Le « laser » pour arrêter le tabac : attention à l’enfumage

Avec le laser, « arrêtez de fumer en une séance », « taux de réussite de 85% »: ces promesses alléchantes fourmillent sur internet. Mais attention, cette technique, comme d’autres méthodes prétendument miracle, n’est pas validée scientifiquement, préviennent médecins et autorités.

« Garantie 1 an & sans prise de poids », promet le site d’un important réseau de « centres laser anti-tabac ». Selon ses promoteurs, le « laser doux » stimule des points sur le pavillon de l’oreille, une action censée couper le besoin de nicotine.

Une technique qui se revendique de « l’auriculothérapie », elle-même dérivée de l’acupuncture.

« Les fumeurs peuvent être en grande difficulté quand ils ont déjà essayé d’arrêter plusieurs fois et tomber dans la trappe très facilement », explique à l’AFP le Pr Daniel Thomas, ex-chef du service de cardiologie de la Pitié-Salpêtrière, porte-parole de la Société francophone de tabacologie (SFT).

Quitte à débourser entre 150 et 250 euros en moyenne par séance. Des promesses d’autant plus alléchantes qu’elles manient habilement un lexique évocateur de la médecine: « Cabinets », « thérapeutes », « traitement »…

« Je supprime le besoin physique de fumer », assure à l’AFP Hakima Koné, gérante d’un centre laser parisien. Il faut être très motivé et elle « n’est pas magicienne », mais elle assure qu’il n’y a pas de méthode « qui fonctionne aussi bien ». Une méthode « clairement » prouvée scientifiquement, selon elle.

« En vogue »
Pourtant, « il n’y a pas d’étude ou de données scientifiques permettant de montrer l’efficacité de cette méthode », indique à l’AFP la Direction générale de la santé (DGS). Le « laser ne fait pas partie des méthodes validées et qui ont prouvé leur efficacité pour le sevrage du tabac », confirme le site Tabac-Info-Service (Santé publique France).

Dès 2007, la Société canadienne du cancer alertait sur cette méthode qui bénéficiait de campagnes publicitaires très affirmatives, promettant l’arrêt du tabac, de l’alcool et des drogues.

Quinze ans plus tard, la science est toujours sceptique mais le laser est « en vogue » en France grâce à « de nombreux écrans publicitaires dans les journaux et magazines, (la) télévision ou sur internet », relèvent trois pneumologues et tabacologues dans un article de la revue médicale Le Courrier des Addictions, qui soulignent l’absence d’études sérieuses probantes.

Si la majorité des fumeurs s’arrêtent seuls, les « méthodes validées » pour ceux qui ont besoin d’aide sont les substituts nicotiniques (patchs, gommes …), certains médicaments, certaines psychothérapies, explique le Pr Thomas, de la SFT.

Pour autant, un fumeur peut parfaitement ressortir d’une séance de ce genre de techniques débarrassé de son envie de fumer, note le spécialiste, notamment parce que l’effet placebo peut avoir un impact significatif.

« Effet placebo »
Au point que la Haute autorité de santé (HAS) confirme que si le bénéfice des méthodes non validées n’est pas établi, leur utilisation n’est pas à exclure en raison d’un « éventuel effet placebo ». A condition qu’elles soient bien « avérée(s) inoffensive(s) ».

Comme le soulignent tous les spécialistes, c’est la volonté qui reste de toute façon la clé. « Sans la motivation du patient, j’ai fait des séances et la personne sortait en s’allumant une cigarette… », reconnaît auprès de l’AFP Nicole Sauvajon-Papillon, médecin anesthésiste en retraite, qui a pratiqué l’auriculothérapie.

Sans compter toutes les autres variables: un fumeur qui veut s’arrêter va probablement s’engager dans de meilleures habitudes de vie (sport, alimentation…) qui vont aider au succès. Difficile donc de déterminer quel(s) facteur(s) lui a permis d’arrêter.

Si ces méthodes « ne peuvent a priori pas faire de mal et sont susceptibles parfois d’accompagner des fumeurs très motivés, la principale critique que l’on peut émettre sur ces centres, c’est d’en faire une panacée avec des taux de réussite de 85% non crédibles », résume le Pr Daniel Thomas.

Autre ambiguïté soulignée par le tabacologue: la plupart des centres disent disposer de « patriciens » ou de « thérapeutes », et non pas de médecins ou professions de santé.

Pourtant, « comme pour l’acupuncture, les professions médicales pouvant pratiquer l’auriculothérapie sont les médecins, les chirurgiens-dentistes » et « les sages-femmes », a indiqué la DGS à l’AFP.

 AFP

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