Guerre en Ukraine : l’ESA claque la porte au nez de l’agence russe

Après ExoMars à la fin du mois dernier, l’ESA a mis fin à sa coopération avec Roscosmos dans le cadre des missions Luna.

Alors que le conflit entre la Russie et l’Ukraine continue de faire des ravages à l’Est de l’Europe, la scène internationale pouvait au moins compter sur l’aérospatiale pour servir de prétexte au maintien de la communication. Mais peu à peu, au fur et à mesure que l’escalade dans l’horreur se poursuit, même ces quelques liens sont en passe d’être dissous.

En effet, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) vient d’annoncer qu’elle mettait fin à sa coopération avec son homologue russe Roscosmos. Une décision qui concerne directement certaines missions importantes. Cela commence par les missions de la série Luna, à travers lesquelles l’agence russe envoie des rovers sur la Lune.

En effet, les deux agences devaient coopérer sur les trois prochaines missions Luna. L’ESA devait ainsi fournir des instruments de dernière génération pour équiper les rovers russes. Cette décision prend effet immédiatement, et aura déjà un impact sur mission Luna 25 prévue plus tard cette année.

“L’agression Russe contre l’Ukraine et les sanctions qui en résultent représentent un changement fondamental des circonstances et rendent impossible pour l’ESA de mettre en place la coopération prévue”, explique l’ESA dans un communiqué.

Roscosmos est prié de faire place nette
Pour Luna 25, l’ESA avait fourni une caméra de navigation Pilot D produite par OIP Space Instruments. Elle a désormais exigé que Roscosmos la retire de son rover. Même chose pour les deux autres missions conjointes prévues, à savoir Luna 26 et Luna 27. Pour ces deux échéances, Roscosmos devra se passer du matériel européen.

En l’occurrence, ce matériel comprend notamment deux éléments assez importants. Le premier d’entre eux est un système de navigation optique basé sur l’analyse d’images par un système basé sur l’intelligence artificielle. Le second est une foreuse très performante, conçue pour aller chercher des échantillons à un mètre sous la surface lunaire.

Cette décision n’est pas sans conséquences du côté européen. En effet, l’ESA va désormais devoir se trouver un nouveau partenaire. Elle n’a pas abandonné l’idée de tester tous les équipements qui auraient dû être passés au crible lors des missions Luna 25, 26 et 27.

Elle a même déjà réglé une partie du problème en négociant le sort de la foreuse. Celle-ci sera livrée à la NASA, qui se fera une joie de l’intégrer à son programme Commercial Lunar Payload Service.

ExoMars également à l’arrêt
D’après Space.com, l’ESA compte aussi couper les ponts avec Yuzhmash. Il s’agit d’un constructeur Ukrainien qui produit des moteurs-fusées; ceux-ci sont actuellement utilisés par l’ESA sur les petits lanceurs Vega. L’agence estime désormais qu’elle en a assez en stock pour assurer la suite des opérations jusqu’à fin 2023. Et à cette date, elle compte commencer à travailler avec un nouveau partenaire, susceptible de lui proposer une solution plus moderne et performante.

Toutes ces décisions font suite à une autre résolution comparable prise par l’ESA récemment. Fin mars, l’agence a annoncé la fin de la coopération dans le cadre d’ExoMars. Il s’agit d’une mission très excitante puisque son objectif est sensiblement le même que celui du rover Perseverance; il s’agit d’arpenter Mars en espérant y trouver des signes de vie passée. Sa suspension est donc un sérieux coup d’arrêt pour tout le programme d’exploration européen – une discipline où l’Europe souffre déjà d’un retard considérable sur les Etats-Unis.

Un vide important qu’il va falloir combler
Quoi qu’il en soit, ces décisions ne vont probablement pas condamner les missions concernées – même si elles vont indiscutablement les retarder. En revanche, ce qui est plus problématique, c’est que l’on continue d’assister à une dissolution progressive des liens entre l’aérospatiale russe et ses homologues.

C’est une situation dommageable autant en termes scientifiques que géopolitiques. En effet, depuis la fin de la guerre froide, l’aérospatiale constituait un prétexte idéal pour maintenir un certain niveau de coopération et de dialogue. Mais il apparaît désormais que cette situation est en train de prendre fin. La fin de la coopération dans le cadre de l’ISS (voir notre article) a d’ailleurs représenté un clou particulièrement symbolique dans le cercueil de cette relation.

Il conviendra désormais de suivre les prochaines annonces de l’ESA avec attention. Il sera intéressant d’observer comment elle va procéder pour relancer ces différentes missions, à commencer par ExoMars. Car même si elle devrait s’en sortir sans Roscosmos à terme, il est indiscutable que la fin de cette coopération qui a abouti à de superbes aventures scientifiques est regrettable à bien des niveaux.

ESA

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