien, n’a absolument rien à se reprocher dans le drame du 15 octobre 1987. Pour ces avocats, Gilbert Diendéré paie pour « la fidélité et la loyauté » qu’il a témoignées à Blaise Compaoré pendant son règne de 27 ans.

Gilbert Diendéré ne contrôlait-il rien au Conseil de l’entente ?

Passons posément en revue quelques éléments. On nous parle quand même de Gilbert Diendéré, le chef de la sécurité du Conseil de l’entente, le QG de la révolution, et par conséquent, le lieu supposé être le plus sécurisé du pays, donc une véritable garnison ! Un petit commando d’une dizaine d’individus apparaît, organise une boucherie en quelques minutes, tuant le chef de l’État et 12 de ses collaborateurs, et repart indemne, sans échange de coups de feu avec les éléments chargés de la sécurité des lieux. En fait, tout se passe comme si des hommes armés entraient dans une épicerie ne disposant pas d’agents de sécurité. Ils tirent, tuent des gens, font leur opération et s’évaporent dans la nature, comme ils sont arrivés.

Sauf qu’ici, dans ce qui s’est joué au Conseil de l’entente, des militaires bien armés étaient censés assurer la sécurité des lieux, et ils avaient un responsable. Mieux, un chef d’État en fonction a été abattu, à bout portant, criblé de balles. Et, 12 de ses collaborateurs avec qui il tenait une réunion sont descendus, à tour de rôle. Le soir du crime, les corps des infortunés sont enterrés à la sauvette. Par la suite, aucune interpellation dans le camp des assaillants, personne n’a été inquiété. Pas même le chef de la sécurité des lieux qui se déclare exempt de toute faute, de toute complicité. À supposer même qu’il n’ait été associé à rien, il y a alors lieu de reconnaître au moins qu’il y avait une faille exceptionnelle dans le dispositif sécuritaire mis en place au Conseil de sécurité et que le chef de ce dispositif n’était donc pas à la hauteur de la tâche à lui confiée. Ce qui fait de lui un militaire notoirement incompétent. 

Voyons, on parle quand même d’un chef d’État en fonction assassiné comme un individu lambda ! Les avocats évoquent l’absence de preuves matérielles de l’implication de tel ou tel accusé, sachant bien que pendant ses 27 ans au pouvoir, Blaise Compaoré et ses sbires ont eu le temps de nettoyer soigneusement toutes les preuves, puisqu’ils n’ont jamais souhaité que ce procès ait lieu. N’eût été le soulèvement qui l’a chassé du pouvoir en 2014, on n’en serait pas là ; le procès n’allait jamais avoir lieu.

Un drôle de procès

Drôle de procès quand même. Personne n’a plaidé coupable si ce n’est Yamba Elysée Ilboudo. Personne n’est coupable de la boucherie du 15 octobre 1987. Les seuls coupables seraient-ils alors les deux grands absents du procès, Hyacinthe Kafando et Blaise Compaoré ? On sait que les absents ont toujours tort. Si Blaise Compaoré, le principal bénéficiaire du crime passe pour le commanditaire, Hyacinthe Kafando pour l’exécutant, le commando n’a pas pu opérer avec cette facilité déroutante au Conseil de sécurité sans la moindre complicité, sans des facilitateurs sur place.

La vérité sur ce qui s’est passé le 15 octobre 1987 ne sera peut-être jamais connue. En tout cas, les dénégations systématiques des accusés sur telle ou telle chose, le refus apparent de la plupart d’entre eux de dire tout ce qu’ils savent ont tôt fait de convaincre une bonne partie de l’opinion burkinabè que ce procès ne lèvera peut-être pas tout le voile sur ce coup d’État sanglant. Au fil des jours, l’engouement remarqué au début, avec une salle pleine, s’est progressivement éteint. La salle des banquets de Ouaga 2000, transformée en tribunal pour la circonstance, s’est graduellement vidée avec l’évolution des débats. Et maintenant, tout le monde attend. Attendons aussi et suivons les deux derniers avocats de Gilbert Diendéré, ce vendredi : Me Paul Kéré et Me Mathieu Somé.

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3 Commentaires
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