Afrique du Sud : la colère sociale gronde

Des statistiques implacables et déterminantes pour le climat social et politique. Le taux de chômage en Afrique du Sud a encore augmenté au dernier trimestre 2021 pour atteindre un nouveau record à 35,3 %, a annoncé mardi 29 mars l’Agence gouvernementale des statistiques. C’est le record absolu depuis quatorze ans. « Il s’agit du taux de chômage le plus élevé enregistré », a déclaré StatsSA dans un communiqué. Le taux officiel avait atteint 34,9 % au trimestre précédent. La première puissance industrielle du continent compte désormais 7,9 millions de chômeurs sur une population de près de 60 millions. Les jeunes sont particulièrement touchés, plus de 66 % des 15-24 ans étant concernés.

Ajoutez à cela l’impact dévastateur de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 sur l’économie et les emplois. Le président Cyril Ramaphosa a annoncé la semaine dernière un nouvel allègement des restrictions, levant notamment l’obligation du test PCR pour les personnes vaccinées, dans l’espoir de relancer le tourisme. Cela suffira-t-il pour faire redescendre la pression dans le pays ?

Face à un chômage record, les étrangers boucs émissaires
Dans cette situation, les ressortissants étrangers sont devenus les boucs émissaires. Le gouvernement est sur tous les fronts ces derniers mois, en plus de devoir gérer les manifestations de colère contre les travailleurs étrangers, il doit aussi affronter son opposition politique. L’Afrique du Sud est épisodiquement en proie à des flambées xénophobes. Soixante-deux personnes ont été tuées dans des émeutes en 2008. De violents heurts ont éclaté en 2015, 2016 et encore en 2019.

Mais depuis janvier, un mouvement baptisé « Opération Dudula », qui signifie « refouler » en zoulou, monte en puissance et essaime dans tout le pays. Loin d’être épisodique, la proximité de « l’Opération Duduala », qui se dit pacifiste, avec des mouvements politiques est floue. Les manifestations rassemblent indistinctement membres d’une organisation active lors des émeutes xénophobes baptisée L’Afrique du Sud d’abord, et vétérans de la branche armée de l’ANC appelée Umkhonto we Sizwe (MK, « Le fer de lance de la Nation »), qui a récemment pris ses distances avec le parti historique au pouvoir depuis son démantèlement. Le leader, Nhlanhla Lux Dlamini, un militant d’une trentaine d’années originaire de Soweto, invariablement vêtu d’un treillis militaire et d’un gilet pare-balles lors de ses apparitions publiques, a expliqué vouloir « défendre l’avenir des Sud-Africains ». Notamment en se rendant dans les magasins pour exiger que les employés étrangers soient licenciés. « C’est la loi : tout travail ne requérant pas de compétence particulière appartient aux Sud-Africains en Afrique du Sud », rappelle-t-il à qui veut l’entendre.

Même Julius Malema, le chef d’Economic Freedom Fighters, qui se présente comme un panafricaniste, a rejoint la rhétorique anti-immigrés, affirmant que les employeurs devraient s’abstenir de donner la priorité aux immigrés au détriment des citoyens sud-africains. Il n’a pas hésité le mois dernier à se rendre dans des restaurants de la province de Gauteng pour vérifier le ratio d’emploi entre les citoyens sud-africains et les ressortissants étrangers. Finalement, Julius Malema est parvenu à la conclusion que le problème vient des employeurs qui donnent la priorité aux travailleurs étrangers parce qu’ils peuvent les exploiter. « Ne détestez pas les étrangers, détestez le propriétaire du restaurant, car ces étrangers ne se sont pas embauchés », a t-il ensuite déclaré au média OpenDemocracy.

Le gouvernement sous pression
L’Afrique du Sud compte 3,95 millions d’étrangers, selon les statistiques officielles, sur une population de près de 60 millions. La première puissance industrielle du continent lutte avec plus de 35 % de chômage mais attire de nombreux migrants africains. « Même s’ils expulsaient tous les immigrés, ça ne changerait pas le niveau de criminalité ni celui du chômage », a commenté auprès de l’AFP Jay Naidoo, premier secrétaire général de la principale centrale syndicale (Cosatu).

Face à l’ampleur du mouvement, le gouvernement a annoncé plancher sur une loi instaurant des quotas d’employés étrangers dans les entreprises sud-africaines de certains secteurs.

Insuffisant pour le premier parti d’opposition, l’Alliance démocratique, qui voudrait voir tout le gouvernement partir. Il a déposé, il y a près de deux ans, avant la pandémie en réalité, une motion de censure, la première pour Ramaphosa. Le vote a lieu ce mercredi après-midi au Parlement sud-africain. Le résultat ne devrait pas empêcher le chef de l’État de chercher à se faire réélire à la tête de son parti, lors du congrès de l’ANC, qui doit se tenir en décembre prochain.

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