L’opposant de gauche Gustavo Petro a récolté plus de 40 % des voix lors du premier tour de la la présidentielle colombienne, dimanche. Il affrontera au second tour l’indépendant Rodolfo Hernandez, surnommé le « Trump colombien », après l’élimination surprise du candidat de la droite traditionnelle.
L’opposant Gustavo Petro est arrivé largement en tête du premier tour, dimanche 29 mai, de l’élection présidentielle en Colombie et a désormais de fortes chances de devenir le premier président de gauche de l’histoire récente du pays, après une déroute historique de la droite.
Il affrontera au second tour le 19 juin un candidat indépendant, le millionnaire Rodolfo Hernandez. Le candidat conservateur Frederico Gutierrez, alias « Fico », est arrivé troisième, un résultat surprise qui marque une défaite inédite de la droite traditionnelle colombienne.
Favori des sondages durant toute la campagne, le sénateur Petro, un ex-guérillero converti à la social-démocratie, économiste et ancien maire de Bogota, a obtenu 40,32 % des voix, selon les résultats officiels portant sur 99 % des bulletins dépouillés.
De l’avis de tous les observateurs, Gustaco Petro, 62 ans, a su exploiter la soif de changement manifestée par les Colombiens face aux inégalités et à la corruption, un besoin dont il a fait son emblème avec son slogan « pour la vie ».
Les quatre années de mandat du président conservateur sortant Ivan Duque, qui ne pouvait se représenter, n’ont vu aucune réforme de fond. Elles ont été marquées par la pandémie, une forte récession, des manifestations antigouvernementales massives dans les villes et une aggravation de la violence des groupes armés dans les campagnes.
« Changer la Colombie »
« Il n’y a que deux alternatives : laisser les choses telles qu’elles sont, (…) ce qui signifie plus de corruption, de violence, de faim. Ou changer la Colombie et la conduire vers la paix, la prospérité et la démocratie », a déclaré Gustavo Petro dimanche après avoir voté à Bogota.
Son accession à la magistrature suprême serait un séisme politique dans un pays où les conservateurs monopolisent le pouvoir depuis des décennies.
C’est la troisième fois que Gustavo Petro participe à une présidentielle. Cette fois-ci, il a comme colistière pour la vice-présidence une Afro-Colombienne, Francia Marquez. L’ascension au sommet de l’État de cette charismatique activiste au discours féministe et antiraciste marquerait également un tournant dans la politique colombienne, traditionnellement dominée par les mêmes élites.
« Trump colombien »
Comme le laissaient percevoir certains sondages en fin de campagne, le millionnaire Rodolfo Hernandez, 77 ans, arrive en deuxième position, avec 28,20 % des voix. Rodolfo Hernandez, ex-maire de la ville de Bucaramanga (nord) et homme d’affaires aux déclarations souvent outrancières ou excentriques, est surnommé par la presse locale le « Trump colombien ». Il devance de près de quatre points le candidat conservateur Federico Gutierrez (23,87 %).
Alors que Federico Gutierrez a été considéré tout le long de la campagne comme le challenger de Petro, ces résultats surprise marquent la déroute historique de la vieille droite colombienne, à l’image de son mentor, l’ex-président Alvaro Uribe, englué dans les démêlés judiciaires.
« Aujourd’hui, le pays a gagné parce qu’il ne veut pas continuer un jour de plus avec les mêmes personnes qui nous ont amenées à la situation douloureuse que nous connaissons », a commenté en soirée Rodolfo Hernandez depuis son fief de Bucaramanga.
« Nous savons désormais qu’il existe une volonté ferme des citoyens de mettre fin à la corruption en tant que système de gouvernement », s’est-il félicité, jugeant que « les prochains jours seront décisifs pour déterminer l’avenir du pays ». « Je compte sur vous pour gagner au second tour et ainsi pouvoir concrétiser cette grande voie que vous avez ouverte aujourd’hui », a-t-il conclu.
« Fico » appelle à voter Hernandez
Reconnaissant sa défaite, le candidat de droite a immédiatement appelé à voter pour Hernandez le 19 juin. « Nous ne voulons pas perdre le pays et nous ne mettrons pas en danger l’avenir de la Colombie, de nos familles et de nos enfants », a-t-il déclaré. « Gustavo Petro (….) n’est pas bon pour la Colombie. Il serait un danger pour la démocratie, pour les libertés et les droits », a affirmé « Fico ».
« Il y a quinze jours, personne n’aurait pu imaginer qu’un tiktokero (fan de Tiktok) serait la force de ce premier tour » et qu’il pourrait devenir « le pire cauchemar de Petro », commentait en soirée le média en ligne Cambio, résumant la surprise de la presse locale.
« Cet ingénieur presque octogénaire et grossier est sorti de nulle part, a commencé à monter dans les sondages et a réussi, sans sortir de chez lui et à la faveur d’une campagne éclair sur les médias sociaux, à rencontrer les aspirations d’une partie de la population et à devenir le seul candidat capable de battre Petro en tête-à-tête », s’est étonné Cambio.
« Absolue tranquillité »
La participation s’est élevée à 54,8 % et le scrutin s’est déroulé normalement, selon les autorités. Une pléthore d’observateurs internationaux, notamment de l’Union européenne et de l’Organisation des États américains, ont assisté au scrutin, et près de 300 000 policiers et militaires avaient été déployés sur tout le territoire, en proie à des violences croissantes des groupes armés ces derniers mois.
Le ministre de l’Intérieur Daniel Palacios a parlé d’une « absolue tranquillité, sans altération majeure sur l’ordre public », malgré près de 600 irrégularités signalées.
AFP