La stabilité qui est souvent avancée pour justifier la parité fixe entre l’euro et le FCFA semble aujourd’hui voler en éclats. La monnaie européenne ne semble plus pouvoir se protéger elle-même face au dollar américain, et entraîne celle de la CEMAC et de l’UEMOA dans sa tourmente.
Mardi 5 juillet, l’euro, la monnaie commune à 19 pays européens, a reculé de 1,5% face au dollar américain, atteignant son niveau le plus bas depuis près de 20 ans, a pu constater l’Agence Ecofin. Les raisons de cette nouvelle baisse divergent, car il n’est pas toujours évident d’expliquer des mouvements brusques de marché sur une période courte.
Les analyses constantes semblent indiquer que les agents économiques craignent que la zone euro ne soit en récession. Mais un fait constant qu’on peut relever, c’est que l’inflation a atteint à fin juin, le niveau de 8,6%, principalement tirée par les prix de l’énergie dont les factures au niveau mondial se payent principalement en dollar US. Cette hausse généralisée des prix sur le marché mondial profite à la monnaie américaine qui est très sollicitée et sa valeur augmente.
La situation actuelle a poussé la Banque centrale européenne (BCE) à envisager de relever ses taux pour la première fois depuis 11 ans, lors de sa réunion du jeudi 21 juillet prochain. Les investisseurs sont insatisfaits de l’annonce faite par Christine Lagarde, présidente de la BCE, d’une hausse de 0,25%, et privilégient ainsi le dollar qui est plus rentable.
Des implications à anticiper pour le FCFA
Alors que les pays de l’UEMOA et de la CEMAC n’exercent aucune influence sur les décisions de politique monétaire européenne, les variations de l’euro les impactent en raison de la parité fixe qui existe entre le franc CFA et la monnaie européenne. Ce mercredi 6 juillet, la devise africaine était en baisse de 10% depuis le début de l’année, et se négociait à 640,1 FCFA pour 1$, selon des informations de la plateforme Xe.com. C’est son niveau le plus faible depuis plus de 20 ans.
Aucune banque centrale ou ministère des Finances des deux sous-régions ne prévoyait un tel scénario. Les gains et les pertes devront être scrupuleusement analysés, alors que dans l’ensemble des pays, on se prépare déjà aux budgets de l’année 2023.
Pour les pays exportateurs de matières premières comme le pétrole, l’or, le gaz, le cacao, le coton, l’opportunité est réelle d’accroître les revenus d’exportation.
Aussi, pour les pays de la zone UEMOA dont la Banque centrale (BCEAO) a récupéré les réserves de change et les a placées majoritairement sur des actifs en dollars US, c’est aussi une bonne opportunité de générer des plus-values. Mais les deux sous-régions sont aussi importatrices de biens et services, et la zone euro, en proie à l’inflation, est un partenaire clé.
La difficulté est de savoir jusqu’à quand cette situation va durer. Si la crise en Ukraine et les ruptures sur la chaîne d’approvisionnement mondiale sont évoquées comme principales raisons, il est à noter que la chute de l’euro a débuté depuis le 1er janvier 2021. Une fois de plus, ce sont les sentiments de marché qui ont fait la différence. Les banques centrales américaine et européenne ont mis en œuvre des politiques monétaires accommodantes face à la crise de 2008 et celle de la covid-19.
Mais alors que la FED a commencé à donner des signaux d’une suspension de son programme, les Européens quant à eux ont essayé de trouver des mesures d’adaptation pour soutenir la dette de certains pays comme la France ou l’Italie, et surtout, pour permettre une relance post-covid vigoureuse et constante. Cette stratégie ne semble pas avoir eu que des implications positives. Les agents économiques de la CEMAC et de l’UEMOA doivent désormais subir les effets de ces choix, sans que leurs avis, et surtout leurs intérêts, ne puissent compter dans la recherche des solutions aux défis actuels.
lejecos