Le prince héritier Mohammed ben Salmane et le président américain Joe Biden ont, lors de leur rencontre en Arabie saoudite, brièvement évoqué l’affaire Jamal Khashoggi. Si pour MBS, ce meurtre est une « tragédie », c’est aussi une affaire classée. MBS a également souligné les « erreurs » des États-Unis, notamment en Irak.
L’Arabie saoudite a fait savoir samedi 16 juillet que l’assassinat du journaliste critique Jamal Khashoggi était une « tragédie » sur laquelle il était inutile d’épiloguer, après que le président américain Joe Biden l’a évoqué lors de sa visite dans la monarchie du Golfe. Il a aussi souligné « des erreurs » de Washington, notamment en Irak.
Le président américain de 79 ans, qui avait entamé mercredi sa tournée au Moyen-Orient par une visite en Israël et dans les Territoires palestiniens, a passé moins de 24 heures en Arabie saoudite où il a rencontré plusieurs chefs d’État et responsables de la région, dont le roi Salmane et le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS).
Il a quitté l’Arabie saoudite samedi après une visite très controversée durant laquelle il a tenté de réaffirmer l’influence des États-Unis au Moyen-Orient, où il s’est rendu pour la première fois en tant que président.
L’administration Biden dit vouloir promouvoir une nouvelle « vision » pour le Moyen-Orient, basée sur le dialogue et la coopération économique et militaire. Avec en toile de fond les processus de normalisation entre Israël et les pays arabes.
Ce qui ne l’a pas empêché de promettre, dans une allusion transparente à Téhéran où se rend bientôt le président russe Vladimir Poutine : « Nous ne tolérerons pas qu’un pays essaie d’en dominer un autre dans la région au travers de renforcement militaires, d’incursion, et/ou de menaces. »
Joe Biden a, par ailleurs, promis que son pays « ne se détournerait pas » du Moyen-Orient en laissant « un vide que pourraient remplir la Chine, la Russie ou l’Iran ».
« Check » entre Joe Biden et MBS
Le voyage restera marqué par l’image d’un président échangeant le « check » du poing avec MBS, accusé par les renseignements américains d’être le commanditaire de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Kashoggi en 2018. Joe Biden avait d’ailleurs promis de faire de l’Arabie saoudite un « paria ».
🇸🇦 Joe #Biden est arrivé en #ArabieSaoudite, dont il voulait faire un pays "paria", pour une rencontre historique avec #MBS, le prince saoudien. Il lui a fait un "check" à son arrivée. Enjeux de pouvoir à suivre dans le #20h sur @infofrance2 @France2tv pic.twitter.com/Wa8m5zNu6n
— France TV Washington (@F2Washington) July 15, 2022
Critique du pouvoir après en avoir été proche, Jamal Khashoggi a été assassiné dans le consulat saoudien d’Istanbul en 2018. Les services de renseignement américains ont pointé la responsabilité du prince héritier Mohamed ben Salmane, envenimant les relations entre Riyad et Washington.
Surnommé MBS, le dirigeant de facto du royaume, recevant le président américain vendredi, « a expliqué (à Joe Biden) qu’il s’agissait d’une tragédie pour l’Arabie saoudite », selon le ministre d’État aux Affaires étrangères Adel al-Jubeir.
Le responsable saoudien a, par ailleurs, mis en avant les « erreurs » des États-Unis, citant l’affaire d’Abou Ghraib, cette prison irakienne où des militaires américains ont pratiqué torture et traitements humiliants.
Le prince héritier a assuré que « les responsables [du meurtre de Khashoggi] avaient fait l’objet d’une enquête, avaient été confrontés à la justice et payaient désormais pour le crime », a-t-il ajouté dans une interview avec CNN.
Interrogé sur un rapport du renseignement américain désignant MBS comme le commanditaire de l’opération, le ministre saoudien a lancé : « Nous savons bien ce qu’avait conclu le renseignement à propos des armes de destruction massive de Saddam Hussein », qui n’ont jamais existé.
Des coupables « punis »
Adel al-Jubeir a également précisé que le royaume estimait que l’affaire Khashoggi avait été suffisamment traitée, même si la dépouille du journaliste n’a jamais été retrouvée.
En 2020, un tribunal saoudien a condamné huit personnes à des peines allant de sept à vingt ans de prison pour ce meurtre. Leurs noms n’ont jamais été publiés, et la fiancée de Khashoggi a qualifié le jugement de « farce ».
« Le Royaume d’Arabie saoudite a enquêté sur ce crime. Le Royaume d’Arabie saoudite a demandé des comptes à ceux qui en sont responsables, et ils paient le prix du crime qu’ils ont commis en ce moment même », a déclaré Adel al-Jubeir.
« Nous avons enquêté, nous avons puni et nous avons mis en place des procédures pour que cela ne se reproduise pas. C’est ce que font les pays dans des situations comme celle-ci. »
La fiancée de Jamal Khashoggi, a exprimé son indignation quant à la rencontre entre Joe Biden et Mohammed ben Salmane, imaginant ce que son compagnon aurait pensé de cette visite. « Est-ce là votre façon de faire rendre des comptes aux responsables de mon meurtre ? Le sang de la prochaine victime de MBS (surnom de Mohammed ben Salmane, NDLR) est sur vos mains », a-t-elle tweeté vendredi.
Reuters