Le président russe est en effet parfois considéré comme une alternative à la domination des occidentaux. Paul-Simon Handy, qui dirige le bureau de l’Institut d’études et de sécurité à Addis Abeba, estime que voir l’Occident en difficulté fait ainsi plaisir à de nombreux Africains.
Mais il y a aussi, selon lui, l’image de l’homme fort, qu’on associe à tort ou à raison à Poutine, qui attire beaucoup sur le continent et ceci de manière très contradictoire, comme nous l’explique Paul-Simon Handy.
Qu’est-ce qui explique, selon vous, la poutinophilie, cette vague de sympathie en faveur de Vladimir Poutine, le président russe chez une partie des africains ?
La sympathie tient à plusieurs facteurs. L’un d’eux est que pour plusieurs africains, voir l’occident à la peine est une scène qui réjouit. Et puis, Poutine, il faut dire quand même à tous les attributs de l’homme fort. Il a les attributs du grand chef. Déjà physiquement. Lui-même est un adepte de karaté, dont il a la ceinture noire. C’est un leader extrêmement fort qui use et, même souvent, abuse des moyens de la répression que lui donne la possession de la force et de la violence légitime. Et il mène son pays d’une main de fer. Donc, ça attire beaucoup les Africains et pas seulement les dirigeants africains, mais même la population.
Oui, mais, Paul Simon Handy, est-ce que ce n’est pas contradictoire que le président russe, Vladimir Poutine soit ainsi adulé par une partie des Africains, quand on sait que son régime est un régime autoritaire et lui-même est réputé pour son caractère belliciste ?
C’est très contradictoire. Quelle que soit la sympathie qu’on puisse avoir pour le président Poutine, il ne faut pas oublier que l’acte qu’il a commis, quel que soit les mobiles qu’il a et quel que soit les raisons qu’il a, l’acte qu’il a commis est un acte qu’on ne voudrait pas voir se répéter dans le système international. Ce serait le retour à l’anarchie. Ce serait le retour à la loi du plus fort. Et les africains ne sont pas les plus forts dans le système international. Les Africains seront en fait, eux, à la peine, si la règle que la président Poutine voudrait, maintenant pérenniser dans le système international devrait devenir la norme.
DW : Franchement, est-ce que les occidentaux, eux-mêmes, n’ont pas contribué à cet état de fait ? Car beaucoup d’Africains leur attribuent tout le malheur du continent, même si c’est trop facile comme argument.
Oui, bien sûr. Il y a eu une énorme provocation. Et c’est certainement une sous-estimation de la capacité de réaction de la Russie qui a poussé les Occidentaux à ramener un acteur comme la Russie dans ces derniers retranchements. Oui, les Occidentaux ont certes une part de responsabilité. Mais ceci dit, cela justifie-t-il la destruction massive à laquelle la Russie se livre en Ukraine ? Je ne pense pas. Je pense qu’il faut faire la part des choses.
dw