Une grande rétrospective du peintre britannique Walter Sickert, ami d’Edgar Degas, s’ouvre jeudi à Londres où le musée Tate Britain présente plus de 150 des oeuvres de ce peintre jugé révolutionnaire en son temps (1860-1942).
C’est la plus grande rétrospective de ses oeuvres depuis près de 30 ans, avec des prêts de plus de 70 collections privées et publiques du Royaume-Uni, mais aussi de France et du Canada.
Auto-portraits, femmes nues alanguies sur des lits de fer, scènes de music-hall ou paysages de bord de mer, travail à partir de photos, Sickert s’est essayé à tous les genres durant une carrière de plus de 60 ans, provocateur rebelle ayant inspiré des générations d’artistes.
Après avoir tenté une carrière d’acteur, il devient à 22 ans assistant du peintre américain James Abbott McNeill Whistler, avant de rencontrer Edgar Degas à Paris qui devient son mentor à partir de 1885. « Les impressionnistes français lui ont enseigné une nouveau style de peinture et il a apporté ça en Grande-Bretagne et fait quelque chose de radical et révolutionnaire », explique à l’AFP Robert Kennedy, responsable de l’exposition.
« À l’époque, la Grande-Bretagne était très conservatrice. Sa façon d’utiliser la couleur et de jouer avec la lumière était quelque chose de complètement nouveau pour un public britannique ».
La rétrospective présente ses oeuvres, les lieux, les gens et les événements qui l’ont inspiré, de façon chronologique et thématique.
Une salle est consacrée à ses auto-portraits à travers les âges, une autre à ses scènes de music-hall, thème populaire jugé incorrect à l’époque en Angleterre, mais qui lui permet de connaître la notoriété.
Parmi les plus belles pièces de l’exposition, « Little Dot Hetherington at the Bedford Music Hall » (1888-1889). Selon Thomas Kennedy, ce tableau « résume tout ce qui fait Sickert, sa façon d’expérimenter avec la couleur et la lumière, et son intérêt pour la culture populaire ».
Femmes nues immorales
Une autre salle célèbre des femmes nues, alors jugées immorales par les Britanniques car les corps n’étaient pas idéalisés, peints dans des décors du quotidien souvent claustrophobes et sous des angles dérangeants.
Sickert aime aussi à peindre les émotions contradictoires et met en scène des vies désenchantées, de couples qui visiblement ne communiquent pas, dans des décors déprimants. Il décline les mêmes personnages dans plusieurs oeuvres, dans des combinaisons différentes.
Il est aussi fasciné par les faits divers qui inspirent notamment une série à l’ambiguïté controversée, « The Camden town murder series », sur le meurtre d’une prostituée en 1907 dans le quartier londonien de Camden où il vit.
Une autre salle est consacrée à ses peintures en plein air, notamment à Dieppe, dans le nord-ouest de la France, où il vit entre 1898 et 1905, et Venise, deux villes qui lui sont chères.
Il peint à différents moments de la journée la façade de l’église de Saint-Jacques à Dieppe – probablement inspiré de la série de Monet sur la cathédrale de Rouen – et celle de la basilique Saint-Marc à Venise.
Francophile, il donnait d’ailleurs souvent des titres français à ses oeuvres.
« La chose la plus consistante chez lui c’est son inconstance dans son genre de peinture », explique Thomas Kennedy. « Il était très rebelle, c’était quelqu’un de radical pour la peinture britannique et son influence dure encore aujourd’hui. Il a inspiré une génération d’artistes, dont Lucian Freud et Francis Bacon ».
L’exposition de la Tate Britain, qui dure jusqu’au 18 septembre, est organisée en collaboration avec le Petit Palais à Paris.
AFP