Le clonage a bien progressé depuis Dolly, et comme souvent aujourd’hui, c’est l’intelligence artificielle qui promet de faire passer cette discipline à la vitesse supérieure.
En mars dernier, sept petits porcelets en parfaite santé sont nés en Chine. Mais ils présentaient une particularité; contrairement à la majorité de leurs congénères, ils ne sont pas venus au monde dans une ferme ou un centre de reproduction; ils sont sortis d’un laboratoire chinois au terme d’un processus de clonage d’un tout nouveau genre, entièrement piloté par l’IA sans la moindre intervention humaine.
Une phrase qui semble tout droit sortie de la science-fiction, mais qui fait pourtant référence à des travaux on ne peut plus sérieux. Les chercheurs à l’origine de cette étude estiment que cette technologie pourrait permettre à la Chine de résoudre son problème d’approvisionnement en porc, mais pas seulement; à terme, elle pourrait jouer un rôle très important dans l’avenir de l’agroalimentaire à l’échelle globale.
Sur les traces de Dolly
Tout a commencé avec Dolly, une brebis célèbre qui est devenue le tout premier mammifère cloné entièrement à partir d’une cellule adulte en 1996. À l’époque, c’était un véritable exploit en bio-ingénierie qui a demandé de longues années d’expérimentation. Car la méthode de clonage utilisée n’a rien à voir avec celles utilisées dans la science-fiction; pour l’instant, les humains n’ont pas encore inventé d’ imprimante capable de produire une copie conforme d’un organisme en temps réel.
À la place, ils ont recours à un processus baptisé Transfert Nucléaire de Cellules Somatiques (TNCS) qui commence avec une manipulation génétique. Les chercheurs ont commencé par extraire le noyau de cellules de glandes mammaires de l’animal à cloner, c’est-à-dire la partie où est concentré le matériel génétique.Ce qui est particulier, c’est qu’il ne s’agit pas de cellules sexuelles; ces cellules de glandes mammaires sont dites somatiques. C’est un terme qui désigne toutes les cellules non-sexuelles, et qui ne sont donc pas censées participer à la reproduction.
Chez un second animal, ils ont ensuite prélevé des ovules qu’ils ont cette fois vidés de leur matériel génétique. Très vulgairement, ils n’ont donc conservé que la coquille vide. Ils y ont ensuite fait fusionner les noyaux prélevés à l’étape précédente avec cette enveloppe pour reconstituer des embryons artificiels qu’ils ont ensuite mis en culture pour leur permettre de croître. L’un d’entre eux a fini par arriver à maturité; et puisque tout le matériel génétique provenait d’un seul donneur initial, il s’agit donc de copies parfaites, à quelques mutations près – on parle donc de clones.
Depuis, les chercheurs ont fait de gros progrès sur cette technique; de nombreux laboratoires ont réussi à cloner des animaux divers et variés. Certains observateurs s’attendaient donc à ce que cette technique s’impose très rapidement dans l’agroalimentaire, d’autant plus que plusieurs instances comme la FDA américaine ont estimé que ces animaux clonés étaient propres à la consommation.
Le clonage traditionnel reste très compliqué
Mais s’il a effectivement progressé, le clonage de mammifères n’a pas encore provoqué la révolution industrielle absolue à laquelle certains s’attendaient. Et pour cause : la technique utilisée est chronophage et nécessite un suivi méticuleux de la part d’un expert. Ce dernier doit aussi être un manipulateur de grand talent, car la transplantation de ces noyaux est extrêmement délicate.
Même chez les laborantins les plus adroits, ce matériel génétique extrêmement fragile est donc régulièrement endommagé ou contaminé. Cela a pour effet d’ empêcher le clone de se développer. De plus, il existe toute une flopée de facteurs externes très subtils qui peuvent faire échouer la procédure sans que l’humain ne comprenne précisément pourquoi.
Depuis plusieurs années, des chercheurs chinois de l’Université de Nankai travaillent donc au développement d’un système de clonage entièrement automatisé. En 2017, ils ont présenté pour la première fois un système de TNSC partiellement automatisé. Une étape encore très éloignée de leur objectif, mais qui leur a permis de confirmer un point déterminant : les machines font beaucoup moins d’erreurs de manipulation que les humains, et le taux de succès du clonage est donc largement supérieur dans ces conditions.
L’intelligence artificielle à la rescousse
Forts de cette expérience, ils sont passés à l’étape supérieure; ils présentent un système basé sur l’intelligence artificielle qui est capable de réaliser cette procédure avec une pression bluffante, et sans la moindre intervention humaine.
“Notre système basé sur l’IA peut calculer la contrainte qu’il doit appliquer à la cellule pour forcer le robot à intervenir aussi peu que possible pendant le processus de clonage, ce qui réduit les dégâts cellulaires provoqués par les mains humaines”, expliquent les chercheurs. Et les chiffres leur donnent raison. En moyenne, le taux de succès de ces TNSC tourne autour de 10%; ici, les chercheurs sont arrivés autour de 25%, ce qui représente une augmentation radicale.
D’après le South China Morning Post, les chercheurs sont en ce moment en train d’éditer un papier de recherche sur les détails techniques qui sera publié dans la revue Engineering. Il sera donc très intéressant de se plonger dedans pour découvrir les détails techniques de la procédure. Ils espèrent que leur technique permettra à la Chine, premier consommateur mondial de porc, d’avoir accès en permanence à des animaux d’excellente qualité sans dépendre des importations.
Mais il ne s’agit que d’une première étape. À terme, les chercheurs considèrent que les techniques de clonage robotique – ou plus largement la micromanipulation cellulaire automatisée – auront certainement un gros impact sur toutes les industries qui travaillent de près ou de loin avec du bétail.
Évidemment, il reste encore du chemin à parcourir; cette technique n’est pas encore tout à fait mature, autant en termes technologiques qu’au niveau éthique et réglementaire. Mais une fois qu’elle le sera, il faudra donc s’attendre à une petite révolution de la sélection, l’élevage, et même peut-être dans la préservation d’espèces aujourd’hui menacées par la surexploitation.
South China Morning Post