Présidentielle : le pari gagnant-perdant de Jean-Luc Mélenchon

Le candidat de La France insoumise a fait le plein des voix de gauche, dimanche, au premier tour de l’élection présidentielle, mais a toutefois échoué de peu à se qualifier pour le second tour, finissant à quelques milliers de voix derrière Marine Le Pen.

Ses soutiens ont voulu croire jusqu’au bout à une « remontada », mais à l’issue du comptage de 97% des bulletins de vote, Jean-Luc Mélenchon a bien échoué, dimanche 10 avril, à se qualifier pour le second tour de l’élection présidentielle. À seulement 504 632 voix près, pourra-t-il ruminer cette fois-ci, les résultats officiels et définitifs du ministère de l’Intérieur lui accordant 21,95 % voix contre 23,41 % à Marine Le Pen. Un score important qui témoigne à la fois d’un succès et d’un échec de la stratégie mise en place par Jean-Luc Mélenchon depuis cinq ans.

À regarder les résultats bruts, son pari est d’abord gagnant. La France insoumise (LFI) est, incontestablement, la première force de gauche en France à l’issue du premier tour de la présidentielle. Jean-Luc Mélenchon a obtenu plus du double de voix que Yannick Jadot (Europe Écologie-Les Verts), Fabien Roussel (Parti communiste), Anne Hidalgo (Parti socialiste), Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste) et Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) réunis – cinq candidats qui ne verront leur frais de campagne remboursé qu’à hauteur de 4,75 % du plafond des dépenses du premier tour, soit l’équivalent de 800 000 euros.

Même si le « vote utile » en faveur du candidat insoumis a joué à plein dans la dernière ligne droite, les intentions de vote exprimées dans les sondages l’ont toujours placé en tête des candidats de gauche tout au long de la campagne, montrant ainsi un socle d’électeurs plus important que celui de ses concurrents à gauche.

Avec 7 605 225 voix au total, Jean-Luc Mélenchon fait même mieux que ses 7 059 951 voix obtenues il y a cinq ans, alors même qu’il n’avait pas cette année le soutien du PCF, qui avait fait campagne à ses côtés en 2012 et 2017.

Face à ses soutiens réunis au Cirque d’Hiver pour la soirée électorale, Jean-Luc Mélenchon a dit dimanche soir sa « fierté du travail accompli ». « Nous disons à tous ceux qui, jusque-là, n’ont pas voulu l’entendre : ici est la force. Nous avons une stratégie : le pôle populaire. Nous avons un programme. Nous avons devant nous d’autres élections. Nous tiendrons à chaque étape notre rang. Réfléchissez-y ».

La stratégie du cavalier seul
Mais si La France insoumise a effectivement réussi plusieurs démonstrations de force durant cette campagne, rien n’indique pour autant qu’elle soit devenue cette « force » incontestable à gauche évoquée par Jean-Luc Mélenchon. Le joli score réalisé par ce dernier au premier tour de la présidentielle ne doit pas faire oublier sa stratégie du cavalier seul. Alors qu’il aurait pu tenter de rassembler la gauche derrière lui après sa belle performance de 2017, le leader de LFI a fait le choix inverse, préférant exclure toute discussion avec EELV, le PCF et le PS, y compris après des débâcles aux élections européennes en 2019, aux municipales de 2020 ou aux régionales de 2021.

Sa ligne a été celle du programme « L’avenir en commun » ou rien, fermant systématiquement la porte à un hypothétique programme commun de la gauche. Fermé à tout compromis, en particulier sur ses positions en matière de politique étrangère qui ont été pour certains électeurs de gauche un repoussoir, Jean-Luc Mélenchon a poursuivi cette ligne durant la campagne présidentielle : il avait notamment annoncé qu’en cas de qualification au second tour, toute personnalité de gauche était la bienvenue à condition d’accepter « L’avenir en commun » comme programme de rassemblement.

>> À lire : Présidentielle : Jean-Luc Mélenchon se rêve en candidat surprise du second tour

Surtout, sa performance de 2022 est pour beaucoup due au « vote utile » de nombreux électeurs de gauche ayant fini par miser sur le candidat le mieux placé dans les sondages pour tenter de faire accéder leur famille politique au second tour. Elle n’est en rien un vote d’adhésion massive à son programme et encore moins au candidat Mélenchon. Lui-même l’avait d’ailleurs compris dans la dernière ligne droite, préférant convaincre les électeurs en érigeant le barrage à l’extrême droite dès le premier tour comme leitmotiv de fin de campagne.

Le pari a été tout proche de réussir, mais échoue néanmoins. À deux mois des élections législatives, beaucoup d’interrogations vont désormais émailler les prochains jours et les prochaines semaines. À commencer par l’avenir de Jean-Luc Mélenchon.

À 70 ans et alors qu’il avait annoncé que cette campagne présidentielle serait la dernière, que compte-t-il faire ? Son discours, dimanche soir, ressemblait fortement à un passage de témoin : « Alors, bien sûr, les plus jeunes vont me dire : ‘eh ben, on n’y est encore pas arrivé’. C’est pas loin, hein. Faites mieux », leur a-t-il lancé en guise de conclusion, avant de les remercier. Une nouvelle page est désormais à écrire.

france24

You may like