La mâchoire supersonique de la fourmi odontomaque livre ses secrets

L’arme mandibulaire de la fourmi odontomaque est fulgurante et redoutable. Mais comment l’animal peut-il ne pas en subir les effets et ne pas s’auto-détruire lors de son usage ?

Pour la plupart des fourmis, leurs mandibules sont de délicates baguettes avec lesquelles les insectes ramassent les aliments. Mais chez d’autres, les odontomaques, répandues dans les régions chaudes d’Afrique, d’Asie, d’Australie et d’Amérique du Sud, les mandibules sont de véritables pièges à loup capables de se déclencher et de s’abattre à la vitesse de l’éclair sur leurs victimes. De plus, l’odontomaque semble en mesure de pouvoir répéter l’opération plusieurs fois de suite s’il faut découper sa proie en morceaux !

Mystère : comment fait donc l’insecte pour que son crâne et son organisme résistent à de tels chocs sans se démettre la mâchoire ou la réduire en morceaux ? Car durant cette fulgurante manœuvre, la force exercée sur la fourmi est colossale. Elle équivaut à plusieurs centaines de fois le poids de l’animal et l’accélération du dispositif atteint les 100.000 g ! C’est sur cette énigme balistique que s’est penchée une équipe dirigée par Sheila Patek (Université Duke, aux Etats-Unis) avec des collègues américains et britanniques. Ils publient le résultat de leurs recherches dans un article du Journal of Experimental Biology.

Une tête qui rétrécit, un crâne qui se déforme
Pour révéler les secrets de la fourmi, l’équipe a filmé certains individus à l’aide d’une caméra prenant 300.000 images à la seconde. En analysant les vidéos, les chercheurs ont notamment découvert que durant la phase où l’insecte “arme“ ses mandibules pour leur permettre de s’ouvrir d’une soixantaine de degrés, c’est toute sa tête qui rétrécit et se compresse d’environ 3%. C’est là qu’ils ont saisi que si le crâne de l’animal se déformait, c’était afin de stocker une partie de l’énergie élastique requise, permettant aux mandibules de s’ouvrir d’un angle d’une trentaine de degrés. Les trente degrés restants sont fournis par l’énorme (1/7e du poids de l’animal !) muscle abducteur à l’intérieur du crâne.

Ainsi, les chercheurs ont découvert que la fourmi odontomaque était capable, tout en étirant le tendon le reliant à l’extrémité de la mandibule, de déformer l’exosquelette de la tête en la comprimant, générant de cette manière un couple de forces opposées qui provoquent la rotation et l’ouverture des mandibules.

Plus de 50 mètres à la seconde
Lorsque la fourmi décide de refermer ses redoutables appendices, les énergies stockées dans le tendon et dans la tête sont soudainement relarguées. Clac ! Le piège se referme à plus de 50 mètres à la seconde avec une étonnante précision évitant ainsi d’endommager la mâchoire de la fourmi.

L’équipe suspecte que ce mécanisme pourrait être répandu chez d’autres insectes et suggère que les ingénieurs pourraient s’en inspirer pour améliorer la précision et la longévité des micro-robots.

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