Cette hypothèse sur le silence des aliens cache une leçon pour l’humanité

Un phénomène d’emballement pourrait avoir causé l’extinction de nombreuses civilisations… et l’humanité a intérêt à en prendre bonne note.

La recherche de vie extraterrestre a bien évolué depuis la science-fiction kitsch du début du siècle dernier. Terminés, les petits hommes verts et les soucoupes volantes; aujourd’hui, les travaux les plus concrets sur cette question cherchent avant tout des signaux radio ou des traces biogéologiques, comme Perseverance est par exemple en train de le faire sur Mars.

Il reste cependant tout un pan de la science qui cherche activement à communiquer avec une espèce intelligente qui se serait hypothétiquement développée à des années-lumière de notre Terre. On peut par exemple citer une récente initiative de la NASA qui a envoyé un nouveau message radio élaboré à destination des aliens, 50 ans après le célèbre Message d’Arecibo.

Mais voilà : malgré tous les efforts du METI et des autres institutions qui se sont essayées à la communication avec les extraterrestre, ces derniers n’ont toujours pas eu la courtoisie de nous répondre. Reste à savoir pourquoi nous n’avons toujours aucun signe d’eux, alors que les probabilités suggèrent que nous ne sommes probablement pas seuls dans l’univers.

Si une espèce toute jeune comme l’humanité est déjà capable de voyager dans l’espace, pourquoi serions-nous les seuls à y communiquer ? Les extraterrestres sont-ils si différents de nous que nous ne comprenons pas leurs messages ? Sont-ils situés trop loin ? Ont-ils seulement existé un jour ? Bien malin celui qui saura répondre à ces questions.

Une explication potentielle au Paradoxe de Fermi

Aujourd’hui encore, les raisons de ce “Grand Silence” restent mystérieuses. De très nombreux théoriciens ont tenté d’apporter des explications plus ou moins fantaisistes à ce phénomène depuis baptisé Paradoxe de Fermi, en hommage au physicien de génie qui lui a donné son nom.

Il existe aujourd’hui tout un tas de scénarios possibles classés dans trois catégories différentes. La première stipule tout simplement qu’il n’existe aucune autre civilisation intelligente susceptible de communiquer avec nous. Les deux autres suggèrent toutes les deux qu’ils existent, mais qu’ils ne communiquent pas avec les terriens – volontairement ou non.

Et ce recueil d’hypothèses vient d’être enrichi grâce aux travaux de deux planétologues américains repérés par TheNextWeb. Dans une étude publiée dans Royal Society Open Science, ils ont proposé un scénario qu’ils ont baptisé “burnout asymptotique”.

Une histoire de limite

Pour comprendre le fondement de cette hypothèse, il convient de s’intéresser de plus près à la seconde partie de l’intitulé. Le terme d’asymptote rappellera probablement de vieux souvenirs de cours de mathématiques; très vulgairement, sur un graphique, c’est une droite imaginaire dont une fonction mathématique se rapproche inexorablement sans jamais la toucher. On parle alors de limite, ou éventuellement de singularité en fonction du contexte.

Pour illustrer l’idée, on peut utiliser la fonction 1/x qui présente deux asymptotes : une verticale et une horizontale qui se croisent à l’origine. Lorsqu’on progresse d’un côté ou de l’autre du graphique (vers -∞ ou +∞), le tracé de la fonction se rapproche de plus en plus d’une droite précise (ici, l’axe horizontal), mais sans jamais parvenir à l’atteindre. (voir la notion de limite pour plus de détails)

La fonction 1/x a une asymptote verticale et une horizontale qui se croisent à l’origine. 

Cette fonction simple n’est pas la seule qui présente une asymptote, loin de là. C’est aussi le cas pour tout un tas d’autres fonctions, dont celles qui servent à modéliser la croissance d’une civilisation à partir d’un enchevêtrement de facteurs extrêmement complexes.

Une fuite en avant perpétuelle

En effet, de précédentes études ont déjà déterminé que la croissance, la productivité et la consommation d’énergie d’une société augmentent nettement plus vite que la population en elle-même. Visuellement, cela se traduit par l’apparition de ces fameuses asymptotes sur le graphique au fur et à mesure que la population augmente. Ici, il s’agit d’asymptotes verticales. La valeur de la fonction que l’on étudie tend donc vers l’infini en ce point.

Un raisonnement abstrait, mais qui a des conséquences faciles à comprendre visuellement. En pratique, cela signifie qu’en continuant à ce rythme, la civilisation en question se retrouvera incapable de maintenir ce taux d’expansion effréné. Les contraintes, comme les besoins en ressources associés à l’augmentation de la population, explosent; elles commencent même à tendre vers l’infini en se rapprochant de cette fameuse asymptote. La civilisation se dirige donc vers l’écroulement pur et simple, d’où le terme de “burnout asymptotique”.

