Martin Hirsch, des débuts du RSA à la crise de l’hôpital public

Du RSA à la crise du Covid en passant par la direction d’Emmaüs: le médiatique Martin Hirsch, qui entretenait un « rapport passionnel » avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), est une personnalité atypique du monde des élites françaises.

Son départ, annoncé vendredi, s’accompagne d’un regret: n’avoir pas pu construire « un modèle hospitalier différent de ce qu’il a été avant, plus proche de nos attentes et de nos ambitions à tous ». Dans une lettre aux personnels de l’AP-HP, Martin Hirsch assure y avoir « mis toutes ses forces » pendant ses neuf ans à la tête de l’institution.

Ce fin communicant, âgé de 58 ans et aux allures d’éternel premier de la classe, lunettes toujours vissées sur le nez, s’est plus que jamais retrouvé dans la lumière lors de plus de deux années de Covid. « Ca va tanguer »: l’une de ses formules résume bien la situation de ses dernières années à la tête du navire amiral du système hospitalier.

Le personnage ne laisse pas indifférent. Pour beaucoup de représentants du personnel hospitalier, il restera l’homme des économies et de la réorganisation du temps de travail.

Des axes en partie responsables, selon certains, de la « perte de sens » des personnels. Un « vrai tueur », cingle l’urgentiste Christophe Prudhomme, de la CGT-Santé.

« Il a progressivement étouffé et tué l’envie de travailler à l’AP-HP », relève un ancien membre du cabinet de l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn.

Selon cette source, ses rapports avec elle « se sont très vite dégradés autour de sa réforme de l’AP-HP en 2018 ». La ministre a d’ailleurs souhaité plusieurs fois son départ, sans jamais l’obtenir. Les relations n’étaient pas meilleures avec le reste de l’exécutif où on juge sévèrement son passage à l’AP-HP.

– « Virus de la santé publique » –

A l’inverse François Crémieux, patron de Hôpitaux de Marseille (AP-HM), juge qu’il « a inventé une nouvelle manière de travailler pour prendre des décisions et mener des projets à bien ».

Le député macroniste sortant Jacques Maire, son condisciple à l’ENA, salue « un type qui a vraiment ce virus de la santé publique » sachant allier avec brio la dimension « sanitaire, administrative et politique » de sa mission.

Dans sa lettre aux personnels, M. Hirsch met, lui, en avant un « rapport passionnel » à l’institution mais délivre aussi quelques piques où perce l’amertume face aux « pesanteurs » et « égoïsmes » de l’AP-HP.

Enarque, normalien, conseiller d’Etat, il a étudié la médecine pendant cinq ans à la faculté de Cochin-Port Royal, à Paris, où il a reçu ses « premiers bulletins de salaire: 150 francs par mois », confiait-il à l’AFP, pour devenir plus tard directeur de la pharmacie centrale des hôpitaux de l’AP-HP, de 1995 à 1997.

Issu d’une lignée de haut commis de l’Etat, il a dirigé le cabinet de Bernard Kouchner, secrétaire d’Etat à la Santé de 1997 à 1999, puis l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

Ce haut fonctionnaire, classé à gauche, a été président bénévole d’Emmaüs de 2002 à 2007.

« Son parcours montre qu’il s’est engagé dans des dossiers dans lesquels il croyait », note Didier Tabuteau, vice-président du conseil d’Etat et ami de Martin Hirsch. « Il a une imagination et une audace hors du commun ainsi qu’une grande force de conviction » ajoute-t-il.

M. Hirsch fut aussi l’un des visages de « l’ouverture » sous Nicolas Sarkozy, qui le nomma Haut Commissaire aux solidarités actives. Il est à ce titre à l’origine du service civique et surtout du revenu de solidarité active (RSA), qui a succédé au revenu minimum d’insertion (RMI).

La réforme lui avait valu d’être la cible en 2018 de la plume assassine du romancier Edouard Louis dans un réquisitoire contre cette prestation accusée d’incarner la violence des politiques sociales à l’égard des plus pauvres. Blessé par l’attaque, M. Hirsch avait choisi de répondre en publiant lui aussi un ouvrage où il dénonçait le « révisionnisme social » de l’écrivain.

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