Dans de nombreux pays, alors que l’inflation fait rage, le prix des caprinés s’envole à mesure qu’approche le sacrifice de l’Aïd-el-Kébir.
Si les voies du Seigneur restent impénétrables, les voies du saigneur de mouton sont très limpides, en période de préparatifs des saintes festivités. Pendant le jeûne du ramadan qui invite à la solidarité, de nombreux acteurs du marché alimentaire pratiquent déjà la spéculation sans vergogne. Et voici venue la bombance de l’Aïd-el-Kébir… Célébrée chaque année par les musulmans du monde entier, la Tabaski devrait voir sa date fixée par le bon vouloir de la lune, le 9 ou le 10 juillet. Mais c’est déjà un casse-tête pour de nombreux ménages musulmans.
Pression sociale
La tradition de la fête implique l’abattage de moutons, en mémoire du sacrifice que Dieu demanda à Abraham pour éprouver sa foi. Si le Coran n’impose pas, à chacun, l’égorgement d’un ruminent, il en est tout autre de la pression sociale, la réputation d’une famille se mesurant parfois à la grosseur du bélier de Tabaski. Et le marché en a conscience…
Ainsi, le prix de l’ongulé tant désiré s’envole dans de nombreux pays particulièrement concernés par les festivités musulmanes : de 50 000 à 100 000 dinars (entre 300 et 700 euros) pour un animal en Algérie ; près de 3 000 dirhams au Maroc ou 1 000 dinars en Tunisie (300 euros) ; entre 350 et 450 euros en France, 150 euros pour bon nombre de mouton d’Afrique de l’Ouest…
Inflation exceptionnelle
L’évocation d’une flambée des prix inédite pourrait avoir l’air d’une rengaine, tant elle s’entend chaque année. Mais le contexte inflationniste est bien exceptionnel en 2022. Certes, l’ovin sacrifié n’aura vraisemblablement aucune origine ukrainienne. Mais, par effet papillon, le pouvoir d’achat de nombreux musulmans est effectivement mis à rude épreuve, depuis le début du conflit en Europe de l’Est, le fidèle devant orchestrer des arbitrages cornéliens entre les différents éléments de son budget, alimentaires ou non. Et le coût des aliments pour bétail a presque doublé, par rapport à l’année dernière, notamment au Maghreb. Et la sécheresse subie par une partie de la façade méditerranéenne africaine ne simplifie pas l’équation.
Le fervent carnivore est censé être aidé, dans certains pays, par une subvention concernant les aliments de bétail, comme au Sénégal où l’effet sur l’accessibilité des moutons de Tabaski n’est pourtant pas sensible. Conscients qu’ils devront affronter le regard de la famille et le jugement du quartier, certains se recentreront tout de même sur les préceptes des textes saints qui ne font guère de différence entre une chèvre maigrelette, un bouc modeste et un mouton de compétition. D’autres opteront pour un partage d’ovin. Le principe restera conforme à l’impératif de sociabilité des fêtes religieuses, tout autant qu’il permettra l’exhibition d’un bel animal, avant son sacrifice. En garde alternée…
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