Cet algorithme pourrait sauver des milliers de vies en soins intensifs en détectant un sepsis

Toutes les quatre secondes, un malade meurt de sepsis à l’hôpital. Pour éradiquer ce fléau, une équipe a mis au point un algorithme destiné aux soins intensifs, dont les résultats sont bluffants.

En France, une personne décède du sepsis toutes les quatre secondes. Pourtant, ce syndrome est largement méconnu. Lorsque l’organisme est infecté, il répond parfois par une forte réaction immunitaire. Ce mécanisme de défense déclenche occasionnellement un sepsis (appelé « septicémie » par le passé), une réponse dérégulée de l’organisme alors qu’il subit une infection grave.

L’infection peut commencer localement (péritonite, pneumonie, infection urinaire…) et s’étendre à d’autres organes. L’état du patient s’aggrave alors : l’inflammation se généralise et peut entraîner des caillots sanguins, la dilatation de vaisseaux sanguins, une défaillance d’organes et la mort. Dans ce cas de figure, la situation évolue rapidement et la santé du patient se détériore vite. Si bien qu’environ 35% de ceux en soins intensifs en meurent aux Etats-Unis.

Chaque année, 70.000 Français sont touchés par le sepsis et 30.000 en meurent. Pour les survivants, les séquelles peuvent être graves comme des amputations, des lésions aux reins ou aux poumons.

Une vie sur cinq sauvée
Pour traiter le sepsis, les malades reçoivent des antibiotiques à large spectre efficaces contre un grand nombre de bactéries. Plus ils sont administrés tôt, quand le sepsis n’a pas encore trop progressé, et plus les chances de s’en sortir sont grandes. Cependant, le sepsis est très difficile à reconnaître parmi les autres symptômes des patients.

Il se caractérise par de la fièvre et de la confusion. « Le sepsis sévère est facile à reconnaître car les dommages sur les organes sont évidents. Mais à ce moment, il devient très difficile de corriger la réaction du système immunitaire et de la stopper, déplore le Dr Martin Doerfler, du Northwell Health’s Center for Learning and Innovation auprès de Sciences et Avenir. En revanche, les premières étapes du sepsis se confondent avec tout un tas de maladies, voire même les réactions de l’organisme à une simple chirurgie. »

« Mis à part gagner du temps en identifiant encore plus tôt le sepsis, il n’existe pas d’autre façon d’améliorer la survie de ces patients », explique le Pr Suchi Saria, spécialisée en machine learning pour le monde médical à l’Université Johns Hopkins. Alors pour essayer de détecter plus en amont le sepsis, l’université américaine a mis au point un algorithme capable d’identifier les patients à risque. Le programme, appelé Targeted Real-Time Early Waning System, analyse l’historique médical du patient, ses symptômes actuels et ses résultats d’analyses.

Si un patient montre des symptômes de sepsis, une alerte est déclenchée auprès des médecins du service. Un médecin se rend au chevet du patient, où il doit compléter un court questionnaire sur l’état de celui-ci. C’est ensuite au professionnel de santé de décider s’il y a lieu d’administrer des antibiotiques au malade ou non.

Testé sur plus de 700.000 patients dans un essai clinique d’une durée de deux ans, l’algorithme s’est montré capable de détecter le sepsis 1,85 heure plus tôt en moyenne que dans les services sans algorithme, ce qui a permis de traiter les patients bien plus en amont. Comparé aux cas où le patient est décédé du sepsis, l’algorithme a même réussi à détecter le sepsis en moyenne six heures plus tôt que dans les soins traditionnels. Si bien que le taux de mortalité parmi les patients a été réduit de 18,2%, un nombre de vies sauvées dont se félicite le Dr Saria. « Dans le sepsis, chaque heure compte. C’est un formidable bond en avant qui va sauver des milliers de vies chaque année. » Les résultats de l’étude ont été publiés dans la revue Nature Medicine.

Un outil largement adopté en soins intensifs
L’algorithme a montré de bons résultats, avec un taux de sensibilité de 82% (ce qui signifie que dans 82% des cas, lorsque l’alarme s’est déclenchée, le patient souffrait effectivement d’un sepsis). Par ailleurs, à leur arrivée, les médecins ont pu confirmer directement dans la foulée qu’il s’agissait bien d’un sepsis dans 38% des cas.

Les auteurs ont réalisé une deuxième étude afin d’observer si les personnels de santé du service avaient adopté cet outil d’un nouveau genre ou non. Résultat : 89% des professionnels de santé ont montré une bonne acceptation de l’algorithme dans le service de soins intensifs. Un chiffre très encourageant, car l’intelligence artificielle n’est pour le moment presque pas utilisée en soins intensifs à l’hôpital. Elle est, en médecine, surtout utilisée pour mieux comprendre les maladies, comme le cancer ou les maladies rares, et mieux catégoriser les sous-groupes de patients. Au vu de ces résultats positifs, l’équipe va maintenant tenter d’adapter cette technologie à d’autres pathologies communes en soins intensifs, comme les escarres ou les syndromes de détresse respiratoire.

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