L’avortement n’est plus un droit fédéral aux États-Unis. À l’heure des GAFAM, la sécurité des données personnelles inquiète.
La nouvelle est tombée vendredi 24 juin, et elle a replongé les États-Unis au siècle dernier. En fin de semaine dernière, la Cour suprême des États-Unis est revenue sur l’arrêt Roe vs Wade, qui accordait aux Américaines le droit d’avorter sur tout le territoire. Adopté en 1973, ce texte historique visait à contrer le Comstock Act de 1873 réprimant “le commerce et la circulation de la littérature obscène et des articles d’usage immoral”, et interdisant également de promouvoir ou de fabriquer des outils et médicaments destinés à l’interruption de grossesse.
EFF issued this statement about the #Dobbs #abortion ruling. More resources are available at https://t.co/RQxvtfFoTK pic.twitter.com/7aAjbBytR9
— EFF (@EFF) June 24, 2022
150 ans plus tard, la plus haute juridiction du pays estime désormais que chaque État est libre d’autoriser ou non l’IVG. Une situation similaire à celle en vigueur avant 1973, à une différence fondamentale près : nous sommes en 2022, et les GAFAM savent presque tout de nous. Dans un communiqué alarmant, l’Electronic Frontier Foundation a ainsi mis en garde : “Celles et ceux qui cherchent, offrent ou facilitent l’accès à l’avortement doivent, désormais, partir du principe que toutes les données qu’ils et elles laissent sur Internet ou ailleurs peuvent être recherchées par les autorités”.
Il faut dire que la suppression de l’arrêt Roe vs Wade connaît déjà ses premières conséquences. Dans près de la moitié des États, l’interdiction de l’IVG menace. Treize d’entre eux avaient voté en amont des lois destinées à entrer en vigueur immédiatement après la décision de la Cour Suprême. Si l’avortement est à nouveau criminalisé, les GAFAM pourraient jouer un rôle décisif.
Historique de recherche, géolocalisation… les pro-IVG sont-ils en danger ?
Dans les États qui s’apprêtent à interdire l’avortement, les historiques de recherche des internautes, mais aussi les annonces faisant la promotion de centres pratiquant ce type d’intervention, ou encore le simple fait de poster sur des réseaux sociaux un avis favorable à l’interruption volontaire de grossesse seront bientôt considérés comme illégaux. En utilisant les informations de Google par exemple, un tribunal pourra condamner une femme ayant fait des recherches sur des cliniques dans un État voisin.
Les données pourront être extraites des ordinateurs, mais aussi des conversations téléphoniques, et concerneront aussi la géolocalisation des patientes. Rappelons que les femmes souhaitant avorter ne seront pas les seules concernées par cette abrogation. Au Texas par exemple, le simple fait de conduire quelqu’un dans une clinique pratiquant des avortements est passible de poursuites.
Les apps de suivi menstruel prennent des premières mesures
Dans les cas très sensibles des applications de suivi menstruel, la possibilité d’une fuite de données sur demande des autorités américaines devient une véritable menace. Comme le rapportait il y a quelques jours le Wall Street Journal, certaines ont déjà pris des mesures drastiques pour protéger l’intégrité des utilisateurs. Natural Cycles, la première du genre à avoir été autorisée par la Food and Drug Administration, a ainsi annoncé sur Twitter vouloir “créer une expérience totalement anonyme pour les utilisatrices. Le but est que personne – pas même nous – ne puisse identifier des utilisateurs”.
Natural Cycles is a company, but we are made up of a large community of users 💜 Our users have different beliefs, stories, goals, and journeys. pic.twitter.com/asFTJG8rQp
— Natural Cycles° (@NaturalCycles) June 24, 2022
De son côté, Stardust a officialisé sur TikTok le déploiement d’un chiffrement de bout en bout de ses données, effectif à partir d’aujourd’hui. “Si nous sommes assignés à comparaître par le gouvernement, nous ne serons pas en mesure de fournir vos données de suivi de vos règles”. Enfin, l’application Flo a annoncé de son côté la création d’un mode anonyme qui permettra aux utilisatrices de supprimer l’ensemble de leurs informations personnelles.
Google et Facebook vont-ils prendre parti ?
Si les applications spécialisées sont particulièrement scrutées depuis cette décision historique, Google et Facebook vont eux aussi, devoir rendre des comptes. Plusieurs élus démocrates, ainsi que des associations militant pour les droits humains ont appelé les deux GAFAM à mieux protéger les données personnelles.
Wall Street Journal