Mais en pratique, ce n’est pas forcément le cas. Certaines espèces chanceuses, comme l’humanité, peuvent repousser l’inévitable grâce à des cycles d’innovation réguliers. Cela permet d’amortir cette explosion des contraintes pour dévier du chemin qui mène à la ruine. Sur un graphique, ça se traduit par un aplatissement temporaire de la courbe, et donc par un sursis.

Les humains y sont d’ailleurs déjà parvenus – toutes proportions gardées – à quelques reprises. Les chercheurs citent par exemple le relatif désarmement nucléaire qui a suivi la Guerre Froide, ou la prise de conscience du problème de la couche d’ozone qui a permis d’inverser la tendance à ce niveau; deux épisodes qui ont significativement éclairci nos perspectives d’avenir. Même s’il reste évidemment du pain sur la planche.

Ces événements, les chercheurs les décrivent comme des “réveils homéostatiques”. C’est un terme emprunté à la biologie qui désigne la faculté d’un système à conserver son équilibre en dépit des contraintes extérieures. En médecine, cela fait référence à l’équilibre physiologique; c’est ce phénomène d’homéostasie qui permet au corps de se maintenir à 37°C, entre autres.

Un schéma illustrant cette théorie. La ligne orange représente la population. Les lignes verticales sont les fameuses asymptotes qui représentent des burnouts potentiels, ici en pointillés. Les paliers de la courbe représentent les “réveils homéostatiques”. 

De nombreuses civilisations auraient succombé au burnout

Mais à l’échelle d’une civilisation, il désigne sa capacité à maintenir une population stable. Et c’est là que cela devient intéressant dans le contexte de la recherche de vie extraterrestre. Car ce concept de burnout asymptotique force les espèces à participer à un long marathon pour la survie; pas question de rater le moindre checkpoint sous peine de disparaître promptement.

Statistiquement, cela signifie que la plupart des candidats potentiels au statut d’espèce intelligente auraient probablement disparu au terme d’un tel burnout; un élément qui pourrait expliquer au moins partiellement le Grand Silence des aliens jusqu’à présent. La bonne nouvelle, c’est qu’une espèce proche du burnout serait très facile à repérer, du moins sur le papier. “Ils produiraient des fluctuations importantes de certains paramètres” qu’il serait alors possible de détecter selon les chercheurs.

Nous disposerions alors d’une fenêtre pour tenter de communiquer avec… mais celle-ci serait par définition très courte. Après tout, il s’agirait en substance d’une civilisation embarquée dans une course folle vers l’extinction. Ils altéreraient leurs environnements et dissiperaient sauvagement de l’énergie de manière non durable”, affirment les chercheurs. “Les premières espèces que nous rencontrerons seront peut-être intelligentes, mais certainement pas encore “sages”, nuancent les chercheurs.

Les espèces intelligentes avancent à marche forcée vers un statut de civilisation ultra-avancée (dite de type III) ou vers l’homéostasie, c’est à dire l’équilibre… et mieux vaut ne pas rater ces virages sous peine de disparaître. 

Tel est pris qui croyait prendre ?

Une petite minute. Manque d’anticipation, altération de l’environnement, gestion maladroite de l’énergie… cela ne vous rappellerait-il pas quelque chose ?

C’est bien là le point le plus intéressant de ce papier, certes fascinant mais finalement très abstrait et quasiment vide d’implications concrètes en tant que tel. Lorsqu’on lit le scénario des chercheurs, on ne peut s’empêcher de repérer quelques parallèles avec la trajectoire empruntée par l’espèce humaine. Entre la crise du climat, la surconsommation, la politique de l’autruche des décideurs politiques, le comportement de certaines grandes organisations… il faut admettre que notre espèce est déjà assez familière de ce concept.

Et surtout, elle ne le réalise pas encore entièrement. On ne peut que constater la résonance entre ces travaux et le dernier rapport de l’ONU, qui fustige la complaisance des responsables politiques terriens face aux défis qui l’attendent . Et cela représente une belle piqûre de rappel. Si elle veut s’inscrire dans la durée, l’humanité va devoir prendre les choses en main; il va falloir continuer d’innover, se remettre en question et même se réinventer… pour l’éternité.

Les civilisations peuvent soit s’écrouler suite à un burnout asymptotique ou changer de cap”, explique sobrement le Dr. Michael Wong, auteur principal de l’étude. Avant de pouvoir vérifier la valeur de cette nouvelle proposition, il faudra donc déjà commencer par assurer notre prochain réveil homéostatique. Faute de quoi, ce sont probablement des extraterrestres bien plus prévoyants qui auront tout le loisir de nous voir partir en fumée à des années-lumière à la ronde, et non pas l’inverse. Un comble !

 TNW

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