Les sanctions internationales imposées à la Russie contribueront à accélérer le rythme de la course aux armements entre le Maroc et l’Algérie. Si Alger peut accéder aux technologies militaires avancées de Moscou, qui cherche à vendre des armes pour réduire l’impact des sanctions, le Maroc se dirigera vers les États-Unis pour s’armer et maintenir son équilibre des pouvoirs dans la région.
La course aux armements entre le Maroc et l’Algérie devrait s’intensifier, notamment à la lumière de la récente guerre de déclarations autour du différend sur le Sahara occidental, indique cette semaine Breaking Defense, spécialisé dans les questions militaires. Alors que les gouvernements des deux pays ont tendance à investir massivement dans leurs armées, les sanctions imposées par l’Occident à la Russie l’alimenteront davantage, analyse-t-il.
La même source rappelle que Moscou s’efforce d’exporter ses armes alors que l’Algérie, client militaire fidèle de la Russie, peut «soudainement se retrouver face à des prix moins chers pour l’avion».
«À ce stade, en tant que l’un des plus grands clients mondiaux d’armes russes, l’Algérie finira probablement par avoir accès à une technologie de pointe que Moscou cherche à exporter», a déclaré Samuel Bendett, membre du Center for a New American Security, ajoutant qu’Alger peut acquérir des Soukhoï Su-57 et même devenir premier client des Su-75 Checkmate.
En revanche, le Maroc cherche à renforcer son armée de l’air, en dépensant massivement dans des avions et des hélicoptères de fabrication américaine. «Compte tenu de la géographie régionale où se trouvent les deux pays – vaste zone, longues distances – les capacités de l’armée de l’air sont essentielles pour la surveillance, le renseignement, la reconnaissance, et le combat», a ajouté l’expert.
Dans son rapport publié en avril 2022, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm a confirmé que l’Algérie avait dépensé en 2021 environ 9,1 milliards de dollars pour acquérir des armes, tandis que les dépenses du Maroc s’élevaient à 5,4 milliards de dollars. Les États-Unis et la Russie profitent de la course aux armements entre les deux pays, car ils sont leurs principaux fournisseurs d’armes.
Armes russes pour l’Algérie et américaines pour le Maroc
«En 2006, Poutine a annulé la dette militaire algérienne de 4,7 milliards de dollars de l’ère soviétique, en échange d’une promesse d’acheter 7,5 milliards de dollars de nouvelles armes russes à l’avenir», rappelle Michaël Tanchum, chercheur non résident à l’Institut du Moyen-Orient et chercheur principal à l’Institut autrichien de politique européenne et de sécurité. «Lorsque les revenus du pétrole et du gaz naturel ont augmenté en Algérie, celle-ci est devenue le troisième client de la Russie», rappelle-t-il.
En conséquence, «les arsenaux de l’Algérie regorgent d’armes russes moins chères et bien éprouvées», y compris une flotte d’avions de chasse Su-30, MiG-29, Su-24 et MiG-25, complète Samuel Bendett.
Ces dernières années, l’Algérie a manifesté un intérêt pour l’acquisition de Su-57, un chasseur russe de cinquième génération de Sukhoi. L’agence russe Spoutnik a révélé, en novembre 2020, que l’Algérie avait acheté 14 avions Su-57 à Moscou pour une valeur de 2 milliards de dollars, que le pays recevra d’ici 2025.
Contrairement à l’Algérie, le Maroc a choisi, dans sa quête de maintien de l’équilibre des forces, d’aller sur le marché américain pour équiper son armée. Rabat a signé un contrat d’achat de 25 avions F-16C / D Block 72 en février 2019. L’armée de l’air marocaine prévoit de recevoir les appareils en 2025. Le Maroc a également signé un contrat avec Boeing en juin 2020, pour l’acquisition de 24 hélicoptères AH-64 Apache dont les livraisons devront commencer d’ici 2024.
Risque de guerre
Selon les médias israéliens, le Maroc a demandé au ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, lors de sa visite au Maroc en janvier 2022, d’aider à persuader les États-Unis de vendre des avions F-35 au royaume. Rabat cherche également à construire une plate-forme régionale pour la maintenance des F-16 et C-130 américains, et à conclure des accords avec les États-Unis pour moderniser son arsenal militaire, rappelle-t-on encore.
«Cela conduit à se demander si une telle course est réellement durable, compte tenu de la hausse des prix de la technologie militaire moderne et de la politique intérieure, de l’économie et des affaires intérieures de chaque pays», a commenté Samuel Bendett.
L’expert militaire marocain Abdelhamid Harfi n’a pas exclu, pour sa part, le déclenchement d’une guerre limitée entre les deux pays. «J’aurais souligné plus tôt qu’il n’y a pas une telle possibilité, mais après l’invasion russe de l’Ukraine avec toutes ses répercussions géostratégiques et l’escalade du discours algérien envers le Maroc, les possibilités sont grandes», ajoute-t-il.
Pour lui, le déclenchement d’une guerre à grande échelle entre les deux pays est hautement improbable, en raison de leurs ressources économiques limitées et aussi parce qu’ils sont situés aux frontières sud de l’Europe, ce qui signifie que les pays européens interviendront pour arrêter un tel scénario. «Mais la probabilité est élevée pour des escarmouches frontalières entre les deux pays», a-t-il averti.
YABI